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Lettre ouverte à SS le Pape

Vous demandez : assistons-nous à une dissolution ou à une évolution de l’idée religieuse et du sentiment religieux ?

Vous me permettrez de me placer au point de vue de l’évolution sociale et de formuler la question de la manière suivante : la dissolution de l’idée religieuse n’est-elle pas le terme nécessaire de son évolution ?

Pour y répondre, rendons-nous compte de ce qu’a été jusqu’ici l’évolution de cette idée.

Mais d’abord qu’est-ce que la religion ? Si nous nous servons de ce que Edward B. Tylor appelle "définition minimum du terme religion", nous dirons que la religion est la croyance en des êtres spirituels existant à côté des choses et des processus naturels.

Cette croyance, qui est l’élément nécessaire de toute religion, sert en même temps à expliquer tous les phénomènes de la nature. Mais à une phase supérieure de l’évolution sociale, nous voyons s’ajouter à cet élément primitif un nouvel élément : l’élément moral.

L’alliance entre ces deux éléments devient de plus en plus étroite. C’est alors qu’on arrive à ce que je pourrais appeler : "définition maximum du terme religion", soit la croyance en des êtres spirituels associée à la morale et lui servant de sanction. C’est à ce point que, pour beaucoup de gens, l’essence de la religion consiste dans la morale.

Mais nous ne sommes point encore au terme de cette évolution.

L’alliance qui semblait indissoluble entre la religion et la morale est condamnée à disparaître de par le progrès de l’esprit humain.

L’explication scientifique des phénomènes est forcément matérialiste. L’intervention des êtres spirituels, qui, aux yeux du sauvage, explique tous les phénomènes, n’explique rien aux yeux d’un Berthelot ; sa valeur diminue de plus en plus pour l’homme civilisé qui peut s’assimiler les résultats du travail scientifique.

Si nombre de gens croient à l’existence d’êtres spirituels et surnaturels, c’est que " pour diverses raisons " ils n’ont pu surmonter les obstacles qui les empêchent de se placer au point de vue scientifique.

Une fois ces obstacles écartés " et il faut croire que ce sera l’oeuvre de l’évolution sociale " toute conception surnaturelle s’évanouira, et alors la morale sera forcée de reprendre son existence indépendante. La religion, dans le sens de sa définition maximum, aura vécu. " Quant au sentiment religieux, il disparaîtra évidemment avec la dissolution de l’idée religieuse. Mais il y a plus de conservatisme dans les sentiments que dans les idées. Il peut y avoir et il y aura certainement des survivances qui engendreront des conceptions plus ou moins bâtardes, mi-spiritualistes, mi-matérialistes, du monde.

Mais à leur tour ces survivances sont condamnées à disparaître, surtout quand disparaîtront certaines institutions sociales que la religion paraît sanctionner.

Le progrès de l’humanité apporte avec lui l’arrêt de mort de l’idée et du sentiment religieux. Les gens timides ou intéressés ont peur pour la morale. Mais, je le répète, la morale peut mener une existence indépendante.

La croyance en des êtres spirituels, même à l’heure qu’il est, est loin de renforcer la morale. Bien au contraire, les religions des peuples civilisés actuels sont, pour la plupart, en arrière du développement moral de ces peuples.

W. K. Clifford l’ a dit avec raison : "Si les hommes n’étaient pas meilleurs que leurs religions, le monde serait un enfer !"

Réponse à une enquête faite par le Mercure de France sur l’avenir de la religion
Gheorgi Plekhanov
1907

http://www.marxists.org/francais/plekhanov/works/1907/00/gp19070000.htm

URL de cet article 19872
   
Pierre Lemaitre. Cadres noirs.
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Contrairement à Zola qui s’imposait des efforts cognitifs démentiels dans la préparation de ses romans, Pierre Lemaitre n’est pas un adepte compulsif de la consultation d’internet. Si ses oeuvres nous donnent un rendu de la société aussi saisissant c’est que, chez lui, le vraisemblable est plus puissant que le vrai. Comme aurait dit Flaubert, il ne s’écrit pas, pas plus qu’il n’écrit la société. Mais si on ne voit pas, à proprement parler, la société, on la sent partout. A l’heure ou de (…)
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