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Tunisie : Les nouveaux Vandales

Au jour d’aujourd’hui, vendredi 25 janvier 2013, ce ne sont pas moins de soixante-dix mausolées, selon le directeur même du Patrimoine national, qui ont été plus ou moins gravement profanés, saccagés ou incendiés ! Et ce n’est-là qu’un début ! Autant dire que ce mois de janvier aura été fatal à notre patrimoine culturel, religieux et archéologique. Il est difficile, en effet, de ne pas croire qu’il s’agit là bel et bien d’un plan concerté et réfléchi pour porter atteinte à des symboles de notre mémoire nationale collective. Dans quel sinistre dessein ?

C’est-là , pourtant, l’oeuvre des enfants chéris de M. Ghannouchi, porteurs, nous a-t-il déjà fièrement annoncé, d’une nouvelle et régénératrice culture. Une nouvelle culture ? La « culture » des Vandales et de la terre brûlée, plutôt ! Une culture qui sème la discorde et la zizanie dans la société, oui ! Une culture qui cultive la haine et annonce la guerre civile et religieuse !

Ce ne sont pas là , à entendre aussi M. Jbali, des extra-terrestres, mais des enfants de la Tunisie. Des enfants qui portent la main sur leur mère ? Quelle religion sur terre tolère-t-elle cela ? Qui accepterait de protéger des enfants aussi dénaturés ?

Or, précisément, ce qui est effarant dans cette triste affaire, c’est le silence complice des autorités tant civiles que religieuses ! Quel silence assourdissant de la part des ministères concernés, de ceux de la Culture et des Affaires religieuses en particulier ! Hormis quelques protestations de pure forme qui sont autant d’injures à l’intelligence des Tunisiens et ne trompent que ceux qui veulent bien continuer à être bernés. Concrètement, combien d’incendiaires notre vaillante police nationale a-t-elle effectivement arrêtés ? Combien de profanateurs ont été présentés devant les tribunaux par notre sourcilleuse justice qui instruit plus vite que son ombre dès qu’il s’agit, disons, de la publication de la photo d’une femme demi-nue dans un journal, de la projection d’un film comme Persépolis ou de l’exposition de telle ou telle oeuvre d’art comme lors de la rocambolesque affaire d’El Abdellia ? L’atteinte au sacré ne s’applique-t-elle donc qu’aux seuls artistes et hommes de culture ? Ne devrait-elle pas, en toute logique du moins, concerner aussi, des salafistes adeptes du wahabisme saoudien radical qui brûlent des exemplaires du Coran et incendient des lieux plusieurs fois séculaires et où s’exerce la piété populaire ? Le ministère de la Justice pratique-t-il donc le principe des deux poids et deux mesures ? N’est-ce pas la meilleure preuve qu’il existe une collusion d’intérêts entre Ennahdha et les salafistes ? Leurs projets respectifs sont-ils réellement si différents que les uns et les autres le prétendent parfois ? Ne visent-ils pas pareillement la transformation à marche forcée du mode de vie si convivial et tolérant des Tunisiens que nous sommes ? N’est-ce pas notre identité profonde qui déplaît tant aux uns et aux autres qui se trouve ici visée ?

Vous voulez des preuves ? Suivez les drôles de lubies dont nous réjouissent quotidiennement les nouvelles stars que sont devenus d’obscurs inconnus comme MM. Adel Almi ou Béchir Ben Hassan. L’un prône l’interdiction de la mixité dans les établissements scolaires ou nous présente une liste de plusieurs signatures de femmes adeptes de la polygamie ! L’autre voudrait interdire aux femmes de voyager, voire même de se déplacer d’une ville à l’autre dans le pays, sans être accompagnées d’un « tuteur » ! D’autres investissent des lycées, hissent leurs bannières noires en lieu et place de l’emblème national et les transforment en autant de tribunes pour la propagande d’un islam qui se veut pur et dur, débarrassé de l’empreinte locale que lui ont apportée des siècles de pratique populaire en Tunisie. Une sorte de retour forcé aux sources en faisant fi de l’apport de quatorze siècles ! D’autres, enfin, légifèrent au sein de l’Assemblée Nationale Constituante en vue de constitutionaliser de nouvelles instances comme le Haut Conseil de l’islam ou L’Instance Supérieure pour la Fatwa.

Voilà à quoi nous sommes réduits après deux ans d’une révolution qui réclamait plus de Liberté et plus de Dignité ! Nous nous trouvons, finalement, empêtrés dans des discussions byzantines sur notre identité ! Pour savoir aussi s’il faut faire ou non référence dans la future constitution à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. M. Sahbi Attig, le président du groupe d’Ennahdha à l’ANC n’a-t-il pas conditionné toute allusion à ce document à une référence explicite aux préceptes de la religion musulmane ?

Sommes-nous en train de rater, de nouveau et encore une fois, notre entrée dans la modernité ? Sommes-nous en train de dilapider d’une manière irréversible les acquis politiques, juridiques, culturels et sociaux engrangés grâce à la construction de l’État national après l’indépendance et qui constituent notre véritable spécificité dans l’aire arabo-musulmane ? Quel avenir allons-nous préparer aux générations montantes ? Celui que nous promettent les nouveaux Vandales et un retour au Moyen à‚ge ou bien une entrée de plain-pied dans l’ère des sciences innovantes et des nouvelles technologies ? La décision nous incombe, ici et maintenant, sans aucun droit à l’erreur !

Mohamed Ridha BOUGUERRA,
universitaire.

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