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L’affaire David Miranda : comment l’Europe pourrait tirer des enseignements de l’indépendance de l’Amérique latine (The Guardian)

Le Secrétaire d’Etat John Kerry et son homologue Brésilien, Antonio Patriota, se sont rencontrés ce mois au Brésil. Patriota a dit à Kerry que la NSA devait "cesser les pratiques qui violent la souveraineté". Photo : Evaristo SA/AFP

David Miranda, le compagnon de Glenn Greenwald -journaliste du Guardian qui a publié les révélations d’Edward Snowden - a été détenu à l’aéroport de Londres dimanche dernier (18/08/13) et interrogé neuf heures durant – le maximum prévu par la loi antiterroriste britannique de 2000 (British Terrorism Act). On lui a refusé le droit d’avoir l’assistance d’un avocat et de garder le silence ; des effets personnels lui ont été confisqués sans être restitués parmi lesquels son ordinateur, son téléphone portable, sa caméra et ses clés USB avec les documents divulgués par l’ancien employé de la NSA Edward Snowden. Un acte effrayant d’intimidation politique qui en dit long sur la soumission de certains gouvernements en matière de politique internationale.

A quelques exceptions près, la majorité des pays européens n’ont plus de politique extérieure indépendante depuis 70 ans, et le Royaume-Uni en est l’exemple même. Je me souviens avoir discuté sur la politique extérieure britannique avec un membre du parlement du Royaume-Uni, il y a quelques années, et il m’a dit :
« vous voulez savoir ce que va faire le Foreign Office ? (Ministère des Affaires Etrangères britannique) Demandez au Département d’Etat (Ministère des Affaires Etrangères des Etats-Unis). »

Le gouvernement britannique a une fois de plus démontré sa loyauté primordiale en arrêtant le compagnon de Glenn Greenwald, David Miranda, un brésilien, sous couvert de la Loi Antiterroriste 2000 du Royaume Uni, alors qu’il était de passage à l’aéroport Heathrow de Londres dimanche dernier. Il a été interrogé pendant les 9 heures autorisées par cette loi et son ordinateur portable, téléphone portable et autres supports numériques lui ont été confisqués.

Il est clair que Miranda n’était soupçonné d’aucun lien avec le terrorisme. Arrêter et voler les effets de Miranda sous ce prétexte n’est pas plus légal que de l’arrêter sous une accusation fabriquée de toutes pièces qu’il transportait de la cocaïne. La Maison Blanche a admis que Washington avait eu connaissance à l’avance de ce délit, laissant ainsi entendre son approbation – pour ne pas dire sa collaboration active.

Ceci est intéressant aussi parce que jusqu’à présent le gouvernement du Royaume Uni avait été relativement discret par rapport à l’affaire Snowden, bien que Snowden ait divulgué des documents de ses propres services de renseignement et non seulement ceux de la NSA. Jusqu’à dimanche dernier, les autorités britanniques donnaient l’impression qu’elles avaient appris la leçon en matière de relations publiques après le scandale international de l’année dernière lorsque ce même gouvernement avait menacé d’envahir l’ambassade d’Equateur pour capturer Julien Assange. Néanmoins, elles maintiennent Assange piégé dans l’ambassade de ce pays, de façon illégale et probablement sur ordre de qui-vous-savez.

Le rédacteur en chef du Guardian, Alan Rusbridger, vient de révéler que le gouvernement du Royaume-Uni, au plus haut niveau, a gravement menacé et harcelé son journal, pour essayer de passer sous silence ses reportages [au sujet des révélations de Snowden et sur la NSA - ndt].

A l’autre extrême de l’éventail des souverainetés nationales se trouvent les nations indépendantes d’Amériqe Latine, parmi lesquelles trois ont officiellement offert l’asile politique à Snowden, et d’autres ont déclaré qu’elles ne le remettraient pas aux Etats-Unis s’il passait par leur territoire (ou demandait l’asile dans leurs ambassades). Ces gouvernements ont joué un rôle significatif dans l’affaire Snowden et le scandale de l’espionnage de la NSA, parce qu’ils ont réussit une « seconde indépendance », durant ces 15 dernières années – indépendance qui leur permet de mener une politique extérieure autonome.

La mise en oeuvre de cette nouvelle indépendance est ignorée en grande partie ou même, le plus souvent, dénigrée par les principaux médias comme de la démagogie populiste. Mais il est facile de se rendre compte, comme le fait Washington, que le problème est beaucoup plus profond.

Le Ministre des Affaires Étrangères du Brésil, Antonio Patriota, a exigé des réponses à son homologue britannique, William Hague, au sujet de la détention de David Miranda. La semaine dernière, lors d’une conférence de presse au Brésil avec le Secrétaire d’Etat des Etats-Unis, John Kerry, Patriota a parlé d’une « ombre de méfiance » provoquée par les révélations de Snowden et les rapports de Greenwald au sujet de la façon dont les citoyens brésiliens étaient une des principales cibles de la surveillance de la NSA.

La semaine dernière, il a demandé au gouvernement d’Obama qu’il « cesse les pratiques qui violent la souveraineté ». Patriota a été ambassadeur du Brésil à Washington – et personne ne peut l’accuser de rancune envers les Etats-Unis.

Antérieurement, la présidente du Brésil, Dilma Roussef, avait elle-aussi exprimé son « indignation » au sujet de ce que la Bolivie avait qualifié « d’enlèvement » de son président, Evo Morales, par les gouvernements européens qui ont obligé son avion à atterrir le mois dernier – sur la base de fausses allégations selon lesquelles il transportait Edward Snowden. L’Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR) avait dénoncé avec vigueur cette affaire, et la présidente d’Argentine, Cristina Kirchner avait déclaré : « nous considérons que cela constitue non seulement une humiliation envers une nation sœur mais envers tout le continent sud-américain. »

Le Brésil est la cible principale de la récente offensive de séduction de la part de Washington, avec la visite officielle de la présidente Roussef prévue pour le mois d’octobre – la première d’un président brésilien aux Etats-Unis depuis près de vingt ans. Ce qui contraste avec la Bolivie ou le Venezuela, pays dans lesquels les Etats-Unis n’ont pas même d’ambassadeur. Pourtant, la tentative des Etats-Unis d’améliorer ses relations avec le Brésil ne porte pas plus de fruits que leurs « efforts diplomatiques » auprès des autres gouvernements de gauche de la région.

Ce n’est pas parce que ces gouvernements ne veulent pas de meilleures relations. Tous, y compris le Venezuela, ont d’importantes relations commerciales avec les Etats-Unis et aimeraient les développer. Le problème est que Washington n’a toujours pas accepté la seconde indépendance de l’Amérique latine, et s’attend à ce que ses voisins du sud se comportent avec la même servilité honteuse que les pays européens.

De plus, les fonctionnaires des EtatsUnis n’ont toujours pas compris qu’ils ont affaire à une équipe : ils ne peuvent plus se montrer hostiles ou agressifs envers une nation latino-américaine et s’attendre à recevoir des accolades de la part des autres. Autrement dit, n’attendez pas de meilleures relations entre Washington et ses voisins du sud à court terme.

L’aspect positif des choses en Amérique Latine s’en sort plutôt bien au cours de la dernière décennie, depuis que ses peuples ont réussi à se libérer suffisamment pour élire des gouvernements de gauche qui ont ensuite mené la lutte pour l’indépendance et la transformation des relations régionales. Le niveau de pauvreté est passé de 41,5% à 29,6% dans la région entre 2003 et 2009, après une période de 20 ans sans aucune amélioration notable. Le revenu par personne a progressé de plus de 2% par an au cours de la dernière décennie, par opposition aux 0,3% seulement durant les 20 années précédentes – quand l’influence de Washington sur la politique économique en Amérique Latine était encore énorme.

Les détracteurs des gouvernements de gauche attribuent ces améliorations à un « boom des matières premières », mais cela ne représente qu’une partie de l’explication. La région n’aurait jamais connu ces améliorations en matière d’emploi et de réduction de la pauvreté si le Fonds Monétaire International (FMI) avait eu le dernier mot.

Quant aux leaders européens, eh bien ils n’ont rien à perdre sauf leur dignité nationale, à laquelle ils ne semblent pas très attachés. Néanmoins, le monde irait mieux et serait plus sûr s’il y avait plus de pays européens qui, comme la plupart des pays d’Amérique Latine, déclaraient leur indépendance vis-à-vis de Washington.

Mark Weisbrot

http://www.theguardian.com/commentisfree/2013/aug/20/miranda-rights-eu...

Traduction :Luis Alberto Reygada pour Le Grand Soir (à partir de la version en espagnol du CEPR) http://www.cepr.net/index.php/other-languages/spanish-op-eds/los-derec...

»» http://www.theguardian.com/commentisfree/2013/aug/20/miranda-rights-eu...
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