Cet article est paru dans le numéro de mai du Monde Diplomatique à l’occasion de son cinquantenaire.
L’art de tout dire en peu de mots.
Ignacio Ramonet est Président du Directoire et Directeur de la Rédaction du Monde Diplomatique.
JMH
Résister, c’est dire non.
Non au mépris. Non à l’arrogance. Non au broyage économique. Non aux nouveaux maîtres du monde. Non aux pouvoirs financiers. Non au G8. Non au « consensus de Washington ». Non au marché totalitaire. Non au libre-échange intégral. Non à la domination du « poker du Mal » (Banque mondiale, FMI, OCDE, OMC). Non à l’hyperproductivisme. Non aux organismes génétiquement modifiés. Non aux privatisations permanentes. Non à l’irrésistible extension du secteur privé. Non à l’exclusion. Non au sexisme. Non à la régression sociale. Non au démantèlement de la Sécurité sociale. Non à la pauvreté. Non aux inégalités. Non à l’oubli du Sud. Non à la mort, chaque jour, de 30 000 enfants pauvres. Non à la destruction de l’environnement. Non à l’hégémonie militaire d’une seule hyperpuissance. Non à la guerre préventive. Non aux guerres d’invasion. Non au terrorisme. Non aux attentats contre les populations civiles. Non aux racismes. Non à l’antisémitisme. Non à l’islamophobie. Non au tout-sécuritaire. Non à la surveillance généralisée. Non au flicage de la pensée. Non à l’abaissement culturel. Non aux nouvelles censures. Non aux médias qui mentent. Non aux médias qui nous manipulent.
Résister c’est aussi pouvoir dire oui.
Oui à la solidarité entre les 6 milliards d’habitants de notre planète. Oui aux droits des femmes. Oui à l’existence d’une ONU renouvelée. Oui à un nouveau plan Marshall pour aider l’Afrique. Oui à l’éradication définitive de l’analphabétisme. Oui à une offensive internationale contre la fracture digitale. Oui à un moratoire international pour la préservation de l’eau potable. Oui aux médicaments essentiels pour tous. Oui à des actions décisives contre le sida. Oui à la préservation des cultures minoritaires. Oui aux droits des indigènes. Oui à la justice sociale et économique. Oui à une Europe plus sociale et moins marchande. Oui au « consensus de Porto Alegre ». Oui à une taxe Tobin d’aide aux citoyens. Oui à un impôt sur les ventes d’armes. Oui à la suppression de la dette des pays pauvres. Oui à l’interdiction des paradis fiscaux.
Résister, c’est rêver qu’un autre monde est possible.
Et contribuer à le bâtir.
« Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! »
John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse
(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)