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Révoltes arabes : Comprendre n’est pas participer aux idéologies du complot

Deux ans après leur déclenchement, les différents mouvements - hâtivement baptisés « révolutions arabes » - qui ont provoqué des changements de régime en Tunisie, Égypte, Libye et au Yémen ainsi qu’une crise durable au Bahreïn et une guerre civile en Syrie nécessitent un premier bilan. C’est l’objectif que se sont fixé les vingt-trois contributeurs de huit nationalités différentes dans l’ouvrage qui vient de paraître aux Éditions Ellipses : La Face cachée des révolutions arabes (528 p., 25 euros).

Ce travail courageux et salutaire - qui rassemble des signatures aussi différentes et dissemblables que celle de Samir Amin, Alain Chouet ou Ahmed Ben Saada - s’organise autour d’une triple interrogation : d’où viennent ces mouvements ? Quels en furent les principaux acteurs ? Qu’ont-ils produit jusqu’à maintenant ? Il reproduit également les deux rapports de mission d’étude conjointement menée en Libye et en Syrie par le Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) et le Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme (Ciret).

Son questionnement fait oeuvre d’une belle déconstruction des lectures d’une presse trop pressée et de chercheurs parfois dévorés par leurs sujets d’études. Comme Fabrice à Waterloo qui n’a vu que de la fumée et des chevaux, les premiers ont beaucoup fait la morale en décidant - à la place de leurs lecteurs - qui étaient les « bons » et les « méchants ». Les seconds, qui n’aiment pas qu’on réfléchisse sur leurs plates-bandes, ont voulu se réserver le monopole de la compréhension. Après avoir annoncé la fin de « l’islam politique », certains ont décrit - en août 2011 - des activistes jihadistes « paniqués » par une « vague démocratique » en train de submerger le monde arabe… D’autres enfin ont assimilé toute remise en cause, sinon toute critique, de leurs lectures aux idéologies du complot, voire au négationnisme du changement social et politique.

Ne leur en déplaise, La Face cachée des révolutions arabes, ouvrage de salubrité publique, dresse un triple constat transversal. D’abord, ces différentes révoltes renouaient avec de vieilles revendications sociales et politiques chargées d’une longue histoire. Cette fois-ci, la grande nouveauté est que les chancelleries et la presse occidentale les ont relayées, sinon amplifiées. Pour quelle raison ? Parce dans notre monde globalisé innervé de nouvelles technologies dévoilant l’actualité dans son immédiateté, les Ben Ali, Moubarak et autres Khadhafi ne pouvaient plus être des garants sérieux des intérêts occidentaux. Il fallait trouver autre chose, non pas - comme dans Tintin - en réunissant des comploteurs cagoulés dans une caverne pour monter un mauvais coup, mais en accompagnant et canalisant les énergies libérées. Dans un premier temps, la jeunesse, les syndicats et la société civile ont constitué des mouvements sociaux innovants, en rupture avec les ordres anciens, avant que des élections - plus ou moins correctement gérées - ne viennent reconstruire des ordres moraux et politiques conformes à la sauvegarde des intérêts occidentaux. Comme dit le Guépard de Lampedusa : « Il fallait tout changer pour que rien ne change… »

Deuxième constat : les agents de cette nouvelle glaciation sont les Frères musulmans et leurs produits dérivés salafistes. Depuis le milieu des années 1950, lorsque Nasser s’impose comme le champion du nationalisme arabe et qu’il fait le choix de l’URSS, les États-Unis n’ont de cesse d’utiliser la confrérie égyptienne comme leurs alliés objectifs les plus actifs dans le monde arabo-musulman. Nous disposons, dans nos archives, d’une photo de Saïd Ramadan - le père de Tariq (télé-coraniste bien connu) - aux côtés d’Eisenhower dans le bureau de la Maison-Blanche avec une délégation des Frères musulmans. Pourquoi les Américains les adorent-ils ? Parce que là où sont les Frères, pas de syndicats, de partis de gauche et de formations nationalistes, mais des boutiquiers partisans du néo-libéralisme économique, avec une jeunesse qui fait des allers et retours entre la mosquée et McDo.

Enfin, les grandes révolutions (française, soviétique, chinoise, cubaine et algérienne) ont ceci de commun qu’elles ont, peu ou prou, engagé réformes agraires, nationalisations des secteurs vitaux de l’économie, promotion des femmes et des droits humains. C’est-à -dire des dynamiques très différentes de l’instauration plus ou moins dure de la charia. Dresser ces constats n’est pas rejoindre les idéologies du complot, mais parier sur l’intelligence de l’avenir.

Richard Labévière

http://www.afrique-asie.fr/component/content/article/60-politique/4996...

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