RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
La gauche et la droite, ce n’est pas pareil . En effet, mais pas dans le sens prévu.

Sauvé ? Sauvé !

Quatre heures. C’est le temps qu’il aura fallu au Conseil d’Etat pour casser la décision du tribunal administratif de Nantes autorisant le spectacle de Dieudonné M'bala M'bala. Les juges nantais avaient pourtant suivi une jurisprudence constante : jamais – si l’on excepte la période de l’Occupation – une interdiction de ce type n’avait été prononcée. Quelques jours auparavant, le ministre de l’Intérieur avait affirmé son intention de tout mettre en œuvre pour parvenir à ce résultat, imputant à l’humoriste un prosélytisme antisémite. Le président de la République avait appuyé cette intention, au grand étonnement de la plupart des juristes.

On imagine la vague d’indignation qui eût secoué la classe politico-médiatique si le président russe, par exemple, avait annoncé sa volonté d’interdire un spectacle, moyennant un oukase prononcé par quelque Cour « à sa botte ». Quoi qu’il en soit, ce 9 janvier, deux principes censés fonder une dite démocratie libérale ont été d’un seul mouvement bousculés : la liberté d’expression, et l’indépendance de la justice. Si l’affaire s’était déroulée à Budapest, la Commission européenne se serait fendue d’un communiqué faisant état de sa « grave préoccupation » et s’interrogeant sur de possibles sanctions.

Alors que le président français annonce son ralliement assumé aux thèses économiques défendues par le Medef et prépare l’amplification de la politique suivie par son prédécesseur, certains des derniers partisans de la majorité socialo-écologiste faisaient valoir qu’au moins, sur l’ultime plan des libertés publiques, « la gauche et la droite, ce n’est pas pareil ». En effet, ce n’est pas pareil – mais pas dans le sens prévu.

Autant que le verdict surprise du Conseil d’Etat, ses attendus ne laissent pas d’inquiéter. La notion de trouble à l’ordre public, traditionnellement mise en avant, est certes critiquable ; encore s’agit-il d’un objet juridique bien cerné et compréhensible par le sens commun. Mais que soit, cette fois, invoquée la mise en cause de la « dignité humaine » et de la « cohésion nationale » pourrait faire sourire si les enjeux n’étaient pas aussi graves. Tant qu’on y est, pourquoi ne pas évoquer la mise en danger de l’équilibre budgétaire, du crédit international de la France, de la « soutenabilité » du climat, ou du respect dû aux papiers gras ?

Il n’est pas nécessaire d’être grand juriste pour comprendre que l’atteinte à la « cohésion nationale » est un prétexte qui peut être étendu quasiment à l’infini. A fortiori dès lors que le chef de l’Etat précise que, dans l’affaire Dieudonné, « nous sommes intervenus ». Manière d’assumer le fait que la plus haute autorité administrative n’a pas réellement tranché en toute indépendance.

Dans la même conférence de presse, mais sur un autre sujet, François Hollande a martelé : « je ne laisserai pas faire ceux qui veulent en terminer avec l’idée européenne ». Une formulation qui pourrait sonner, dans le nouveau contexte de malléabilité du droit et de montée de la colère contre l’Europe, comme une menace relevant de la police administrative. La mise en cause de l’Union européenne sera-t-elle la prochaine étape de la jurisprudence imaginée place du Palais-Royal ?

Il faut certes se garder de la paranoïa. Pourtant, il y a peu, une haute personnalité plaidait pour que l’Union puisse agir comme « un ultime garde-fou contre des dérives » dans un Etat membre. Et ce, dans « des situations très peu nombreuses a priori, mais correspondant à des turbulences telles (…), fussent-elles couvertes par l’apparence de la volonté populaire, qu’un contre-pouvoir devrait se déclencher au niveau de l’Union ».

L’auteur de ce discours (21/11/13) injustement méconnu n’est autre que Jean-Marc Sauvé, vice-président et patron de fait… du Conseil d’Etat. Qui considère donc que l’UE serait légitime pour intervenir dans un pays membre, même contre « l’apparence » de la volonté populaire. Pour préserver la France contre la volonté de son peuple, en quelque sorte.

Décidément, le pays n’est pas Sauvé.

PIERRE LEVY
Éditorial paru dans l’édition du 27/01/14 du mensuel Bastille-République-Nations
Information et abonnements : www.brn-presse.fr
Pierre Lévy est par ailleurs l’auteur d’un roman politique d’anticipation dont une deuxième édition est parue avec une préface de Jacques Sapir : L’Insurrection

»» http://www.brn-presse.fr/#Cinq_01a.L
URL de cet article 24223
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

La rose assassinée
Loic RAMIREZ
Vieilles de plus de 50 ans, souvent qualifiées par les médias de narco-terroristes, les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), restent avant tout une organisation politique avec des objectifs bien précis. La persistance de la voie armée comme expression ne peut se comprendre qu’à la lumière de l’Histoire du groupe insurgé. En 1985, s’appuyant sur un cessez-le-feu accordé avec le gouvernement, et avec le soutien du Parti Communiste Colombien, les FARC lancent un nouveau parti politique : (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Le plus troublant pour moi était la soif de meurtre témoignée par les membres de l’US Air Force. Ils déshumanisaient les personnes qu’ils abattaient et dont la vie ne semblait avoir aucune valeur. Ils les appelaient "dead bastards" et se félicitaient pour leur habilité à les tuer en masse.

Chelsea (Bradley) Manning

"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.