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Il a été le premier à bouger l’aiguille qui était arrêtée.

Ce qu’ils ne pardonnent pas à Chávez (Pagina12)

A Hugo Chavez, ils ne lui ont pas pardonné même quand il était évident qu’il allait mourir.
Quand il a demandé à Dieu un an, quand il a imploré qu’il lui donne du temps. Quand il a utilisé la métaphore de la pleine lune pour donner une idée de quelle forme, ronde, était sa conviction que Nicolás Maduro garantissait la continuité du projet bolivarien.

Les haineux, à l’intérieur et en dehors du Venezuela, ne le lui ont pas pardonné, ni ne lui pardonneront jamais, d’avoir été le premier président du monde à déchirer le voile de la grande cochonnerie néolibérale et d’avoir dynamisé par des idées et du pétrole une région qui juste quatre ou cinq ans après, comme résultat de la grande crise, a voté pour ses collègues de route, les présidents latinoaméricains qui ont fait que cette région, pour la première fois en deux cents ans, croît, mais pas grâce à plus d’inégalité.

Cette donnée à la vie dure. Ici ou là -bas, plus ou moins, meilleur ou pire, d’abord une chose ou l’autre, avec un style ou un autre, mais ils l’ont fait. Ces pays, les nôtres, dans la « décennie gagnée », ont progressé économiquement et socialement. C’est cela qu’ils ne lui ont pas pardonné, ni lui, ni aux autres. Qu’il ait mis l’esprit, le coeur et les politiques sur le social, c’est ce qu’aujourd’hui l’Occident cache sous le tapis.

Chavez a rendu évident ce qui semblait impossible. Que l’on peut être un militaire qui défend sa patrie, mais que la patrie est le peuple, et non les financiers nantis. Que l’on peut redistribuer vers le bas la rente de ce pourquoi on envahi les pays, on ment à l’opinion publique, on tue et on meurt. Les États-Unis vont en guerre pour du pétrole et Chavez l’offrait ou baissait le prix de celui-ci pour les amis. Et ses amis n’étaient pas des PDG de holdings, de banques ou de multinationales : ils étaient les présidents d’autres peuples qui voulaient sortir la tête de l’eau après une souffrance populaire qui avait duré des générations.

Avec sa franchise impudente, Chavez a dit au monde : eh, les compressions budgétaires ne sont pas inévitables ; les banques ne sont pas des dames de charité ; ce qui est à nous est à nous et à tous, aussi pour les sans papiers et les pouilleux. Chavez a aussi dit : eh, il n’y a pas de raison et ce n’est écrit nulle part, que ce que nous vivons jusqu’à aujourd’hui continue de la sorte et dans les mêmes mains qui volent. Le monde lui est tombé dessus mais il a dit : « Cela ne m’importe même pas de défendre mon honneur. Je veux seulement défendre ma patrie ».

L’Europe continue sans se rendre compte, ou peut-être bien que se rendre compte ne suffit pas, et il faut espérer qu’émergent des dirigeants qui synthétisent et conduisent les désirs collectifs de changement. Chavez n’a pas eu peur de choses qui auraient hérissé tout homme sensé. Après, les autres l’ont suivi, et sur ce point comment ne pas se souvenir de Nestor Kirchner quand, avant la plus grande refonte de dette de l’histoire, il leur a collé son diagnostic irréfutable, le même auquel, dix ans après, commencent à parvenir les Européens : quand il a dit que « les morts ne paient pas ».

Aujourd’hui, peu de choses restent déjà de ces Européens indignés qui sont sortis dans les rues en 2011. Ou du moins, les grands médias ne rendent plus compte de ce qui est arrivé à ces jeunes qui remettaient en question le système, mais continuaient d’identifier le système à la politique, comme si c’était inévitable que la politique fut une seule chose : de la pure crasse.

Ici, nous savons ce qu’il en est de combattre dans l’urgence : pendant les années 90 en Argentine, on n’a pas parlé politique mais de faim et de chômage. En Espagne, leur sont tombées dessus les pluies toxiques des coupes budgétaires, et les « expulsions » : cette guillotine qui coupe à la racine l’envie de vivre de ceux qui d’un jour à l’autre perdent leur toit. Ces bonzes et suicidés avec prénom et nom de famille, individualisés encore grâce aux couches de l’État de Bien-être que la troïka veut démanteler, expriment en Europe ce qu’en Amérique Latine - un continent jusqu’à il y a peu « à sacrifier » - ont exprimé des millions d’exclus sur lesquels le même système et les mêmes politiques ont craché pendant des années.

Dans un article récent, l’essayiste et traducteur basque Gorka Larrabeiti mettait en lumière le piège attrape-nigaud qu’est aujourd’hui l’Europe. Comme le démontrent les brèves nouvelles de ces derniers jours. Ainsi : au Portugal, simultanément dans 39 villes, la foule a chanté l’hymne de la Révolution des Oeillets contre la troïka. En Italie, il est difficile de former un gouvernement. Revoici Berlusconi et voici, Beppe Grillo, qui se dit « ni de gauche, ni de droite ». En Allemagne un Parti Anti-euro est déjà formé. Il s’élève davantage de voix qui réclament le retour aux monnaies nationales, parce que l’euro-Europe est perçue comme une entrave à l’autodétermination des peuples. En France, la droite de Marine Le Pen demande « solennellement » un référendum pour sortir de l’euro et maudit autant l’Union Européenne que « l’Union soviétique ». aux Pays-Bas, Geert Wilders, leader du Parti de la Liberté, annonce un mélange de mesures anti-immigration d’extrême droite et de politiques qui puissent garantir un État de Bien-être pour les « purs ». En Belgique, le maire populaire d’Anvers, Bart De Wever, a mis en place un impôt spécial pour les citoyens non belges. En Slovénie un gouvernement corrompu tombe et un gouvernement « technique » est formé. Les États-Unis annoncent leurs propres restrictions budgétaires et des millions de personnes se préparent à vivre plus mal.

Ces sociétés ne sont, aux yeux des grands médias, des « sociétés divisées », comme l’Argentine n’était pas divisée dans les années 99, quand l’Alliance a gagné. Hugo Chavez gouvernait déjà au Venezuela, mais il paraissait être un militaire de plus parmi ceux à qui le Pentagone donnait quitus. Les sociétés n’étaient pas divisées parce qu’il n’y avait pas de lutte du pouvoir. Changer la direction du pouvoir était inimaginable : il était rivé en un point fixe.

C’est cela qu’ils ne pardonnent pas à Hugo Chavez : il a été le premier à bouger l’aiguille qui était arrêtée. Il l’a orientée vers le peuple et il a payé le prix, en donnant tout, jusqu’à sa vie, et sa mort est la preuve de ce que « vouloir se perpétuer au pouvoir » était encore une stupidité de plus parmi les nombreuses entendues chaque jour. Ce que Chavez voulait que soit affirmée, prolongée et développée, n’était pas sa permanence au pouvoir, mais celle de l’aiguille indiquant le bas. C’est cela qu’ils ne lui pardonnent pas.

Sandra Russo

http://www.pagina12.com.ar/diario/contratapa/13-215412-2013-03-09.html

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

http://www.elcorreo.eu.org/Ce-qu-ils-ne-pardonnent-pas-a-Chavez?lang=fr

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