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Quai d’Orsay : le discours d’un homme d’État

Ce n’est pas sans crainte qu’on aborde Quai d’Orsay : la mode de l’adaptation de BD et autres romans graphiques (Snowpiercer, La Vie d’Adèle) peut susciter l’appréhension, tout comme, inversement, la réussite, aussi bien visuelle que verbale, de la BD de Blain et Larzac, que le Nouvel Obs accuse Tavernier d’avoir "massacrée", tandis que d’autres lui reprochent de l’avoir trop servilement suivie.

Le film est donc une excellente surprise et il faut le dire bien haut face aux critiques qui font la fine bouche devant tout film qui sort de la routine psychologique (Guillaume et les garçons actuellement) ou hollywoodienne. Quai d’Orsay n’est pas un grand chef-d’oeuvre ? C’est entendu, et on ne va pas le comparer au Guépard. Mais même si ce n’était qu’une comédie divertissante (comme semble le suggérer Télérama), on aurait raison d’aller le voir. Au moment où on célèbre avec enthousiasme les 50 ans des Tontons flingueurs, (et où l’on vient d’apprendre la mort de Georges Lautner), on peut voir dans Quai d’Orsay un retour à la grande tradition du cinéma populaire français des années 30-60, dont la force résidait dans la conception des seconds rôles et le talent des acteurs qui les interprétaient. Les tontons flingueurs du Quai d’Orsay, eux aussi, sont incarnés par une équipe d’excellents acteurs (Niels Arestrup, Bruno Raffaelli, Marie Bunel, Didier Bezace...) et on peut imaginer qu’on reverra le film en attendant ses répliques culte sur Héraclite et les anchois, ou la grande tirade du stabilo, magistralement interprétée par Thierry Lhermitte.

Mais, derrière la comédie, il y a un événement historique, le dernier sans doute dans lequel la France a brillé, le grand discours de Villepin (ici Taillard de Vorms) à l’ONU en février 2003, dont on avait pu croire qu’avec les millions de manifestants du NON, il arrêterait la guerre contre l’Irak. Il faut remercier Bertrand Tavernier d’avoir ainsi salué les 10 ans du discours ; on réalise ainsi que Villepin est le dernier ministre à avoir marqué le Quai d’Orsay (au point qu’on est tout étonné de se rappeler qu’aujourd’hui le fauteuil devant l’immense fenêtre du somptueux bureau de Taillard de Vorms est occupé par Fabius) et à avoir parlé au nom de "la France des droits de l’homme" ; on ne peut le mettre en parallèle qu’avec Chevènement qui, en 1991, démissionna de son poste de ministre de la Défense pour ne pas cautionner le soutien de Mitterrand à la première agression des États-Unis contre l’Irak (" Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ").

Il ne s’agit pas de tresser des couronnes à Villepin qui, en tant que premier ministre de Chirac, a laissé des souvenirs moins brillants. Du reste, Quai d’Orsay n’est pas un film de révérence, aux antipodes en cela des biopics qui ont inondé les écrans, réduisant les hommes ou femmes publics à leur vie privée ou donnant d’elle une version hagiographique (Hoover, Thatcher, Arendt, le Georges VI de l’insipide Discours d’un roi...). Taillard de Vorms est brouillon, volubile, narcissique, il s’écoute parler, brasse de l’air, harcèle ses collaborateurs, qui font tout le travail. Mais toute cette agitation frivole en apparence aboutit, en un véritable coup de théâtre final, à l’apothéose du discours à l’ONU : là, tous les petits ridicules du personnage disparaissent, on se rend compte qu’il y avait une véritable volonté politique à l’œuvre, et que toutes les pièces du puzzle ont trouvé leur place : Taillard parle alors avec la sobriété et la gravité de l’homme d’État qui sent qu’en cette heure il porte les espoirs du monde, représenté ici par les délégués de (presque) tous les pays qui l’acclament.

Lorsqu’on compare les politiciens d’aujourd’hui à Villepin, et leur politique de guerre tous azimuts où l’odieux le dispute au ridicule, à sa politique de résistance aux États-Unis, on réalise que le film répond à la question : qu’est-ce qui fait la différence entre le simple politicien et l’homme d’État ? Certes Taillard est égocentrique, et toujours en représentation, mais, dit Arthur, son "spécialiste des langages" (autrement dit son nègre), "ce n’est pas un acteur" : il ne serait pas capable de jouer n’importe quel rôle, il défend des convictions, non pas révolutionnaires, mais de nature du moins à empêcher la barbarie, c’est-à-dire des relations internationales dérégulées, où s’imposerait le bon plaisir de l’État le plus armé de la planète, représenté ici par "ce connard" de Bush junior.

Tavernier s’était, ces dernières années, égaré dans le thriller américain (Dans la brume électrique) et dans le péplum français (La princesse de Montpensier). On a plaisir à le voir revenir dans la France d’aujourd’hui, et retrouver une veine plus réaliste et sociale, comme dans De l’autre côté du périph’, où il concluait que ce qui rendait les habitants de la cité des Grands Pêchers, à Montreuil, le plus malheureux, c’était leurs factures EDF, le lobby nucléaire faisant pression pour que les HLM soient équipés de chauffage électrique. Il y a en France des cinéastes de talent, ce Tavernier, le Klapisch de Ma Part du gâteau, qui montrent que le mélo ou la comédie narcissique et psychologisante ne sont pas une fatalité en France. C’est à un autre niveau que se situe le problème, et le personnage du "philosophe" qui rôde autour des hommes de pouvoir, dans lequel on reconnaît BHL ("Ne dites pas de mal des Américains : c’est un pays riche et complexe"), nous rappelle qu’il y a bel et bien une censure économique et idéologique en France.

Rosa Llorens

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