Centre de recherche sur la mondialisation
21 septembre 2004
Désormais, nous en savons beaucoup sur l’administration Bush, sur ses prédécesseurs et, hélas, sur ses successeurs. Résumons.
- Le pétrole est important pour Washington.
- Influer sur la production du pétrole est important pour Houston, New York et Washington.
- Il faut maintenir une illusion de sécurité financière au plan national, à n’importe quel prix.
- Le culte sacré de la Réserve Fédérale et l’intérêt obsessionnel et fétichiste que le marché porte à la santé physique et mentale d’Alan Greenspan sont "positifs".
- La propagande fonctionne encore mieux qu’avant, à l’ère de l’information. Avant la télévision et Internet, les gens avaient tendance à croire ce qu’ils voyaient de leurs propres yeux et à faire confiance à leur propre expérience. De nos jours, nous consommons sans vérifier d’énormes quantités de désinformation, "gouvernementale" et autre.
- L’Américain aime être le brave gars, qui agit "pour la bonne cause".
En se référant à ces "règles", il est possible d’expliquer la Bosnie, le Kosovo, l’Afghanistan, l’Irak, le néo-conservatisme, une bonne partie de la gauche américaine et, naturellement, le Soudan et la récente résolution passée par la Chambre, "Déclaration d’un génocide au Darfour, région du Soudan."
Le Soudan est un pays où, comme en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan, en Irak et dans de nombreux autres pays, il s’est passé des événements regrettables et il continue de s’en passer chaque jour. Toutefois, il nous sera plus aisé de comprendre la question spécifique du Soudan en nous référant à ce que nous savons déjà .
-Règle n°1 : Le pétrole est important. Allez jeter un coup d’oeil au très actuel compte-rendu que le Département de l’Energie consacre au Soudan ! Mis à jour en juillet 2004, tiens donc !
-Règle n°2 : L’influence dans le domaine pétrolier est importante et c’est le pays qui exerce le plus d’influence qui l’emporte ! Puisque vous avez déjà examiné l’analyse que le Département de l’énergie fait du Soudan, vous savez quel est le gouvernement qui travaille en proche collaboration avec le [mauvais] gouvernement soudanais depuis des années, accordant à son industrie pétrolière protection et investissements. Vous savez également quel est le gouvernement qui a fait tomber le Soudan sous le coup de sanctions en tant que pays "terroriste." Pour faciliter les choses, appelons ces deux gouvernements, euh, au hasard, la Chine et les Etats-Unis ? Et en plus, oh la la, l’année dernière ces maudits Français ont accepté de participer à un énorme projet énergétique au Soudan. [1] Ce scénario commence à vous sembler vaguement familier ? Bienvenue dans la Pièce 101, [2] Politique Extérieure de l’Amérique Moderne !
-Règle n°3 : Les illusions de sécurité financière sont sacro-saintes. Pas de problèmes pour inclure le génocide soudanais dans le "problème" au Moyen-Orient, et pas de problèmes pour financer la machine de guerre. Les soldats s’engagent en masse, et cela fait des années que l’économie ne fait que se consolider. Allez lire les bonnes nouvelles !
-Règle n°4 : Souvenez-vous du Système de la Réserve Fédérale et continuez de le révérer. Le Soudan est probablement important uniquement à cause de son pétrole. Mais si vous réfléchissez aux intérêts économiques et financiers de la Chine, auxquels viennent s’ajouter les règles n°2 et n°3, la situation semble un peu risquée. Relisez le compte-rendu de Gary North d’il y a quelques semaines pour en savoir plus.
- Règle n°5 : La propagande fonctionne, et, de toutes, c’est celle du gouvernement qui fonctionne le mieux. Les pères fondateurs avaient raison de se méfier des alliances contraignantes avec l’étranger, parce qu’un nombre important d’Américains influents étaient déjà liés par de telles alliances. Les Américains, en particulier les membres de la classe des électeurs, avaient une expérience personnelle des pays européens et conservaient avec eux de puissants liens culturels, commerciaux et familiaux. On craignait que les gens qui avaient une expérience personnelle et de forts intérêts outremer ne fassent prendre à Washington des décisions déraisonnables en matière de politique extérieure. 230 ans plus tard, le problème a donné naissance à des métastases. Dans notre bouillon de culture de Washington, que personne ne surveille, la politique extérieure américaine est concoctée et servie de façon créative par des personnes qui sont mues par des intérêts spécifiques, idéologiques et économiques, souvent d’ordre strictement privé et souvent complètement contraires aux intérêts américains. Les corporatistes se sont installés à l’intérieur du périphérique [3] et dévorent la baraque comme autant de petits termites zélés. Ce faisant, ils produisent d’énormes quantités de politiques extérieures de type invasions préventives, ainsi que les lois qui régissent le globe, que nous édictons tout en étant les seuls à pouvoir nous en affranchir - ce qui est bien commode.
En l’absence d’opposition populaire à l’agenda corporatiste de Washington, nous acceptons la politique extérieure américaine comme s’il s’agissait d’une espèce de Viagra national. Nul n’est besoin de comprendre les sujets sensibles, d’améliorer la qualité des échanges ou d’examiner avec honnêteté les performances passées et les leçons que l’on a pu en tirer. Tout ce que l’on a à faire, c’est avaler une pilule à chaque fois que l’on a besoin de s’ingérer dans les affaires d’un gouvernement étranger, comme Washington nous le recommande.
Règle n°6 : L’Américain aime être le bon gars, qui agit "pour la bonne cause". La Règle n°6 et la Règle n°5 vont joliment bien ensemble, et c’est ce qui nous permet de rationaliser autant que nous le faisons depuis si longtemps. Parce qu’aucun Américain ne se souvient d’avoir vécu sous loi martiale américaine, gouverné par l’armée, ni d’avoir assisté à des batailles livrées sur le sol national, aucun Américain n’a la moindre idée de la manière dont on peut voir et ressentir les choses dans de telles circonstances ni des réalités de ce genre de situation. Nous sommes bien contents de croire que toutes nos occupations et nos interventions sont "de bonnes actions" lorsque les organes du gouvernement, et les bureaucrates et les hommes politiques, nous l’affirment. Un génocide a lieu au Soudan, au sud et à l’ouest du pays, au Darfour. Tous les "bons" Américains ont le désir d’y faire quelque chose, nous dit la majorité des représentants de la Chambre.
Sans vouloir offenser l’administration Bush, le génocide au Soudan (la version donnée par la Chambre des représentants, pas son modèle dans la réalité) n’aurait pas pu tomber mieux.
Karen Kwiatkowski
Karen Kwiatkowski (courriel) est un lieutenant-colonel en retraite de l’Armée de l’Air américaine, qui à la fin de sa carrière a passé quatre ans et demi au Pentagone. Elle vit maintenant dans la Vallée de Shenandoah avec sa famille éprise de liberté et signe deux fois par semaine sur le site militaryweek.com une colonne d’orientation libertaire sur le thème de la défense.
– Source : http://globalresearch.ca/articles/KWI409A.html
– Traduction : C.F. Karaguezian
© Copyright Karen Kwiatkowski, 2004. Pour usage équitable seulement.
Djibouti : Hôtel Corne d’Afrique, grande base américaine, par Emilio Manfredi.