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Ici, c’est un bagne, il faut le faire savoir !

LA QUESTION DES TRAVAILLEURS LOW-COST DIT SALARIES DETACHES

Synthèse UL CGT de Béthune : « Ils veulent nous appauvrir pour faire plus de fric ! »

« Ici, c’est un bagne, il faut le faire savoir ! » telle est la réaction d’un salarié d’une entreprise française de TP, à l’entrée du chantier du terminal méthanier de Dunkerque, bloquée par des syndicalistes CGT.

Depuis des mois, les média, arme de propagande du capital, ne cessent de nous interpeller sur les conditions des travailleurs détachés au Qatar par les multinationales du BTP, dont plusieurs ont leur siège ici en France.

« Scandaleuses, déplorables, inhumaines, esclavage moderne »… sont les termes employés pour décrire ce que vivent les philippins, bengalis, pakistanais… qui construisent les stades, les hôtels et les routes, pour satisfaire la mégalomanie de la théocratie qatarienne qui a acheté à coup de millions, les voix qui lui ont permis de sortir vainqueur du chapeau de la FIFA.

Doha que certains voulaient déjà présenter comme la 8ème merveille du monde (avec des dollars tout s’achète), est montrée du doigt comme étant la capitale de l’esclavage. Un scandale… et voilà que beaucoup disaient qu’il fallait appeler au boycott de ce pays des gazodollars et pétrodollars, dirigé par une famille mise au pouvoir par l’Occident il y a une quarantaine d’années… mais sans jamais rappeler que les dirigeants qatari avaient investi des milliards d’euro en Europe, en France, dans l’industrie, la banque, l’immobilier et le commerce, et même dans le vin.

Mais si le Qatar est un partenaire commercial et désormais industriel, il est aussi l’allié de plusieurs nations bellicistes, dont bien sûr la France, et si on se rappelle de son implication dans les guerres contre le régime de Mouammar Kadhafi puis contre celui de Bachar al Assad, combien savent que la Qatar est aussi impliqué dans les conflits au Mali ou au Soudan. Aussi, vous l’aurez noté, le Qatar, est toujours du côté des djihadistes et des terroristes instrumentalisés venus combattre au nom de la religion, quand il n’est pas pourvoyeur de fond dans les cités sensibles ghettoïsées de la banlieue nord parisienne.

Il faut bien comprendre ceci et ce qui suit, pour aborder le sujet qui nous préoccupe, et cela se passe ici dans le nord de la France, à Dunkerque, là où est construit un énorme site de stockage de gaz. En fait, ce terminal méthanier remplacera l’ancienne raffinerie Total fermée il y a quelques années au motif que la France ne consommait pas assez d’essence pour qu’elle soit rentable.

En fait, Total et le Qatar, avec la bénédiction du gouvernement Sarkozy, ont construit des usines de raffinage d’essence près de Doha, où sont exploités d’autres salariés de la même nationalité que ceux qui construisent les stades, les hôtels et les routes, sous la direction d’une autre poignée d’ingénieurs et de techniciens occidentaux qui profitent pleinement des largesses et du faste qatari.

De l’essence Qatari raffiné par des salariés low-cost, pour alimenter les voitures low-cost fabriquées en Europe de l’Est quand à Dunkerque sur le site de Total, se construit un immense terminal gazier pour GDF, avec des salariés low-cost, dont beaucoup viennent d’Europe de l’Est pour stocker du gaz Qatari, et tout cela avec l’autorisation explicite de la commission européenne de la concurrence.

Les élus du dunkerquois se disent incompétents pour régler cette situation, rejetant les fautes sur le pouvoir précédent et sur GDF-Suez… voilà de quoi exciter nos ultranationalistes et xénophobes qui n’en demandaient pas tant à quelques mois des municipales et des européennes (ils ont déployé une banderole sur le fronton du CCI pendant la durée de la réunion publique qui a eu lieu le 12 décembre).

Et voilà de quoi inquiéter les milliers de salariés du Dunkerquois et de la région, déjà en proie à un chômage de masse, et les syndicalistes de la CGT locale, car désormais, faute de pouvoir délocaliser ce genre de construction, ce sont les salariés à bas coût, donc avec des salaires bas et des droits minima, qui arrivent sur les chantiers par milliers, puisqu’un important chantier est prévu sur le site d’Arcélor.

L’explication (propos cités dans la presse locale) du consortium LNG chargé de la planification des travaux et des appels d’offres pour GDF : « On ne peut pas privilégier la préférence locale Il est interdit de mettre une clause de préférence, locale ou nationale, sur un appel d’offres. Le terminal méthanier est un chantier européen qui répond à des appels d’offres européens. Toutefois, nous avons pris des mesures volontaires, en limitant par exemple à deux le niveau de sous-traitance, ce qui nous permet de conserver la maîtrise industrielle du chantier en pouvant rejeter certains sous-traitants. Ensuite, même si nous avons conseillé les noms de SPIE et de Cegelec, le choix final de l’entreprise appartient, non pas à Dunkerque LNG, mais au contractant.
Ce contractant, c’est Techint Senert, l’entreprise italienne retenue pour le lot « électricité » qui n’a pas donc pas été attribué aux entreprises locales dont la remise de prix était de 4 millions supérieurs aux italiens.

[A savoir : Techint Senert est une entreprise qui entretient des liens commerciaux et industriels étroits, pour les grands chantiers à l’international, avec le groupe Vinci dont Cegelec est l’une des filiales.

En effet, Cegelec (dont un établissement se trouve à Douvrin) était une entreprise multinationale de près de 30 000 salariés (BTP-Pétrole-grands projets…) répartis dans plus de 40 pays, issue des multinationales Alcatel puis de Alstom, cette dernière la cédant en 2001 pour 400 millions d’euro aux propres dirigeants de Cegelec réunis sous la forme d’un LMBO (c’est-à-dire avec des fonds extérieurs que sont la Caisse des Dépôts et Consignations, le fond anglo-saxon Equity House et une banque internationale). Elle fût ensuite vendue 1.7 milliard d’euro au fond d’investissement qatari, Qatari DIAR en 2008 (l’année ou l’Emir du Qatar était l’invité d’honneur de Sarkozy, à la tribune du 14 juillet), sous prétexte que la Qatar voulait entrer dans l’industrie européenne par la grande porte et de faire de Cegelec une « vitrine sociale ». En 2008, déjà le groupe Vinci avait fait une proposition de rachat sous-évaluée, c’était masquer ses réelles intentions et le plan stratégique, car en 2009, Qatari Diar cédait Cegelec à Vinci contre son entrée au capital du 2ème groupe international du BTP, à hauteur de 6%.]

En réponse la CGT s’est exprimée ainsi : « « On nous parlait de plus de mille emplois sur le chantier, mais de quels emplois s’agit-il ? Le chantier du terminal méthanier devait être primordial pour le bassin dunkerquois. Or, alors que SPIE et Cegelec s’étaient positionnés sur un appel d’offres important, le lot concerné a été attribué à une entreprise italienne qui demandait quatre millions d’euros de moins, à cause de l’exploitation des travailleurs détachés, des travailleurs étrangers low-cost dont la plupart viennent de pays à faibles droits sociaux en termes de salaires, de conditions de travail, etc… ».

31 % de travailleurs locaux sur le chantier, c’est peu, comparé à l’engagement promis par l’Etat de favoriser au maximum la main d’œuvre locale et régionale. Mais pourtant, pour les responsables du projet, « ce pourcentage est satisfaisant, 31% de français » en ajoutant « Pour le lot montage-mécanique, qui est un autre lot très important sur le chantier, aucune entreprise française n’a répondu à l’appel d’offres, sûrement pour des questions de stratégie. »

Ces propos ne sont pas pour apaiser la colère des militants syndicaux de la CGT qui a rétorqué : « Nous ne sommes pas en train de dire la France au Français, mais nous parlons d’injustice car nous ne sommes pas sur le même pied d’égalité (…). Sur le chantier, on voit des bus entiers de travailleurs italiens, polonais et Portugais. Et ici, devant vous, vous avez des salariés découragés de voir des marchés leur passer sous le nez. Certains, d’ailleurs, seront peut-être même au chômage l’an prochain »

Tout ceci démontre bien que le plan du capital est d’abaisser les coûts en abaissant les salaires et les droits, et en détériorant les conditions de travail, avec l’aval de l’Etat, des politiques et de l’Europe, car aujourd’hui, la Préfecture et la Direction du Travail disent ne pas avoir les moyens juridiques d’intervenir… et pourtant, des camarades nous ont dit dernièrement : « il faut sortir du cadre politique ».

Quant aux Ministères du travail et du redressement, ils restent sourds et aveugles, préférant pavaner ou discuter dans le vide sur la question des travailleurs détachés qui sont en fait des salariés exploités par des sociétés esclavagistes spécialisées dans le low-cost… ou détruire l’Inspection du Travail… pourtant le camarade de l’entreprise Sade a été clair : « Ici, c’est un bagne, il faut le faire savoir ! »…

Le dumping social est donc organisé, autorisé et légalisé pour faire trimer les salariés menacés par la dégradation de leur condition d’existence dans les pays où il n’y a plus ni droits ni lois pour les protéger. Le patronat européen et national a décidé d’abaisser les coûts pour renforcer leurs marges, et cela passe par ce dumping qui abaissera nos salaires et cassera nos droits et nos acquis sociaux.

Aussi l’autre interrogation, c’est le rôle de GDF, entreprise publique issue du CNR, privatisée partiellement afin de pouvoir fricoter avec les théocraties productrices du Golfe et le grand capital financier, mais aussi le rôle des élus politiques et du gouvernement qui ouvrent un boulevard magistral aux demandes du patronat qui ne cessent de nous répéter que la France n’est plus compétitive, que les salariés gagnent trop, ne travaillent pas assez, ont trop d’ « avantages » sociaux, et que les « charges » sont trop lourdes… c’est la voie ouverte pour l’extrême-droite mais aussi pour la casse finale pour des décennies de luttes et de conquêtes sociales.

Mais n’est-ce pas là ce qui se passe dans toutes nos entreprises du Bassin Minier, la stratégie de la tension et de la peur pour obtenir la baisse des salaires et des droits collectifs ? N’est-ce pas là, la raison d’une augmentation du SMIC de 1.1% au 1er janvier 2014 ? N’est-il pas venu le temps de se réveiller et de sortir du corporatisme pour lutter contre cette évidence, « ils veulent nous appauvrir pour faire plus de fric ! »

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