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Les législateurs russes votent une loi interdisant l’adoption d’enfants russes par des Américains. C’est une erreur ?

Le débat fait rage en Russie à propos de la loi interdisant l’adoption d’enfants russes par des Américains que la Douma (chambre basse) vient de voter.

Les législateurs russes ont approuvé la loi "Dima Yakovlev’ en seconde lecture - en dépit de la controverse qu’elle suscite, par 450 voix pour et seulement 17 contre. Pour prendre effet elle doit être approuvée en troisième lecture par la Chambre Haute et signée par le président.

La loi a été proposée par le parti au pouvoir, Russie Unie. Elle résout quelques problèmes du protocole d’adoption, mais elle est aussi considérée comme la réponse au Magnitsky Act signé par le président Obama. Cette loi, du nom du juriste Sergei Magnitsky, qui est mort en détention à Moscou, avant son procès, interdit l’entrée aux Etats-Unis de responsables russes soi-disant impliqués dans sa mort et prévoit de saisir leurs biens.

Si la loi Yakolev passe, elle interdira de fait l’adoption d’orphelins russes par des couples étasuniens et mettra fin au travail des organisations qui font office d’intermédiaires dans le processus d’adoption. Des amendements complémentaires laissent présager que la même interdiction pourrait être étendue à d’autres pays étrangers qui soutiennent le Magnitsky Act.

"Ne mêlez pas les enfants à la politique’

La perspective d’une interdiction d’adoption a suscité une vague d’indignation en Russie et beaucoup de personnalités ont exprimé leur opposition à la loi après que la Douma ait approuvé les amendements en première lecture lundi soir.

Des journalistes, artistes, militants des droits de l’homme célèbres en Russie ont demandé au gouvernement de renoncer à cette loi.

"Nous espérons être tous d’accord sur le principe que les enfants ne devraient pas être mêlés à la politique sous aucune circonstance," lit-on dans la pétition des parents adoptifs russes qui a déjà recueilli des milliers de signatures sur internet.

Ceux qui sont opposés à la loi Dima Yakovlev se sont hâtés d’accuser les Membres du Parlement russes de se servir des enfants pour prendre leur distance avec les Etats-Unis. Ils soulignent que les principales victimes d’une telle réaction au Magnitsky Act seront les orphelins russes qui seront privés d’une chance supplémentaire de trouver des parents adoptifs.

"Nous savons qu’il y a plus de 120 000 enfants dans les orphelinats russes, et la plupart ne bénéficieront jamais de soins médicaux appropriés, d’amour parental et de tendresse. Nous savons que les citoyens russes adoptent rarement des enfants gravement malades parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer les soins nécessaires," précise le groupe des parents adoptifs dans la pétition.

Est-ce une erreur de faire ce genre de représailles ?

La proposition de loi a suscité des discussions animées entre d’importants politiciens russes dont certains se sont élevés contre l’interdiction d’adoption.

Livanov, le ministre de l’éducation, et Lavrov le ministre des affaires étrangères se sont prononcé contre la loi en disant que la logique qui la sous-tend est erronée.

Selon Lavrov, ce sont les personnes qui n’ont pas pris soin des enfants russes adoptés qui doivent rendre des comptes y compris les juges étasuniens qui n’ont pas prononcé contre eux les peines appropriés.

Quant au ministre de l’éducation, il considère que les mesures de rétorsion ne sont pas la réponse adéquate "parce que les enfants pourraient souffrir si on ne leur trouve pas de parents adoptifs en Russie."

Et Abyzov, le ministre des relations avec la société civile, a aussi dit que l’interdiction "serait une grave erreur" et a ajouté que "ce seront les enfants, spécialement ceux qui ont des problèmes moteurs qui en souffriront."

La Russie devrait "cesser d’exporter ses enfants’

Ceux qui soutiennent la loi disent qu’il est nécessaire de protéger les enfants russes des possibles abus des parents adoptifs étasuniens.

Pavel Astakhov, l’ombudsman des droits des enfants russes, est en faveur de l’interdiction de toutes les adoptions par des étrangers, pas seulement les Etats-Unis. Il pense que le gouvernement devrait promouvoir l’adoption russe au lieu "exporter nos enfants dans d’autres pays". le programme fédéral "La Russie sans orphelins" a été créé justement dans ce but qui est d’aider les parents prospectifs à trouver un enfant à qui il seront heureux de donner un toit.

Selon Astakhov, seulement 5% des enfants adoptés par des étrangers étaient handicapés. En un an, les Etasuniens ont adopté 44 enfants handicapés alors que 188 enfants nécessitant des soins particuliers étaient adoptés par des familles russes*.

Selon Astakhov, les autorités étasuniennes ont refusé aux Russes l’accès diplomatique à Maksim Babayev, un enfant russe de 6 ans qui était maltraité physiquement et psychologiquement par ses parents adoptifs aux Etats-Unis.

Le système judiciaire étasunien a fait l’objet de critiques à cause de son manque de réaction appropriée dans des cas de mauvais traitement d’enfants russes par leurs parents adoptifs étasuniens.

Selon Sergey Neverov, le porte parole des députés de la Douma, l’interdiction, si elle est approuvée, sera maintenue aussi longtemps que les tribunaux étasuniens continuent à rendre des jugements "partiaux".

Le président Putin a aussi critiqué les autorités étasuniennes pour la manière dont elles ont réglé des cas de maltraitance qui avaient causé la mort d’orphelins russes dans des familles d’adoption étasuniennes.

Ce qui nous indigne, ce n’est pas tellement ces tragédies -même s’il n’y a rien de pire- mais la réaction du gouvernement [des Etats-Unis], c’est une réaction vindicative. C’est cela qui est mauvais," a dit le président Poutine.

Une des personnes qui a rédigé la loi est Ekaterina Lakhova qui fait partie du comité Dima Yalovlev pour les organisations sociales et religieuses. Elle croit que la loi est nécessaire parce que les protocoles d’accord avec les Etats-Unis ne permettent pas aux autorités russes de s’assurer que les enfants russes soient bien traités dans leurs nouvelles familles :

"La législation étasunienne [sur l’adoption] varie selon les états et il arrive souvent qu’un enfant adopté par une famille soit transféré dans une autre famille. Ce n’est pas rare du tout," dit-elle.

19 enfants russes sont morts du fait de leurs parents adoptifs étasuniens depuis le milieu des années 1990, affirme Pavel Astakhov qui pense qu’il aurait fallu commencer à interdire les adoptions en 2010.

Le délégué aux droits des enfants, Pavel Astakhov et Artyom Savelyev au centre d’accueil. En 2010, ses parents adoptifs étasuniens d’Artyom Savelyev l’ont renvoyé en Russie.

La mort de Dima est due à de la ’négligence flagrante’

Le bébé Russe, Dima Yakovlev, a été adopté par Carol et Miles Harrison en 2008. Trois mois plus tard, la petite fille de 21 mois est morte d’un arrêt du coeur parce que son père adoptif avait oublié de le déposer à la crèche avant d’aller au travail. Du coup, il l’a laissée attaché dans la voiture par un soleil brûlant qui a fait monter la température dans la voiture à 75 degrés. Le petit cadavre a été découvert par les collègues de Harrison neuf heures plus tard.

Harrisson qui risquait une peine d’emprisonnement de 10 ans pour homicide involontaire a finalement été acquitté. Le juge a statué que malgré "sa flagrante négligence" Monsieur Harrison n’avait pas fait preuve "d’un total mépris de la vie," ce qui est la qualification pour homicide involontaire aux Etats-Unis.

Artyom renvoyé en Russie

En avril 2010, Artyom Savelyev** qui avait 7 ans est arrivé en Russie tout seul. Sa mère adoptive l’avait renvoyé chez lui comme un colis. Le petit garçon avait sur lui un billet qui disait : "Je ne veux plus m’occuper de cet enfant," signé par la mère adoptive. Torry Hansen, qui affirme qu’elle était débordée par les problème psychologiques de l’enfant, a accusé les employés de l’orphelinat d’avoir caché "son instabilité mentale et d’autres problèmes". Les docteurs russes qui l’ont examiné à son retour n’ont pourtant rien trouvé d’anormal chez lui.

Aucune plainte au pénal n’a été ouverte contre cette dame, mais l’agence d’adoption lui a fait un procès pour lui réclamer 150 000 dollars qu’elle lui avait versé pour s’occuper du garçon. Bien que le cas ait fait les grands titres des journaux à Moscou et Washington et que plusieurs familles russes aient exprimé leur désir d’adopter le jeune garçon, il est toujours dans un orphelinat près de Moscou.

Rien ne peut remplacer la famille

Bien qu’il y ait eu de nombreux cas d’abus, la vaste majorité des enfants russes adoptés par des parents étasuniens sont heureux. Les familles russes ont tendance à adopter des bébés et des enfants qui ne sont pas encore d’âge scolaire - les enfants plus âgés ont moins de chance de trouver un foyer.

Une famille étasunienne, interviewée par RT, a expliqué que leur fille adoptive avait été enlevée à sa mère biologique pour mauvais traitements par les assistants sociaux. La fillette vivait dans un orphelinat familial quand sa famille d’adoption l’a rencontrée à 9 ans ; elle n’en était sortie que pour un bref séjour dans une famille d’accueil qui l’avait ensuite rejetée.

La fillette a eu quelques problèmes à s’adapter à une famille étasunienne et a manifesté des "symptômes d’enfant traumatisé qui voulait être fille unique et se débarrasser des autres enfants," selon sa nouvelle maman qui a ajouté qu’au début la fillette était cruelle avec sa petite soeur de 3 ans et son petit frère de 4 ans. Ses parents on fait de leur mieux pour la rassurer mais il lui a fallu sept ans pour enfin révéler les mauvais traitements qu’elle avait subis à l’orphelinat russe.

"Il lui a fallu beaucoup de temps pour s’adapter à la famille et pour nous raconter ce qu’elle avait vécu, a dit la mère adoptive. Il n’y a que deux ans qu’elle nous a raconté les mauvais traitements et les abus sexuels dont elle avait souffert dans ce centre d’accueil de la part des autres enfants et aussi de la "mère" du centre."

La fillette avait des "problèmes affectifs, sans doute des déséquilibres affectifs et des traumatismes dus à la négligence dont elle avait fait l’objet dans sa petite enfance, et elle souffrait d’anxiété."

Ses parents l’ont inscrite à toutes sortes d’activités pour l’aider à s’adapter à sa nouvelle vie. "Elle fait du cross, de la course à pied, du basket, du foot, du baseball, elle joue du saxophone, du piano et de la guitare" a dit la mère en ajoutant qu’elle-même continuait à travailler sur "son rôle de mère" et à lui transmettre ses "méthodes pour gérer l’anxiété."

"Les enfants adoptés à l’adolescence ont du mal à s’adapter, malgré toute leur bonne volonté et toute l’aide qu’ils reçoivent, parce qu’ils ont de gros problèmes ; le manque de soins dont ils ont souffert dans leurs premières années les handicapent pour la vie," a-t-elle conclu.

On ne sait pas encore si le président Poutine va signer la loi dans les jours qui viennent. S’il le fait, la nouvelle législation pourrait entrer en vigueur dès janvier 2013.

Pour consulter l’original : http://rt.com/news/russia-us-adopted-children-351/

Traduction : Dominique Muselet

Notes :

* quelques autres chiffres :

 19 morts enfants morts sous la responsabilité de parents adoptifs étasuniens, 1500 morts d’enfants adoptés par des Russes depuis 1996.

 Plus de 82 000 orphelins enregistrés en Russie en décembre 2011

 Plus de 14 000 enfants russes adoptés l’année dernière ; environ 11 000 d’entre eux par des Russes et 3 400 par des étrangers (plus de 31%)

 Près de 1000 enfants russes ont été adoptés par des Etasuniens, dont 89 enfants handicapés.

** http://rt.com/usa/news/adopted-russian-child-returns/


URL de cet article 18728
   
Frédéric Rousseau. L’Enfant juif de Varsovie. Histoire d’une photographie.
Bernard GENSANE
Paris, Le Seuil, 2009 Nous connaissons tous la photo de ce jeune garçon juif, les mains en l’air, terrorisé parce qu’un soldat allemand pointe sur lui un fusil-mitrailleur. En compagnie de sa mère, qui se retourne par crainte de recevoir une salve de balles dans le dos, et d’un groupe d’enfants et d’adultes, il sort d’un immeuble du ghetto de Varsovie. A noter que ce que l’enfant voit devant lui est peut-être plus terrorisant que ce qui le menace derrière lui. Au fil d’un travail très (…)
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