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La tâche du caricaturiste n’est pas tant d’être équilibré que de rétablir l’équilibre

Je ne suis qu’un caricaturiste qui a le devoir moral de parler (The Age)

Il y a plusieurs années, j’ai été invité à parler au Musée Juif de Melbourne sur le thème "Le caricaturiste en tant que conscience de la société". J’ai volontiers accepté l’invitation mais la semaine suivante le Musée m’a fait savoir que mon invitation avait été annulée à cause de mon opinion sur Israël. Bien qu’il me soit arrivé de critiquer la politique agressive du gouvernement israélien, je n’avais jamais publiquement pris position sur Israël et l’annulation m’a à la fois surpris et amusé tant il est ironique de se voir exclu d’un débat sur la conscience parce que justement je faisais mon travail avec conscience.

En y réfléchissant, je me suis dit qu’une querelle philosophique interne était peut-être à l’origine de cette bizarre annulation. Quoiqu’il en soit une porte m’avait été fermée.

Je raconte cela en toile de fond des récents évènements au cours desquels il a été publiquement suggéré que j’étais antisémite à cause d’un dessin* que j’ai fait pour exprimer ma consternation devant les épreuves et les souffrances des Palestiniens dans le récent bombardement de Gaza.

En tant que caricaturiste, mon rôle n’est pas de défendre les dominants, les puissants, les riches et ceux qui sont bien armés parce que ces groupes n’ont aucun besoin de davantage de supporters, ni de soutien moral ni de compassion, ils ont déjà les moyens les plus efficaces de diffuser leur point de vue et leur propagande de manière omniprésente.

Le travail d’un artiste est d’exprimer ce qui est réprimé et même de parler des souffrances inexprimées de la société. Et la tâche du caricaturiste n’est pas tant d’être équilibré que de rétablir l’équilibre, particulièrement dans des situations où le déséquilibre des pouvoirs est aussi important que dans le conflit israélo-palestinien. C’est une saine tradition qui remonte aux fous du roi et au delà : il s’agit d’être la voix discordante qui dit ce que les autres ne peuvent pas ou ne veulent pas dire.

Mon récent dessin, ("Quand ils sont venus chercher les Palestiniens...") était une lamentation inspirée par les fameux vers attribués au Pasteur Martin Niemoller**, qui met en lumière le fait que l’apathie et le silence craintif face à l’injustice constituent un manquement à notre devoir moral. Il est intéressant de noter que Niemoller était un supporter nazi zélé mais que, dix ans après la guerre, il était devenu pacifiste.

Bien que la culture juive contemporaine lui accorde une valeur particulière, le message du poème est universel et éternel ; il pourrait s’appliquer à n’importe quel groupe opprimé, y compris aux Palestiniens qui, en dépit de leurs relativement modestes roquettes, sont visiblement opprimés.

En dépit d’une rhétorique très élaborée pour justifier les actions d’Israël, plus le conflit dure, plus le monde comprend, intuitivement et du fond du coeur, ce qui se joue au plan moral. Au bout du compte, il semble que les Palestiniens aient été massivement dépouillés et abusés et qu’ils soient engagés dans une lutte désespérée pour leur survie et leur libération. Israël, de son côté, semble mener une campagne impérialiste d’oppression, soutenu et armé par les nations les plus puissantes de la planète. Mon devoir et ma conscience de caricaturiste m’obligent à me concentrer sur les souffrances des opprimés, ceux à qui on s’intéresse le moins, ceux qui sont dépourvus de tout et qui souffrent cruellement.

Je ne suis pas contre Israël, mais je m’oppose à ce que je considère comme une politique militaire contre-productive et avilissante qui n’est pas seulement excessivement meurtrière et traumatisante mais qui sème des graines de haine irréversible et ne permet pas à une paix durable de s’instaurer. On s’attend à mieux d’un pays démocratique prospère. On dirait que cette jeune nation, Israël, n’est pas encore parvenue à maturité tellement ses actions sont criminelles, irresponsables et insensées.

Je sais que la communauté juive de ce pays, est elle-même de plus en plus divisée sur la question. Je pense aussi que les supporters d’Israël les plus agressifs craignent le malaise moral et les doutes inexprimés d’une partie de la communauté et tout dessin ou commentaire qui pourrait encourager ces doutes les met très en colère. En dépit de ce que ces intimidateurs sans scrupules prétendent, je ne crois pas que ce soit la teneur soit disant "antisémite" de mes dessins qui les contrarie (il n’y en a pas), mais l’impact éventuel d’un dessin sur ceux qui doutent. Plus le dessin est de qualité, plus il doit être discrédité. Pour se faire, rien ne vaut la calomnie infamante d’antisémitisme.

Je ne sais pas si c’est légal d’accuser publiquement quelqu’un d’antisémite sans preuve, mais cela me semble bien être de l’incitation à la haine et c’est en tous cas un moyen très efficace de faire un très grand tort à quelqu’un qui n’est pas d’accord avec vous. C’est évidemment souvent la raison pour laquelle cette accusation est utilisée.

Je suis assez vieux pour savoir que je ne suis pas antisémite, pas même vaguement ni inconsciemment, mais il y en a qui le savent mieux que moi, comme c’est souvent le cas de calomniateurs. S’il y avait une sorte de test auquel je pouvais me soumettre pour clarifier la situation, mais cette minable accusation obsessionnelle n’a rien de scientifique. Elle est cynique, paresseuse et vise à effrayer. Elle est même stupide comme dans le cas des enfants qui crient au loup.

Au cours de ma carrière, j’ai été accusé d’être "un antisémite au seconde degré", "un antisémite du nouveau monde" et "un antisémite latent" et aussi d’être simplement un antisémite à l’ancienne, commun ou mondain. Je découvre maintenant, à ma grande surprise, que de comparer la politique israélienne à un comportement nazi est en soi un acte antisémite. Que reste-t-il de la liberté d’expression ? Je tiens à dire qu’à mes yeux, tous les pays qui passent leur temps à attaquer les autres, qui occupent des pays voisins et traitent leurs habitants avec un mépris humiliant et glacé, flirtent déjà avec les plus noirs côtés de l’âme humaine.

Les dessins m’ont déjà valu d’être qualifié de misogyne, blasphémateur, homophobe, royaliste, misanthrope et traître, entre autres choses. je résumerai tout cela en disant : Je suis un caricaturiste.

Michael Leunig

Michael Leunig est caricaturiste à Age.

Pour consulter l’original : http://www.theage.com.au/opinion/society-and-culture/just-a-cartoonist-with-a-moral-duty-to-speak-20121210-2b5hi.html

Traduction : Dominique Muselet

Notes :
* Pour voir le dessin : http://www.theage.com.au/opinion/society-and-culture/leunigs-cartoon-deserves-a-more-thoughtful-jewish-response-20121129-2aimi.html

** « Je n’ai rien dit »… par Le pasteur Martin Niemöller :
Quand ils sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas communiste
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas syndicaliste
Quand ils sont venus chercher les juifs,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas juif
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas catholique
Et, puis ils sont venus me chercher.
Et il ne restait plus personne pour protester


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La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui (…)
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"L’Occident a dominé le monde non pas par la supériorité de ses idées, de ses valeurs ou de sa religion mais par sa supériorité à recourir méthodiquement à la violence. Les occidentaux l’oublient souvent, les autres ne l’oublient jamais."

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