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Les effets de la globalisation sur les emplois et les salaires

Le débat autour de l’initiative 1:12 révèle un malaise grandissant face aux écarts salariaux. La question passionne d’autant plus que certains bénéficiaires de bonus mirobolants sont montrés du doigt en tant que responsables de la bérézina des marchés financiers et économiques. Pire encore, certains d’entre eux ont reçu des promotions sans avoir jamais eu de comptes à rendre devant la justice.

En Suisse, des patrons sont décriés pour avoir gagné jusqu’à 261fois le salaire de la personne la moins bien payée de l’entreprise. Selon l’USS, les salaires du top management ont connu une progression de 20% en moyenne entre 97 et 2007 alors que les bas et moyens salaires n’ont évolué que de 2 à 4 %. Ce phénomène semble effectivement avoir pris de l’ampleur depuis les années 90. La coïncidence avec la mondialisation de ces entreprises aux salaires extravagants n’est pas fortuite. La globalisation des marchés a généré une croissance impressionnante du volume d’affaires de ces entreprises. Pendant ce temps, les frontières se sont effondrées rendant la globalisation des processus de recrutement possible.

Le bassin de recrutement s’est donc mondialisé. Délocalisations, sous-traitance à des entreprises venant de l’Est et du Sud (employés avec des salaires du pays d’origine), ou Schengen sont autant de causes de salaires revus à la baisse. Les réseaux sociaux s’y sont mis aussi pour soutenir le recrutement à travers le monde. La mobilité de la population active s’est amplifiée. La demande en main-d’oeuvre bon marché a explosé. La compétitivité salariale qui inclut les charges et avantages sociaux fait rage… Les pays les plus attentifs au social, comme la France, sont les grands perdants. Les pays les moins regardants – dont certains n’ont aucune règlementation ni droit du travail – sont les grands gagnants. Emplois et salaires se sont globalisés pour le meilleur et le pire…

Ce phénomène montre que plus la globalisation des marchés se développe, plus le bassin de l’emploi s’élargit, et plus les salaires sont revus à la baisse. L’automatisation et la robotisation accroissent la pression sur la courbe des salaires des pays occidentaux. Si on pousse le raisonnement à l’extrême, on peut théoriquement se retrouver avec des employés contents de recevoir quelque chose à manger. Absurde ? Peut-être, mais pas sûr.

Schéma 1 : Hypothèse d’évolution des salaires sous pression au sein des pays occidentaux

Légende du graphique :

  • La courbe O représente le nombre de travailleurs disponibles sur le marché national
  • La courbe D représente la demande de travailleurs par les entreprises (plus le coût du travail est élevé et moins les entreprises embauchent)
  • La courbe bleue D’ crée la pression par les menaces sur l’emploi. Le niveau des salaires baisse jusqu’à égaliser le coût du travail sur le marché globalisé
  • E est le point d’équilibre sur le marché du travail, qui détermine le niveau des salaires

Schéma 2 : Évolution des conditions de production pour les entreprises mondialisées

Légende du graphique :

  • La courbe O représente le nombre de travailleurs disponibles sur le marché national
  • La courbe O’ représente le nombre de travailleurs disponibles sur le marché globalisé
  • La courbe D représente la demande de travailleurs par les entreprises qui n’ont accès qu’au marché national
  • La courbe D’ représente la demande de travailleurs par les entreprises qui ont accès au marché global et à sa main d’œuvre abondante et bon marché
  • E est le point d’équilibre sur le marché du travail, qui détermine le niveau des salaires

Un deuxième phénomène accompagne le précédent. Une minorité d’emplois semble jouir directement des bénéfices dus à la globalisation (y c celle des salaires). Leurs critères d’évaluation et de rétributions sont particuliers. Ce sont des emplois qui participent à l’expansion de la globalisation et à la financiarisation des marchés, toute catégorie et domaine confondus. Ils sont gérés par des personnes qui promeuvent, à des degrés divers, le système sous-jacent à la mondialisation. Ces emplois sont considérés comme pourvoyeurs de forte valeur ajoutée et sont sous le contrôle des marchés financiers et de la Haute Finance. On peut d’ailleurs observer le cumul des mandats de ces stars ainsi que leur mobilité entre les différentes directions générales et conseils d’administration… Le plafond de leurs revenus semble absent.

Schéma 3 : Explosion des salaires des « stars ».

Légende :

  • La bourse peut être considérée comme l’indicateur de performance de référence d’une catégorie de dirigeants.
  • Leur rémunération peut décrocher avec les politiques salariales intérieures à leur entreprise.
  • Leur financement est admis par la Haute Finance, leur réelle patron.

Des indicateurs de toutes sortes de performances peuvent être affectés à ces emplois de star. A ceci vont s’ajouter des critères hors normes tels que par exemple la capacité à prendre des risques importants (hedge funds, cartellisation…) ou à spéculer. Ces critères qui peuvent amener à la case prison doivent être aussi rémunérés. En Suisse certaines personnes à revenus démesurés auraient pu être à un moment ou un autre en prison suite à certains scandales. Ceux-ci sont toujours plus nombreux et d’une ampleur proportionnelle à la globalisation (horsegate, huile frelatée, lait à la mélamine en Chine…).

L’indicateur de performance le plus absolu dans ce monde de la globalisation est celui de la bourse. Il est troublant de voir qu’elle peut être éclatante de santé alors que les taux de chômage et de paupérisation des peuples explosent. Cette distorsion entre les indicateurs financiers volatiles des bourses et ceux de l’économie réelle nationale est la cause fondamentale des dérives actuelles.

Si la tendance devait se poursuivre, de moins en moins de personnes gèreraient des responsabilités et des volumes financiers toujours plus importants. Cela creuserait alors encore plus les écarts de toutes sortes et même contracterait in fine le nombre de postes de stars disponibles. En résumé, les stars d’aujourd’hui paveraient le chemin aux super stars de demain.

Une spirale à la fois destructrice d’emplois et génératrices de richesse au profit d’un petit nombre s’est installée. Elle crée une cassure au sein de la société. On peut craindre la naissance d’une oligarchie mondiale détenant les clés de l’emploi et des rémunérations… Que ferait-elle de ce pouvoir ? Que resterait-il des Etats-Nations, des démocraties, et des libertés individuelles ? Que feraient-ils de la base de données gigantesque qui est en train de se constituer et qui met à mal la sphère privée du citoyen ?

Les politiques –y c économiques- nationales ne semblent pas se préoccuper du phénomène. Au contraire, elles soutiennent le processus en couvrant les dégâts privés avec l’argent public (loi too big to fail, Bail in des établissements financiers). La politique monétaire de certains pays dont la Suisse sert d’accélérateur à ce système qui peut croître à bon compte. Tout cela amplifie le sentiment d’injustice et donne l’impression de faire ami-ami avec le monde de la globalisation.

Alors à la veille de la votation sur la 1:12, on peut saluer la mise en lumière de cette hégémonie d’un nouveau genre. Les propositions de l’initiative sont-elles suffisantes ? Pas sûr. Elles pourront être facilement contournées. Quant aux menaces brandies par ses détracteurs en cas d’acceptation sont fort discutables aussi. Nous sommes face à un problème universel qui dépasse les divisions obsolètes droite-gauche. Les fondamentaux de la société civile sont en danger. La liberté de travailler et d’entreprendre, la libre-concurrence et les acquis sociaux sont sur la sellette. Il s’agit d’un problème global tant politique, économique que sociétal.

Liliane Held-Khawam, 30 octobre 2013

»» http://lilianeheldkhawam.wordpress....
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