La loi de juillet 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche, qui n’est pas revenue sur le principe d’autonomie des universités, étend l’austérité à l’ensemble des facs. Illustration de ce phénomène à Lyon-II, où les étudiants se mobilisent.
Rejeté ! Vendredi, le conseil d’administration de l’université Lyon-II a refusé le budget proposé par la présidence. Quatorze voix contre, treize pour et une abstention. Une situation rare et symptomatique de la crise profonde et silencieuse qui frappe les universités. Pourtant, Lyon-II ne fait pas partie des quinze facs qui affichent officiellement un budget déficitaire en France. Notre budget est « constant mais en légère baisse », a osé Pierre-Yves Péguy, le vice-président chargé des finances.
le budget de la filière Arts du spectacle réduit de 60 %
La réalité est plus noire et l’austérité semble bel et bien là. Lyon-II a réduit de 60 % le budget de la filière Arts du spectacle. Son matériel ne pourra pas être renouvelé, ni augmenté avec la même fréquence. Les sorties culturelles et les projections de films ne seront plus aussi fréquentes, quand elles ne seront pas tout bonnement annulées, ce qui réduit la qualité du diplôme. De plus, les licences bidisciplinaires seront supprimées à la rentrée 2015. Ces formations, qui offrent une double qualification (droit-anglais, information-communication, sciences politiques…), sont complexes à mettre en place car, bien souvent, deux facultés doivent travailler ensemble, ce que la présidence de Lyon-II ne veut plus assurer. Ces restrictions touchent non seulement les formations mais aussi les locaux. « Ils sont pourris et ce n’est pas près de changer ! » s’emporte un étudiant. Le manque de financement entérine cette situation. Et de ce point de vue, Lyon-II n’est pas un cas isolé : ces restrictions se produisent dans toutes les universités françaises.
Les choix budgétaires ont entraîné la démission de quatre vice-présidents depuis la rentrée, suscitant une crise de gouvernance qui est venue s’additionner à la crise budgétaire. Pour faire face à cette situation, le président de Lyon-II, Jean-Luc Mayaud, avait convoqué un congrès élargi, mi-novembre, regroupant les trois conseils de l’université. Des étudiants ainsi que des enseignants se sont rassemblés devant cette instance jugée illégitime en raison de la forte présence de personnalités extérieures et de la faible représentation d’élus étudiants. Après avoir pénétré dans le lieu de réunion, ils ont été chargés par les CRS, appelés par le président. Bilan, six arrestations et plusieurs blessés. « La réponse du président fut violente et disproportionnée, car ce n’était que le début de la mobilisation ! » raconte Daniel, un des manifestants violentés.
« Un vrai diplôme pour un vrai métier ! »
Dès lors, la mobilisation s’est réellement organisée. Un collectif a-partisan, où se trouvent de nombreuses organisations étudiantes (FSE, Jeunes du PG, UEC et une partie de l’Unef), s’est créé. Ce mouvement revendique l’abrogation des lois LRU et Fioraso, le réinvestissement dans les universités, le « recadrage national » des diplômes pour éviter la concurrence entre les universités, et des stages encadrés par la fac… Plus généralement, les manifestants se battent contre la privatisation cachée de l’université et la marchandisation des savoirs. Les slogans « Une université publique, gratuite, critique et populaire ! » et « Un vrai diplôme pour un vrai métier ! » sont les plus utilisés.
Depuis le 21 novembre, un amphithéâtre est occupé de manière permanente, devenant le point de ralliement de la lutte. Les mobilisés veulent ce lieu convivial. Une bibliothèque militante y est installée, une collecte de vêtements pour les sans-abri organisée, ainsi que des conférences assurées par des enseignants ou les élèves eux-mêmes. Les étudiants en art, premiers concernés, tentent de sensibiliser le campus avec leurs armes : chants, tableaux, performances diverses… Mais les méthodes traditionnelles ne sont pas délaissées : tracts, affiches, interventions pendant les cours…
Malgré ces efforts, tous ne sont pas pour autant informés. « On n’est pas vraiment au courant », résume Carla, étudiante en Arts du spectacle. Sur un autre campus de Lyon, un autre regrette : « Vous vous enfermez au campus de Bron. Les autres ne sont pas au courant. »
Démarrée vendredi dernier, la période des partiels devrait marquer un temps mort dans la lutte. Mais les étudiants n’en démordent pas : ils continueront le combat avec la tenue d’une assemblée générale prévue dès la rentrée, en janvier.