Le 5 mars n’était pas un jour comme les autres, particulièrement en Russie où on commémorait la disparition de Joseph Staline, l’homme qui a été à la tête de l’Union soviétique pendant vingt-neuf ans, de la mort de Lénine en 1924 jusqu’à la sienne, en 1953.
Staline est un personnage controversé, exalté avant d’être condamné, admiré avant d’être méprisé, un personnage d’ombre et de lumière à qui nous devons tous pourtant d’avoir pu arrêter la folie meurtrière des troupes nazies d’Adolphe Hitler durant la Seconde Guerre mondiale.
Les détracteurs du communisme l’accusent d’avoir liquidé ses opposants, et sa figure en a largement pâti à l’Ouest. Mais il n’en est pas de même en Russie. La fondation Carnegie a récemment publié un sondage très intéressant portant sur la perception du dirigeant soviétique auprès des Russes d’aujourd’hui. Il ressort que 45 % d’entre eux pensent que Staline a joué un rôle positif dans l’histoire de leur pays (seulement 35 % estiment le contraire). Près de 50 % reconnaissent en lui un leader sage qui a apporté à l’URSS sa puissance et sa prospérité, et près de deux tiers pensent que la victoire de la guerre par le peuple soviétique sous son égide est le fait le plus important de son ère. Maria Lipman, l’auteur du rapport, soulève un paradoxe : « si on voyage en Russie, on ne devine pas que les Russes considèrent Staline comme leur plus grand compatriote : on ne voit nulle part des monuments ou des portraits de Staline ». Alors qu’on voit partout ceux de Lénine. « Mais on oublie peu à peu Lénine : sa popularité a chuté de 72 % à 37 % entre 1989 et 2012 », écrit Lipman.
Et la presse russe du jour semblait accréditer la présence du personnage dans le coeur des Russes, puisque pas un seul quotidien d’information n’a passé sous silence cet événement. L’Église orthodoxe avait quant à elle décidé de rappeler la brutalité du régime stalinien sans toutefois basculer dans le révisionnisme historique qui tendrait à montrer de l’URSS qu’un côté négatif.
Il apparaît, au vu de l’enquête menée par la fondation Carnegie, que l’image de Staline n’a pas été diabolisée en Russie en dépit de décennies d’histoire partiale qui le présente comme un dictateur impitoyable. Rappelons que, du temps de son vivant, le Père des peuples jouissait d’un prestige inégalé. Marie Lipman explique que les deux images de Staline - celle d’un dictateur et d’un dirigeant puissant - fusionnent souvent dans la conscience de beaucoup de Russes « Après tout, écrit-elle, c’est à l’époque de Staline que la Russie soviétique était au faîte de sa puissance ».
Capitaine Martin