RPL- Le rigoriste Ahmad Al Assir a ruiné Saida pendant deux ans et l’a détruite. Qui finançait et armait ce terroriste et son groupe ?
RN : AL-Assir n’est pas le fait du hasard. Nullement. Certainement pas un phénomène de génération spontanée. Certainement pas une icône révolutionnaire du calibre de Mohamad Bouazizi. Son surgissement a été programmé. Depuis 2006, en pleine guerre de destruction israélienne du Liban, l’Arabie saoudite et l’Egypte de Moubarak n’avaient de cesse d’entraver le Hezbollah, projetant de créer une milice sunnite au Liban, non pour participer à la guerre contre Israël, l’ennemi officiel du Monde arabe, mais une milice sunnite qui fasse contrepoids au Hezbollah, sur une base sectaire, en vue de faire de l’ombre à la milice chiite. Un pion dans une éventuelle négociation visant à désarmer le Hezbollah. Wikileaks a fait état des entretiens à ce sujet de Saoud Al Faysal, ministre saoudien des Affaires étrangères, avec David Satterfield, sous-secrétaire d’état américain, sur suggestion de Fouad Siniora, premier ministre libanais de l’époque, l’homme qui a donné l’accolade à Consolez Rice, secrétaire d’état américain, en pleine destruction de Beyrouth par l’aviation israélienne. Une première tentative a eu lieu en 2008, au camp de Nahr El Bared (nord du Liban) avec Fateh al Islam. Les similitudes sont nombreuses entre ces deux actions qui suggèrent une marque de fabrique commune.
1-Les deux formations sunnites ont pour géniteur commun les pétromonarchies du Golfe. Fateh Al islam, l’Arabie saoudite, qui devait aménager une zone de droit pour l’entrainement des milices sunnites et y assurer la jonction territoriale avec les régions sunnites du centre de la Syrie (Homs-Hama). La brigade Assir avait, elle, vocation à constituer un abcès de fixation sur le flanc du Hezbollah à l’effet de lui couper la voie du ravitaillement stratégique du sud Liban vers la zone frontalière.
2-Tant Fateh Al Islam qu’Ahmad Al Assir se sont attaqués à l’armée libanaise, agrégateur des diverses composantes de la mosaïque libanaise en ce qu’elle constitue l’unique matrice du brassage humain inter libanais. Les deux ont infligé de lourdes pertes à l’armée libanaise. Plus durement qu’elle n’en a subie depuis l’indépendance du Liban, il y a 70 ans. Et pas la moindre éraflure à l’armée israélienne. Les deux ont instrumentalisé des Palestiniens dans leur aventure, dévoyant le combat principal des Arabes de son champ de bataille principal la Palestine.
3-Les chefs de ces deux formations ont déserté le champ de bataille. Chaker Absi, le nordiste, a été exfiltré vers l’Arabie saoudite par son ancien commanditaire Saad Hariri, (remembrer l’épisode de la Banque de la Méditerranée) à la nomination de l’héritier comme premier ministre et Ahmad Al Assir a disparu de la scène par phénomène d’évaporation théologique. Une baudruche dégonflée.
A croire que le néo leadership sunnite libanais a opté pour la fuite en avant comme mode de gouvernement si l’on se souvient que le premier fugitif politique libanais n’est autre que Saad Hariri, en personne, lequel n’a pas hésité à fuir Beyrouth, au premier coup de feu tiré par les Israéliens en 2006, alors qu’il est député de Beyrouth, une ville reconstruite par son père, de surcroit chef de la majorité parlementaire à l’époque. Il est piquant de relever que le clan qui revendique l’application de l’état de Droit au Liban soit celui qui soustrait à la justice des criminels, celui qui a le plus soustrait à la justice de grands criminels.
RPL -Des rumeurs prétendent que le terroriste d’Abra se cache dans l’ambassade turque, d’autres rumeurs disent qu’il est en Syrie. A votre avis ou est-il caché ?
RN : Peu importe le lieu où il se terre. L’important c’est qu’il a déserté le champ de bataille, abandonnant ses troupes, victimes de sa mégalomanie et de sa logomachie, sacrifiées à des enjeux de pouvoir qui le dépassent lui ainsi que ses commanditaires. Ce comportement est lourd de conséquences tant au niveau de la symbolique et que de la déontologie de combat.
Assir comptait piéger le Hezbollah. Il s’est piégé lui-même. En fait Assir porte bien son nom. Assir est un captif, captif de sa démagogie et de ses commanditaires, eux-mêmes captifs de leur propre commanditaire, les vassaux des Etats unis d’Amérique. Infernale logique de vassalité. Imaginez-vous un instant Hassan Nasrallah déserter le champ de bataille, abandonner ses compagnons de lutte sur le terrain sans assistance ; fuir la capitale de son pays pour des bains de vapeur afin de soigner son embonpoint. Entre Assir et Hassan Nasrallah, il existe une différence d’échelle, celle qui sépare un touilleur de fange d’un personnage qui tutoie quotidiennement l’histoire. Celle qui sépare un branquignole d’un personnage considérable de l’histoire arabe contemporaine, « LE » phénomène majeur sur le plan politique et militaire de l’histoire arabe contemporaine.
Se pose la question du bien-fondé du choix malheureusement répétitif des Etats-Unis de leurs sous-traitants régionaux. Que des branquignoles, l’héritier Saad Hariri, alors que les « grandes démocraties occidentales » combattent les dynasties républicaines dans les pays arabes, Wissam Al Hassan, qui n’a su protéger ni son maitre, Rafic Hariri, ni sa propre personne, Chaker Absi, Ahmad Al Asir, jusques y Samir Geagea. Sans doute la fascination pour les grands criminels, ou pour leur servilité. Drôle de parcours d’ailleurs pour Samir Geagea, qui se voulait le représentant de l’authenticité libanaise, qui aura fait office d’ « arabe de service » aux deux plus grandes théocraties mondiales -Israël et L’Arabie saoudite-, la forme la plus antinomique de l’équation libanaise, qui finit sa carrière en caution de l’islam pétrolier atlantiste, la forme la plus pernicieuse du patriotisme servile. Réjouissons nos de son absence de descendance.
Réfugié à l’ambassade de Turquie à Beyrouth, Assir ? Hypothèse plausible, mais Là n’est pas la question. La Turquie a souhaité se remettre en selle après sa déconfiture de Syrie et Place Taqsim. Et les sidoniens à la solde du clan Hariri ont accueilli Erdogan en 2011 par des clameurs d’une grande misère intellectuelle : « Ahlan bi Khalifat Al Osmaniyine » (Bienvenue à l’héritier des Ottomans). Une insulte à la mémoire libanaise de Safar Barlek, aux martyrs chrétiens et musulmans de la place des martyrs, victimes de l’arbitraire sanguinaire des Ottomans ; Place des martyrs, où trône désormais curieusement celui qui se considère comme l’unique martyr du Liban, le milliardaire libano saoudien Rafic Hariri.
RPL- Al-Assir et les Salafistes libanais sont donc totalement parties prenantes du projet américano-qatari de « nouveau Moyen-Orient » ? Ce projet consiste-t-il à uniformiser le monde arabo-musulman par la doctrine du wahhâbisme à l’image de ce que fut le nazisme en Europe ?
RN : Je ne dirai pas les choses de cette façon. Les gérontocrates pétro monarchiques cherchent à s’épargner les flammes de la révolte populaire, en détournant le cours de la révolution des rives hautement inflammables du golfe pétrolier théocratique vers la rive méditerranéenne du Monde arabe et les régimes républicains de type séculier. Le camp atlantiste cherche, lui, à briser l’axe de la contestation à l’hégémonie israélo américaine. Il y a donc conjonction d’intérêt.
RPL- Que se-serait-il passé au Liban si l’Armée libanaise n’était pas intervenue ou avait été vaincue à Saida ?
RN : Tout simplement une réédition de la guerre interfactionnelle qui a ravagé le Liban pendant quinze ans. Mais dans une équation inversée. Au lieu d’une guerre confessionnelle islamo chrétienne, selon le schéma sectaire de 1975, nous aurions assisté à un conflit à front renversé mettant aux prises le camp islamo atlantiste, agrégeant les sunnites inféodés à la dynastie saoudienne avec la caution de leur appendice maronite, les anciens chefs miliciens maronites (Samir Geagea et la famille Gemayel), face à une coalition groupant autour du Hezbollah, le fer de lance du combat anti israélien, les forces hostiles à l’hégémonie israélo-occidentale sur la zone.
Même configuration qu’en 2006 où les chefs militaires maronites, qui nourrissent la plus grande méfiance à l’égard de l’ordre milicien ancien, le président Emile Lahoud et le Général Michel Aoun, chef du courant patriotique libanais, ont servi de couverture diplomatique à la milice chiite dans son épreuve de force contre Israël. En dépit d’une configuration plus contrastée avec l’affaiblissement de la Syrie, -et la nouvelle vigueur de la contestation populaire égyptienne, non religieuse-, la combinaison peut se reconstituer à tout moment en ce qu’elle se fonde sur une vision stratégique du destin de la zone et non sur des prébendes électoralistes. Dans le même périmètre, il convient d’inclure de grands patriotes libanais, tels Soleimane Frangieh, admirable de dignité, dont toute la famille a été décimée, comble d’ironie, par les milices chrétiennes mais qui s‘abstient de faire commerce de martyrologe, de même que Moustapha Saad pour Saida et l’ancien chef de la garde présidentielle, Moustapha Hamdane, pour Beyrouth, qui maintiennent tous les deux vivaces la flamme du militantisme sunnite dans la filiation du nassérisme.
RPL – Y-a-t-il une crainte de voir un jour se constituer un émirat salafiste au Liban et donc la syrianisation du pays ?
RN : Une remarque liminaire : Pas de risque de syrianisation du Liban, c’est plutôt la Syrie qui connait à son tour les affres de la libanisation. Curieusement, du fait partiellement de ses anciens partenaires, le tandem Hariri Joumblatt, les partenaires affairistes d’Abdel Halim Khaddam, l’ancien proconsul syrien au Liban, désormais promu au chef de file de l’opposition syrienne. Le mercantilisme obéit à de bien curieux cheminements. Cela étant dit, le clan Hariri est tenté par l’aventure de la radicalisation dans une sorte de fuite en avant destinée à masquer sa faillite tant sur le plan politique que moral que financier. Nahr El Bared et Chaker Absi en sont la preuve de même que les philippiques du Mufti du Mont Liban Cheikh Jouzou. Mais les Américains ne sont pas fous. Difficile qu’ils tolèrent une légion islamique à la tête d’un pays situé à une quarantaine de km à vol d’oiseau de Tel-Aviv. Ils veulent bien envoyer les djihadistes à la mort pour affaiblir les récalcitrants à leur ordre, mais pas leur accorder la moindre prime.
RPL- De Tunis, au Caire, en passant par Benghazi, et aujourd’hui Damas, les révolutions dans le monde arabe ont mené au pouvoir les Frères musulmans. Doit-on alors parler de »printemps salafiste » ou bien « d’automne des peuples » ? Un peu partout ces Frères musulmans qui ont accaparé le pouvoir sont contestés. Est-cela le véritable « printemps arabe » ?
RN : L’analyse est correcte. A tout le moins était correcte jusqu’à fin juin 2013, un mois qui s’est révélé catastrophique à tous égards pour l’Islamisme politique. Les Frères Musulmans n’ont pas su mettre à profit leur hold up sur le pouvoir en proposant un projet de dépassement des clivages antérieurs, notamment en Egypte. Le vent a tourné. Le déclic populaire contestataire a été le fait des franges de la société informelle arabe, les Frères Musulmans l’ont subverti du fait de leur discipline et de leurs considérables moyens financiers. Ils devaient tenir compte de la diversité de la population égyptienne et non d’imposer à une population frondeuse une conception rigoriste de la religion.
Soixante ans d’opposition démagogique ont trouvé trouvent leur conclusion dans le pitoyable épilogue de la mandature Morsi. Au pouvoir, les Frères Musulmans auraient ont prendre en compte des profondes aspirations d’un peuple frondeur et tombeur de la dictature, de même que les impératifs de puissance que commande la restauration de la position de l’Egypte dans le Monde arabe. Sur fond de concurrence avec la mouvance rivale salafiste, cette épreuve a été infiniment plus redoutable que près de cinquante ans d’opposition déclamatoire souvent à connotation sinon démagogique à tout le moins populiste. Ils auraient dû faire preuve d’innovation, par le dépassement du conflit idéologique qui divise le pays depuis la chute de la monarchie, en 1952, en une sorte de synthèse qui passe par la réconciliation de l’Islam avec le socialisme. Cesser d’apparaitre comme la roue dentée de la diplomatie américaine dans le Monde arabe, en assumant l’héritage nassérien avec la tradition millénaire égyptienne, débarrassant la confrérie de ses deux béquilles traditionnelles ayant entravé sa visibilité et sa crédibilité, la béquille financière des pétromonarchies rétrogrades et la béquille américaine de l’ultralibéralisme.
Sous la direction de la confrérie, l’Egypte, épicentre du Monde arabe, aurait dû prendre en outre l’initiative historique de la réconciliation avec l’Iran, le chef de file de la branche rivale chiite de l’Islam à l’effet de purger le non-dit d’un conflit de quinze siècle résultant de l’élimination physique des deux petits-fils du prophète, Al-Hassan et Al-Hussein, acte sacrilège absolu fruit sinon d’un dogmatisme, à tout le moins d’une rigidité formaliste. Répudier la servilité à l’égard des Etats-Unis, bannir le dogmatisme régressif sous couvert de rigueur exégétique, concilier Islam et diversité, en un mot conjuguer Islam et modernité…
Tel était le formidable défi des Frères Musulmans au pouvoir dont la réussite lui aurait conféré une légitimité durable et un magistère moral indiscutable, dont la mutation aurait d’ailleurs impulsé une dynamique de changement à l’épicentre de la gérontocratie pétro monarchique du Golfe, en particulier l’Arabie saoudite, le foyer de l’intégrisme et de la régression sociale, condition indispensable au relèvement du Monde Arabe. En un mot rompre le cordon ombilical qui la lie depuis la période post coloniale au camp occidental, si préjudiciable à sa crédibilité et à la cause qu’elle est censée défendre, dont l’Islam sunnite aura été, de surcroît, le grand perdant de son pari sur l’Amérique.
Ployant sous le fardeau de l’inflation et de la pénurie, sans perspective d’avenir, sans la moindre percée politique, à la remorque de la diplomatie islamo atlantiste, dans la crainte de la menace de strangulation que fait peser sur l’Egypte le projet de percement d’un canal rival israélien au Canal de Suez, le Canal Ben Gourion, le peuple égyptien, pour la deuxième fois en trois ans, déjouant tous les pronostics, particulièrement les universitaires cathodiques, a créé la surprise, dégommant des palais nationaux ce président néo islamiste. Avec le consentement et le soutien actif de l’armée et surtout des plus hautes autorités religieuses musulmanes et chrétiennes du pays. Luxe de raffinement ou de perfidie ? Les protestataires ont mobilisé près de vingt millions de manifestants, le nombre d’électeurs que Morsi avait recueilli lors de son élection présidentielle.
Un an de pouvoir a fracassé le rêve longtemps caressé d’un 4eme Califat, qui aurait eu pour siège l’Egypte, le berceau des « Frères Musulmans », devenue de par l’éviction brutale du premier président membre de la confrérie, la tombe de l’islamisme politique. L’histoire est impitoyable avec les perdants.
RPL- A votre avis y-a-t-il un moyen de lutter contre la propagation du salafisme-wahabisme ?
RN : Faire front et les renvoyer à leur propre duplicité et turpitudes.
Faire front, c’est à dire éviter la réédition de l’erreur criminelle commise tant en Tunisie qu’en Egypte par les démocrates en se présentant à la compétition électorale en ordre dispersé ou plutôt dans le désordre de la rivalité et de la surenchère.
Les renvoyer à leur propre image, c’est-à-dire pointer le décalage existant entre leur discours et leur action souterraine, ou leur inaction par rapport à la question majeure des Arabes, la Palestine. Depuis le début du « printemps arabe », les Frères Musulmans ont multiplié les bulletins de victoire sur fond de concession sur la question palestinienne (renonciation du droit au retour des réfugiés palestiniens à leur patrie, admission du principe d’échange de territoires), sans la moindre concession israélienne, pas même un assouplissement du blocus de gaza, alors que le wahhabisme (le couple Arabie saoudite et Qatar) constitue l’allié le plus servile des Etats Unis, le protecteur d’Israël et que trois pays arabes sont gouvernés par des néo islamistes (Egypte, Tunisie, Libye).
RPL-Revenons à la situation libanaise. Le courant du futur accuse le Hezbollah d’avoir combattu aux côtés de l’Armée. Est-ce la réalité ou bien un mensonge ? Le 14 mars endosse-t-il la responsabilité de la situation catastrophique à Saida, à Tripoli, dans la Bekaa, mais aussi en Syrie ou il fut le premier à déstabiliser le pouvoir en place ?
RN : Le Courant du futur, contrairement à sa dénomination, est un courant passéiste. Un passé fortement rétrograde. Il s’imagine vivre au temps du mandat des puissances occidentales. Dans l’impunité la plus totale des occidentaux, qui lui rendent là un mauvais service. Le terme « responsabilité » est banni de son lexique. Preuve en est Saad Hariri, un fugitif récidiviste. En plein « printemps arabe », alors que ses propres sympathisants sont fortement engagés dans la bataille de Syrie, l’héritier est aux abonnés absents au Liban. Skieur à ses heures, tweeter à d’autres. Depuis près de trois ans.
Qu’on n’invoque surtout pas des « considérations de sécurité ». A qui fera-t-on croire que Saad Hariri est plus menacé qu’Hassan Nasrallah dont la totalité des services de renseignements des monarchies arabes, de l’Otan et d’Israël, sont à ses trousses, sans compter les mercenaires libanais, toujours aptes à se vendre au plus offrant. Certes, il a eu l’assassinat de son père, Rafic Hariri. Mais là, il serait judicieux de voir les défaillances du côté de son ancien garde de corps, Wissam Al Hassan, pris d’un besoin incompressible de thèse doctorale au paroxysme de la crise syro libanaise. Qui lui vaudra pour prix de sa défaillance le titre galvaudé de « martyr ».
Saad Hariri, c’est du jamais vu dans les annales de la science politique, le parfait contre-exemple de la responsabilité en politique, sans le moindre blâme de ses protecteurs occidentaux, sans la moindre complainte de ses sympathisants et électeurs. Un véritable zombie de la politique, jouissant d’une impunité absolue. Dans l’ordre logique des choses.
Comment peut-on, en effet, engager la responsabilité d’un pantin néanmoins responsable au premier chef de la prédation de l’économie libanaise, de la confessionnalisation excessive de la vie politique nationale, du glissement du Liban dans la fournaise syrienne avec les prestations humanitaires de leur factotum, Okab Sakr.
Rendez-vous compte, un membre du parlement, qui a déserté sa fonction au sein de la représentation nationale, pour servir de ravitailleur aux milices syriennes. En toute logique, il devrait répondre de ses actes devant la justice, de la même manière que l’ancien ministre Michel Samaha a eu à répondre des actes, sous réserve toutefois qu’ils aient été confirmés.
Preuve de leur irresponsabilité, les rodomontades de l’un de leur fort en gueule, assurant que « le géant sunnite s’est réveillé ». Grand bien leur fasse, mais pour faire quoi ? Sécuriser l’espace national arabe ? Le doter d’une force de dissuasion ? D’une capacité de projection de puissance ? Le faire accéder au rang de puissance du seuil nucléaire ? Non, plus prosaïquement, pour jouer le croquemitaine de la scène libanaise et bouffer du chiite. Pitoyable ambition. La culture de l’impunité est érigée en mode de fonctionnement et de régulation des conflits politiques. Un comportement présomptueux exonère gouvernants et gouvernés du devoir de faire prévaloir l’intérêt national sur les intérêts particuliers, le fondamental sur le superficiel.
J’ai ainsi lu quelque part que le président Michel Sleimane avait intimé au Hezbollah de cesser ses interventions en Syrie. Que n’a-t-il adressé la même injonction aux Hariristes ? L’homme pratique-t-il les indignations sélectives. Auquel cas, est-ce parce que le clan saoudo américain au Liban dispose de davantage de grands électeurs pour la prochaine présidentielle libanaise que leurs rivaux ? Si tel était le cas, l’homme manquerait de grandeur et de noblesse.
En contrepoint, le Hezbollah, dans le viseur conjugué d’Israël, de la constellation des monarchies arabes et du camp atlantiste, ne saurait se permettre le moindre faux pas. Là réside la différence majeure entre le Hezbollah et ses détracteurs, une différence de taille qui explique ses performances et leur désolation. Mais alors pourquoi tant de haine vis-à-vis d’un mouvement arabe musulman et libanais. Sans doute en raison de son invincibilité qui focalise toute la haine wahabo-salafistes, le miroir inversé de leur échec et de leur haine recuite, en contradiction avec les enseignements de l’Islam dont ils se réclament tant : « Wa’ 3 Tassimou bi Habl lillah wala taffarkou ».
RPL – Quel avenir voyez-vous pour le Moyen et Proche-Orient à moyen et long terme ?
J’aurai savouré entendre la réponse de Laurent Fabius sur ce point. Plein de morgue et suffisance tout au long de la séquence syrienne et voilà que d’un coup, en moins d’un mois, tous ses alliés sont happés par la trappe de l’Histoire du bibendum du Qatar, à Mohamad Morsi qui se voyait le nouveau pharaon d’Egypte, aux djihadistes cannibales de Syrie, et leur parrains prédateurs sexuels des pubères syriennes, aux libyens dynamiteurs de son ambassade. Et dire qu’il a pour Dircab, Denis Pietton, ancien ambassadeur de France au Liban, un homme réputé pour son expertise. S’agit-il là aussi d’une réputation usurpée ?
A court terme Hariri and Co devraient cesser de brandir à tout bout champ la « Charia » pour exclure d’autres libanais et d’autres arabes du champ politique et se préoccupaient davantage de la Cha’riyah, la légitimité qu’ils se doivent de gagner sur le plan de la lutte nationale et non par intronisation des anciennes puissances coloniales et de leurs féaux arabes. A moyen terme, l’avenir est sombre. Pour le long terme, avec de glorieux peuples du calibre du peuple égyptien ou libanais, dans sa frange militante pour ce dernier. L’avenir sera ce que décidera la volonté des peuples en lutte.
Beyrouth Ouest, en 1982, a payé son tribut de sang face aux Israéliens, en 1982, Beyrouth Sud a repris le flambeau d’une manière identiquement admirable, vingt-quatre ans plus tard, en 2006. Le jour où Beyrouth Est en prendra la relève, un avenir radieux se profilera pour le Liban. Mais pour ce faire, il importera au préalable de balayer la scène des scories de la politique ; De ces nouveau « bourgeois de Calais » Libanais, dont l’un, Mosbah Al Ahdab (sunnite de Tripoli), rêve de se rendre en train de Beyrouth au Caire, via Tel Aviv, ignorant que ce train-là sera le train de la reddition et de la mort, et l’autre, Samy Gemayel (maronite du Mont Liban), meurt d’envie de signer un nouveau traité de paix avec Israël, en un pitoyable remake du chef d’œuvre de son père, feignant d’ignorer le traitement de laquais que lui ont réservé les Israéliens à son père et à son oncle, Bachir. Ah le fameux entretien houleux de Menahem Begin avec Bachir Gemayel, à Herzliya, dans la foulée de l’invasion israélienne du Liban. Ah quelle humiliation. A vous vacciner à jamais contre le syndrome de la trahison.
Hasard du calendrier ou clin d’œil ironique de l’histoire ? L’abdication de l’Emir du Qatar, est intervenue, le 25 juin 2013, qui a coïncidé avec la date commémorative du 13eme anniversaire du dégagement militaire israélien du Liban, sous le coup de butoir du Hezbollah, bête noire des monarchies sunnites du Golfe et l’adversaire le plus résolu aux menées atlantistes contre le Monde arabe. La plus formidable opération de ravalement cosmétique opérée en faveur des pétromonarchies s’est déroulée sur fond de furieux combats aux quatre coins du monde islamique illustrant le désarroi et la confusion mentale de l’islam wahhabite et de ses parrains américains
Dommage collatéral du conflit de Syrie, l’abdication de l’Emir du Qatar a donné le signal d’une décade extraordinairement désastreuse pour la stratégie occidentale avec la spectaculaire attaque talibane le jour même contre le périmètre stratégique de Kaboul, -le palais présidentiel et le ministère de la défense et l’Hôtel Ariana qui abrite le siège de la CIA dans la capitale afghane-, et l’éradication du chef salafiste libanais, Ahmad Al Assir, le poignard voué par les wahhabites du Qatar a percé le flanc du Hezbollah sur la route du ravitaillement stratégique de la banlieue sud de Beyrouth à la zone frontalière israélo-libanaise ; une décade calamiteuse pour le Qatar, culminant avec l’éviction de Mohamad Morsi de la présidence égyptienne. De ce champ de ruines du Monde arabe, auquel il a grandement contribué, n’émerge que l’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres, géant aux pieds d’argile. Pour combien de temps ?
In fine, la politique n’est pas un jeu et le combat doit se faire dans la clarté. Un ami est un ami. Un ennemi est un ennemi. L’ami de mon ami est un ami. L’ami de mon ennemi est un ennemi et l’ennemi de mon ennemi jamais mon ami. C’est la règle que s’impose le Hezbollah, que n’ont respecté ni les milices chrétiennes durant la guerre libanaise (1975-1990), ni le clan Hariri aujourd‘hui de même que le Hamas qui explique l’impasse du mouvement national palestinien.
René Naba