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Chili : Indemnisation pour les victimes de la dictature


Le Président Ricardo Lagos a annoncé le dimanche 28 novembre que les victimes d’emprisonnement politique et de torture sous la dictature seraient indemnisées.


Après avoir étudié le rapport de la Commission nationale sur la prison politique et la torture, dite Commission Valech, qui contient le témoignage de plus de 35 000 personnes, le Président Ricardo Lagos a décidé que les victimes d’emprisonnement politique et de torture sous la dictature seraient indemnisées. Le dossier de 28 000 d’entre elles a été retenu alors que les 7 000 autres pourront faire appel de la décision devant la Commission.

Il est donc reconnu aujourd’hui officiellement que les atteintes aux Droits de l’Homme ont constitué une pratique institutionnelle d’État et non pas été de simples "comportements individuels" ou des "excès".

Après s’être interrogé sur les raisons qui ont conduit le pays dans cette horreur, qui a rompu avec la tradition démocratique chilienne, Ricardo Lagos a énoncé les formes que prendront ces réparations en soulignant que ces mesures sont destinées à guérir les blessures et non pas à les réouvrir. Il se situe donc dans une logique de réconciliation nationale, si difficile au Chili.

Une mesure institutionnelle : création d’un Institut National des Droits de l’Homme chargé de promouvoir, au travers de l’éducation, les dits-droits.

Des mesures symboliques et collectives : reconnaissance morale de l’État envers les victimes, mesures juridiques pour prévenir le risque de répétition d’une telle expérience et rétablissement des droits civiques à ceux qui été injustement inculpés de délits qu’ils n’avaient pas commis.

Une mesure financière : le versement d’une pension de 112 000 pesos mensuels ( 140 euros ) et un accès préférenciel à l’éducation, à la santé et au logement.

L’indemnisation financière peut paraître, a priori, modeste mais elle correspond au salaire minimum actuel ou au montant d’une fois et demie la pension civile minimale. Elle est donc très loin d’être négligeable pour de nombreuses familles et représente pour le budget de l’État une charge de l’ordre de 60 millions d’euros annuel.

Le Président a insisté sur le fait que ces mesures ne doivent pas générer d’affrontements avec les Forces Armées, partie intégrante de la République. A cet égard, le général Juan Emilio Cheyre, Commandant en chef des Forces Armées, avait reconnu le 5 novembre, l’implication de l’Armée en tant qu’institution, dans les atteintes aux Droits de l’Homme, ce qui revient à une forme de désaveu de l’autre général. Le climat est donc à la détente entre le pouvoir politique et l’Armée.

Néanmoins, l’opposition de droite Pinochetiste refuse ce constat et prétend que, si excuses il y a, elles doivent recouvrir une forme individuelle. Certains pratiquent le négationnisme. Ainsi le sénateur Sergio Fernández, ministre de l’Intérieur de Pinochet, a signé en 1978 un document niant l’existence de la Villa Grimaldi comme centre de détention et de torture et a assuré récemment qu’une telle politique n’a jamais été suivie sous le gouvernement de Pinochet. Pourtant, de nombreux témoins affirment qu’il aimait visiter régulièrement cette prison qui fût le principal centre de torture sous la dictature. En 1987, il a signé un décret interdisant la torture, alors...

Il est donc possible que, dans un avenir proche, certains responsables soient inculpés pour des atteintes aux Droits de l’Homme. Que cela atteigne un certain général est moins sûr, dans la mesure où son état de santé officiel ne lui permettrait pas de passer devant un tribunal. Il n’empêche qu’il a été sûrement plus malade qu’aujourd’hui. Quand le juge Juan Guzmán, chargé de l’instruction sur les détenus-disparus, lui a demandé s’il était au courant des exactions de membres des Forces Armées, il a répondu : « Moi, j’étais le Président, on n’allait pas me mettre au courant des petites choses... ». Un autre « petit détail de l’histoire » en quelque sorte...

Pour lire le Rapport de la Commission nationale sur la prison politique et la torture www.lanacion.cl/prontus_noticias/site/edic/home/port/torturas.html

Pour écouter le discours du Président Lagos sur le programme expérimental de Boulevard, la radio en ligne de www.francochilenos.com de mon ami Eduardo Olivares, journaliste chilien www.cronopio.cl/RadioBoulevard/

On peut lire également l’appel à pétition de Pedro Alejandro Matta, traduit par Marie-Christine Desplanque, qui sera remis le 6 décembre au Président Ricardo Lagos. Pour le signer, envoyer un message à p.matta@vtr.net

Après avoir remis à Monsieur le Président de la République le rapport de la commission sur la Prison Politique et la Torture, et ajoutant cela aux faits déjà connus et répertoriés dans le rapport de la Commission Vérité et Réconciliation de 1991, il convient de porter notre attention sur les possibles formes au travers desquelles pourraient s’exprimer les besoins et aspirations sociales, éthiques et historiques qui aident à la préservation de la Mémoire et à l’éducation à une culture du respect à la vie et à la dignité humaine.

Dans ce contexte, de profonde douleur sociale et de respect envers le passé, et comme une affirmation patente du " Plus Jamais" promis par divers secteurs sociaux et acteurs politiques et institutionnels , je me permets de suggérer la construction d’un Monument National à la Mémoire en utilisant comme éléments structuraux les rails récupérés du fond de la mer face à Quintero par le Juge d’instruction, Juan Guzman, quand ces éléments perdront leur qualité d’éléments de preuve au moment opportun du procés.

Ces rails, comme le rapporte le dossier d’instruction, furent utilisés pour attacher les corps des détenus politiques qui allaient être lançés à la mer plus tard.

Un tel monument, pour sa valeur et l’histoire qu’il représente, devrait être érigé selon moi à un endroit privilégié et bien visible dans la ville de Santiago, et sa conception artistique devrait être l’objet d’un concours publique organisé par les autorités gouvernementales avec l’appui des organismes, institutions et personnes qui ont été participants et acteurs du Mouvement pour les Droits de l’Homme.

Je sollicite votre signature comme appui à cette initiative dirigée à la préservation de notre Histoire et de notre Mémoire et je vous prie de diffuser cette note afin d’aider à générer et à construire un mouvement social qui rendra possible le projet exposé antérieurement.

Je vous salue affectueusement,

Pedro Alejandro Matta



Augusto Pinochet : épitaphe pour un tyran, par Mario Amorós.




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C’est un paradoxe que la nation qui a tant fait pour intégrer les droits de l’homme dans ses documents fondateurs se soit toujours opposé à la mise en place d’un cadre international pour protéger ces mêmes principes et valeurs.

Amnesty International - "United States of America - Rights for All" Oct. 1998

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