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Derrière le spectacle, la dépossession - Édito

Jeudi 6 mars, Lille-Sud, 18h30. L’équipe du journal vient refiler gratos les excédents du dernier numéro sur la culture à l’entrée du meeting de campagne d’Aubry, devant la salle du Grand Sud. Une centaine d’exemplaires du reportage qui brocardait ce « nouveau bijou culturel de la mairie » le prennent d’assaut.

En pleine campagne, Aubry insulte La Brique

Sur place, plusieurs dizaines de sans-papiers sont eux-aussi sur le pied de guerre. Face à eux, Martine Aubry s’abrite derrière un ton paternaliste : « Je vous donnerai la parole, mais je ne veux pas que vous criiez. On se parle autrement qu’en criant », temporise celle que les commentateurs ont pourtant l’habitude de croquer en bouledogue. « Vous nous avez trahis, s’énerve un des sans-papiers. Vous et le préfet. On veut un rendez-vous !  » Et Aubry d’esquiver, en interpellant son adjointe à l’Égalité des chances : « Un rendez-vous, oui, vous allez voir ça avec Dalila Dendouga. Dalila ! Dalila ! Prends leur un rendez-vous pour la semaine prochaine...  »

La petite équipe de La Brique se rapproche du groupe et commence à distribuer ses numéros à tout va. Tout le monde accepte : Gilles Pargneaux, Alain Cacheux, Bernard Charles... Même Pierre de Saintignon qui, après un discret coup d’œil à la dernière couv’, enfourne rapidement le papier dans son imper’. Et alors qu’Aubry cherche à se rapatrier dans la salle, on saute sur l’occasion : « Madame Aubry, un journal pour vous ! » Elle se saisit du canard, scrute et retourne immédiatement le numéro à son envoyeur : « Ah non, pas La Brique, y’a que des saloperies là-dedans ! » On ne lui a pas parlé de son programme...

Du grabuge, puis la purge

Ce soir-là, la campagne municipale commençait presque à nous intéresser. Enfin un peu de grabuge. On s’installe à l’intérieur, en se disant que peut-être, ça va partir. Mais on se fait vite calmer. Car tout est fait, dans le dispositif de campagne d’Aubry, pour que le maire puisse continuer à se cacher. Pendant une bonne heure et demi, la logorrhée d’Aubry s’étale sans jamais pouvoir être remise en cause. Au terme de cette longue et pénible prestation, le maire fait mine d’être bonne joueuse : « Je crois que les sans-papiers voulaient s’exprimer... Ah, ils sont partis ?! » Tout finit par rentrer dans l’ordre...

Quelqu’un lève pourtant la main. Pour dire ses quatre vérités au maire ? Même pas. En substance, ce que fait Aubry en matière d’emploi est merveilleux, il faudrait juste davantage communiquer dessus. Lorsque, quelques instants plus tard, la question n’est plus téléguidée et pointe l’insalubrité de certaines habitations du quartier, elle est blackboulée. Aubry se retourne, se fait briefer en douce par ses conseillers et revient à la charge, cassante : elle sait tout, fait tout ce qu’il faut, et enjoint dans la foulée de lever la séance. Au moins aura-t-on glané cette confirmation : Aubry est complètement braquée dès qu’une voix discordante vient lui chatouiller l’ouïe.

Au-delà de ces pâles municipales...

Faute de tout faire partir en vrille, l’irruption d’un collectif, d’un canard ou d’une habitante aura toujours ce mérite de montrer combien le pouvoir local est bien affalé derrière ses certitudes. Et, au-delà, combien ces élections n’ont aucune chance de se hisser à la hauteur des enjeux. En quoi mettront-elles en discussion les pleins-pouvoirs de Lille Métropole Communauté Urbaine ? Que changeront-elles à la séparation entre les Roubaisiens et leurs soi-disant représentants ? Comment donneront-elles une épaisseur au slogan éculé de la démocratie participative ?

Si ce numéro ne s’aplatit pas sur le rythme cardiaque du spectacle de la campagne, c’est que les ramifications du pouvoir remontent plus haut. Le pouvoir, ou plutôt les pouvoirs : après s’être coltiné-es deux des gadgets électoraux du PS – le logement et la culture – , on a poursuivi l’exploration de tout ce qui tend à nous déposséder de notre propre expérience. On est donc partis de cette politique politicienne (le PS, la métropole – bref, le monopole), puis on a remonté le fil de la justice des comparutions immédiates, de la « Troisième Révolution Industrielle », des méthodes d’accumulation des pactoles à huit chiffres des Grandes Familles du Nord... En somme, on a redessiné les chemins cloutés de la vie quotidienne. En espérant vite en sortir.

Au sommaire du numéro 39 de La brique Lille :

Démocratie participative : L’illusion du pouvoir
Reportage : Quand Roubaix s’abstient...
Troisième révolution industrielle  : De quoi Jeremy Rifkin est-il le nom ?
La Voix du Nord : « Médiamorphose » et médias amorphes
Parti Socialiste : Une association de traîne-cravates
Métropole : Les faux-semblants des élections communautaires
Dossier : Justice de classe
Chronique du Capital  : Les beaux jours des capitalistes nordistes
Histoire du bocal  : « Le chômage est inhérent au système capitaliste »
Raoul Vaneigem : « La Grèce apprend à se passer de l’Etat »

Exceptionnellement, ce numéro compte 24 pages ! C’est qu’il y avait beaucoup de choses à dire et à dessiner. Comme d’hab’, vous y trouverez des illustrations chiadées, une poésie et le faux procès de... La Brique !

»» http://labrique.net/numeros/numero-...
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La convention qui rédigea la Constitution des Etats-Unis était composée de 55 membres. Une majorité d’entre eux étaient des avocats - pas un seul fermier, ouvrier ou paysan. 40 possédaient du Revolutionary Scrip [monnaie émise pour contrer la monnaie coloniale]. 14 étaient des spéculateurs de terrains. 24 étaient des prêteurs. 11 étaient des marchands. 15 possédaient des esclaves. Ils ont crée une Constitution qui protège les droits de propriété, pas les droits de l’homme.

Senateur Richard Pettigrew - "Plutocratie Triomphante" (1922)

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