Nous, en Equateur, maintenons notre décision d’accorder l’asile politique à Assange mais cette impasse n’est pas une solution.
L’Equateur s’est engagé à protéger les personnes relevant de la persécution politique. Il ya deux ans, après une enquête approfondie et l’examen de nos obligations légales, nous avons décidé d’accorder l’asile politique à Julian Assange.
Cette décision fait suite à un changement radical dans notre compréhension globale de la vie privée, des télécommunications et de la diplomatie au cours des dernières années. Les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance de masse ont exposé des menaces graves pour la sécurité des Etats, les violations des droits de l’homme, et ont montré que l’avenir de l’Internet est en danger. Les millions de documents publiés par Wikileaks sur les manoeuvres politiques, économiques et militaires de puissants intérêts ont aussi amplifiés les questions délicates de la souveraineté et de l’abus de pouvoir.
Tous les Etats ont des secrets. Et tous les Etats ont le droit de se défendre. Mais cela ne doit pas dissimuler les graves violations des droits de l’homme, y compris des crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, que nous avons appris.
Dans de nombreux cas, les États, avec les méthodes les plus sophistiquées de surveillance, commettent des violations des droits de l’homme les plus abominables. La publication d’informations sur les violations des droits de l’homme est un droit, conformément à la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme de 1998, dont l’exercice implique un droit à la protection de ceux qui révèlent de telles violations. Le journalisme honnête et les courageux lanceurs d’alerte qui dénoncent des violations des droits de l’homme ou des attentats contre la souveraineté de l’Etat méritent d’être protégés.
Nous avons pensé que le sort de Chelsea Manning, la preuve de procédures secrètes d’un grand jury et l’exil de Snowden en Russie corroborent les craintes qu’Assange éprouve pour sa sécurité, sa liberté et sa vie lorsqu’il a cherché refuge dans l’ambassade équatorienne à Londres, il y a plus de deux ans.
Afin de garantir une protection efficace des droits de l’homme, tous les États doivent ratifier et respecter les instruments de droit internationaux. L’Equateur a manifesté un engagement indéfectible comme signataire de plusieurs conventions contraignantes qui reconnaissent et s’engagent à défendre des droits humains inaliénables.
Assumant notre responsabilité d’articuler une coopération judiciaire efficace entre Etats, l’Equateur a proposé aux autorités suédoises notre siège diplomatique à Londres, ou la possibilité de tenir une conférence vidéo, afin de faire avancer le processus judiciaire impliquant Assange. Nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi, en dépit de cette coopération offerte par le gouvernement équatorien pour tenir de tels entretiens dans notre ambassade, les procureurs suédois ont sacrifié une procédure régulière diligente, sachant que la décision violait les droits d’Assange et des deux femmes suédoises qui souhaitent une résolution rapide de cette affaire.
En outre, en dépit de l’initiative proposée par le gouvernement équatorien pour créer un groupe bilatéral de juristes pour faciliter une solution à l’affaire (acceptée par le gouvernement britannique en juin 2013), il est regrettable que les résultats n’aient pas été atteints à ce jour.
L’impossibilité de quitter l’ambassade empêche l’accomplissement de l’asile d’Assange et affecte gravement sa qualité de vie et sa santé. Deux ans sans la lumière du soleil et l’air frais, incapable de marcher à l’extérieur. C’est une injustice qu’un demandeur d’asile doit rester prisonnier d’un processus judiciaire au point mort. L’Equateur est tenu de protéger Assange dans notre ambassade jusqu’à ce qu’il puisse jouir pleinement de son droit d’asile. Nous sommes préoccupés par les conséquences d’une éventuelle urgence médicale sans possibilité d’accès à des services ou des soins hospitaliers. Le Royaume-Uni et la Suède devraient se demander s’ils sont prêts à assumer de telles conséquences.
Nous devons rendre justice à ceux qui ont sacrifié leur liberté pour nous informer des dangers de la surveillance de masse et sur l’avenir de l’Internet. Nous devons créer un régime international de réglementation contraignante qui accompagne le processus de gouvernance de l’internet, des décisions solides sur des questions sensibles telles que la protection de la vie privée, la promotion de la paix virtuelle et l’éradication de la cyber-guerre, la neutralité de l’internet et la protection sans équivoque de son caractère ouvert commun. En Amérique latine, les entités d’intégration régionale telles que Celac, l’Unasur et Alba vont nous permettre d’éliminer notre dépendance technologique du nord et de renforcer notre souveraineté.
L’Équateur réaffirme son attachement à la protection des droits de l’homme, à la liberté et à la vie d’Assange, et nous affirmons la validité de l’asile qui lui a été accordé il y a deux ans. Nous réitérons également notre demande pour un passage sûr à Assange pour qu’il puisse voyager en toute sécurité sur le territoire équatorien.
Deux ans, c’est suffisant. Une solution viable à cette situation doit être trouvée.
Traduction : Romane