- Samedi dernier, nous étions quelques étudiants au repas au local de l’UL CGT à Aulnay pour le premier anniversaire de la grève de PSA Aulnay. Comment ça se passe aujourd’hui par rapport à l’accord signé avec PSA à la fin de la grève l’année dernière ?
N : Si on fait le bilan de la situation aujourd’hui et si on ne se base que sur les grévistes, la plupart qui devait avoir une mutation attendent toujours. Il y avait des camarades qui avaient déjà une date début février pour aller à Poissy, mais leurs mutations ont été suspendu par PSA il y a quelques jours. Ce n’est pas un hasard, ce sont des camarades qui ont été très actifs pendant la grève, des "têtes de liste" on pourrait dire. Il y en a beaucoup d’autres qui attendent encore. La direction a tout prévu pour gagner du temps, elle a établi un planning pour se rapprocher de la date butoir, c’est-à-dire de la date de fermeture de l’usine, en laissant partir ceux qui voulaient partir avec l’argent, en faisant quelques mutations, mais le gros de grévistes qui veulent être reclassés sont toujours là et attendent. La date de fermeture approche et PSA essaie de tout faire pour ne pas se voir contraint à respecter l’accord signé avec les grévistes.
Il y a aussi la question des poursuites en justice. Dans l’accord de fin de grève, PSA s’était engagé à ne pas poursuivre les ouvriers en justice pour les actions faites pendant les 4 mois de lutte et à annuler l’ensemble de poursuites judiciaires qui étaient déjà en cours pour des anciennes grèves. Mais ces derniers jours on a appris que deux nouvelles plaintes étaient en cours. Le problème est que ce ne sont pas des plaintes portées directement par PSA. Dans le premier cas, c’est une plainte portée par un huissier qui dit avoir été agressé pendant la grève. Dans le second, il s’agit d’un sous-traitant de PSA, un fournisseur de câbles plus précisément, qui a porté plainte car ils réclament avoir perdu 200.000 euros en raison d’un retard dans la livraison d’une commande dans la période de la grève. PSA a facturé ce retard, et donc maintenant ils veulent faire payer les grévistes...
- Et vous comptez réagir face à tout ça ?
N : Ce qu’il faudrait dire d’abord, c’est que je crois qu’on a fait une erreur. Je le vois aujourd’hui, avec le recul. A la fin de la grève, il y avait plein de camarades qui voulaient partir, et on était tous fatigués. On a signé le protocole, mais on aurait dû décider qu’on restait tous et qu’on s’engageait à ce que personne ne bouge jusqu’à ce que tout soit réglé. Maintenant je le dis avec le recul, mais sur le moment c’était pas évident... On sortait de quatre mois d’une grève très dure et beaucoup étaient très fatigués. Comme je te disait, aujourd’hui on se retrouve avec la suspension de mutations. La vérité c’est que PSA essaie d’avancer et de voir s’il y a de réactions ou pas : ils nous testent.
On ne se pose pas la question si on va bouger ou pas, on réfléchit juste à comment on va le faire. On va essayer de faire des actions auprès de PSA, bloquer des sites, etc, et aussi contre le gouvernement car ils ne font absolument rien pour s’assurer que PSA tienne son engagement.
- Quel est le bilan que tu peux tirer de la lutte et dans quel sens tu penses pouvoir utiliser ton expérience ? Et quelle est ta perspective ?
N : Le bilan de la lutte est très positif. Parfois on a des idées et on en est convaincus, mais le fait de lutter ça te fait apprendre plein de choses très vite, sur le plan pratique. Il n’y a rien de mieux dans ce sens là : faire l’expérience de la lutte, voir comment se comporte PSA, le gouvernement... En discutant avec quelques grévistes, on se dit que pendant quatre mois on a fait plein de choses, mais on aurait pu faire encore plus. Le bilan que j’en tire c’est que une lutte comme celle qu’on a mené te fixe des idées, ça te fait comprendre qu’il faut se battre, mais surtout ça te fait comprendre que cela ne suffit pas de se battre pour certaines choses. Il est clair qu’on gagne aujourd’hui mais demain ils nous font reculer. On comprend que ce n’est pas suffisant de se battre sur le terrain syndical, quand on voit que ce qu’il y a derrière : un système injuste où tout est fait pour les patrons.
- Et avec la crise économique, les licenciements et les fermetures qui se multiplient, et aussi avec la politique mené par ce gouvernement, ce que tu dis par rapport à la nécessité de mener un combat plus global devient de plus en plus évident...
N : Moi je veux continuer à militer dans les entreprises, à me battre, c’est là où les travailleurs peuvent faire une expérience. Avec la lutte à l’usine, beaucoup d’ouvriers se sont battus pour la première fois, ils ont découvert la lutte, et ils ne sont plus les mêmes ouvriers aujourd’hui. La lutte est un accélérateur de conscience, ils ont pris le système en pleine gueule. Si je peux aujourd’hui rentrer dans une grande entreprise et continuer à semer quelques idées, à poursuivre le combat et mettre ma petite expérience au service de tout ça, ce sera pas mal !
Propos recueillis par Laura Varlet, une des militantes du réseau de solidarité mis en place avec plusieurs étudiant-e-s de différentes universités de Paris et de sa banlieue vis-à-vis de la grève des travailleurs de PSA Aulnay l’an passé, avec l’organisation, notamment, de collectes d’argent dans les facs pour la caisse de grève ainsi qu’une soirée-concert à Paris 8, en février dernier
28/01/2014