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Traité sur le coup d’Etat

Le coup d’Etat est en fait un coup contre l’Etat, un coup contre l’organisation politique d’un peuple. Il décrit la prise illégale de contrôle des institutions qui incarnent l’autorité et l’unité de l’Etat. En cela, la vie des Etats est émaillée de coups d’Etat.

Il ne s’agit pas ici d’en faire l’historique, mais de l’analyser dans le contexte malien et de chercher ce qui peut l’empêcher.

Toutes nos Constitutions ont par le passé, implicitement ou explicitement, interdit le coup d’Etat. Mais aucune n’a pu l’éviter. Car, il ne tient pas à une règle juridique pour empêcher un crime, il faut identifier ses causes et proposer des mesures d’accompagnement

Tel un microbe, un coup d’Etat, pour réussir, a besoin d’un certain climat, d’un certain environnement qui peut lui procurer au moment venu une certaine légitimité. En général, lorsqu’il ya au sein de la population un mécontentement fort contre le pourvoir établi, du fait de l’injustice ou de l’incapacité de ce pouvoir à gérer une crise grave, et sans avoir aucun moyen légal de le destituer à ce moment précis, le coup d’Etat est très probable. Ses acteurs voient la possibilité de se maintenir au pouvoir ou de s’élever à une meilleure condition en donnant l’espoir aux populations que leur propre condition sera améliorée.

Donc, le premier objectif d’un coup d’Etat n’est pas plus de saisir le pouvoir que de s’y maintenir directement ou indirectement. Sachant bien, que souvent c’est moins par crédulité que par nécessité, que la masse se jette dans l’inconnu. En vérité, l’homme n’à pas toujours peur de l’inconnu, surtout quand il pense du pire de son présent, il s’accommode d’un changement obscur jusqu’à la désillusion.

Opportuniste, le coup d’Etat existera aussi longtemps qu’existeront ces causes nutritives. Ne nous leurrons point ! La meilleure stratégie de le vaincre consiste à lui refuser sa nourriture : le mécontentement général et l’absence d’un moyen légal et légitime à la disposition du peuple pour destituer le pouvoir démocratiquement élu.

Dans un tel contexte, au Mali le 22 Mars 2012, un troisième coup d’Etat est intervenu. Ce fut un cas pour le moins particulier, pas dans ses causes mais dans son déroulement. Il fut bêtement perpétré, sans complot et sans stratégie de conservation au préalable. A en croire ses propres auteurs, une visite improvisée des soldats à la présidence de la République pour demander des explications fut empêchée par des tirs de la garde présidentielle, qui soupçonna cela et à juste titre comme une tentative de prise de pouvoir. Subitement, il fut décidé par les futurs putschistes d’entrer par la force et de déchoir le président. L’instinct de survie était peut être pour quelque chose dans cette improvisation. Piégés dans leur précipitation, prendre ou ne pas prendre cet engagement dangereux n’aurait rien changé à leur sort, ils seraient de toute façon accusés de tentative de putsch et recherchés ensuite par la justice. Ce n’est qu’une hypothèse explicative. Cependant, après le forfait réussi, ils furent rassurés par un soutien populaire, naturel au contexte social d’avant, qui leur garantit les moyens de se faire obéir par le reste de l’armée et des fonctionnaires de l’Etat. Car sans obéissance, le coup d’Etat meurt aussitôt qu’il naquit.

Alors, il est aisé de comprendre que pour éliminer un coup d’Etat, et par là-même le prévenir également, il faut avoir une défense nationale civile anti-coup qui repose sur :

1- La délégitimation des acteurs du coup d’Etat
2- La désobéissance civile à tous les niveaux, notamment des fonctionnaires
3- La formation d’une cellule de crise qui réclame l’obéissance du peuple et le retour à l’ordre constitutionnel.

C’est une défense nationale qui doit être bien structurée et inclure les chefs traditionnels et religieux de toutes les confessions et de toutes les régions, directement ou par leurs représentants, et les leaders d’opinion les plus crédibles. Elle doit prévoir un mécanisme rudimentaire de communication, toutes les alternatives de communication doivent être envisagées en dehors des medias publics susceptibles d’être pris en otage par les auteurs du coup d’Etat.

Et ce programme doit être enseigné dans les différents systèmes éducatifs du pays.

C’est ainsi, en donnant au peuple les moyens de se défendre, qu’on pourra dissuader les attaques contre lui, non pas seulement par des règles juridiques qui ne parlent qu’à ceux qui veulent bien les écouter.

Néanmoins, il est vrai que dans une situation où l’Etat se trouve en guerre contre un autre ou contre une rébellion qui menace son existence physique, le peuple a moins mal avec une mauvaise tête que sans tête du tout. Aussi, lui suggérais-je en ces temps pareils de concentrer tous ses efforts à gagner la guerre d’abord. Cela donnera certainement l’illusion aux usurpateurs qu’une fois victorieux, le peuple tombera à leurs pieds. Au contraire, c’est à ce moment là qu’il devra exiger de toutes ses forces le retour à l’ordre constitutionnel.

Le risque de cette stratégie est d’avoir un usurpateur si cynique qu’il veuille maintenir l’Etat dans une situation de guerre quasi permanente. Alors, que l’on ne s’inquiète ! Ce qui est arrivé à son prédécesseur lui arrivera à coup sûr. Le vent du mécontentement général l’emportera à son tour. Il est mieux que ce soit par le peuple lui-même. L’insurrection, au mieux la révolution, est le seul coup d’Etat légitime et acceptable, car en fait elle n’en est pas un, c’est juste le retour au propriétaire de sa propriété.

Les coups d’Etat ne sont jamais faits pour le peuple. Celui-ci doit toujours les avoir en horreur, car il est et doit demeurer le seul à pouvoir reprendre de force ce qui lui appartient. Et une fois le pouvoir reconquis ou l’ordre constitutionnel rétabli, le peuple doit toujours refuser que l’on récompensât les auteurs du coup d’Etat, quelque soit le bien qu’ils aient apporté, soit il les juge pour leurs atrocités soit il les laisse libres sans aucun bénéfice personnel pour leurs bienfaits circonstanciels.

Alors, les grades de général de Moussa Traoré, de Amadou T. Touré et des Amadou H. Sanogo doivent être révoqués par principe, par le nouveau chef d’Etat élu pour signifier une nouvelle marche du peuple malien et de son génie vers leur sécurité et prospérité, et celles des générations futures.

Mahamadou Konaté

Jeune chercheur malien CERIS Dakar- Sénégal.

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