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Athènes bunker

Mardi prochain, Athènes se transformera paraît-il en bunker. Circulation interdite, des milliers de policiers postés aux points névralgiques de la ville, des interpellations préventives déjà annoncées par le ministre de l’Intérieur, et le Parlement « protégé » derrière les triples barricades du régime, voilà c’est ce qu’a annoncé en substance le ministre Dendias.. Il n’y a guère de doute, nos administrateurs coloniaux ont peur du peuple et la chancelière ne serait pas la bienvenue à Athènes.

Car Angela Merkel cristallise chez les Grecs, non sans raison, toutes les frictions et les apories de la géopolitique de la force qui les anéantissent. A partir de ce constat, rien ne sera simple dans l’exercice de la politique merkelienne en Grèce, même si elle semblerait réussir. Hier soir, à la fête annuelle de la jeunesse SYRIZA, Alexis Tsipras a appelé « à descendre dans la rue, à occuper la place publique et à manifester pacifiquement [au moment de la visite officielle de la chancelière] pour éviter au pays la catastrophe car il faut en même temps, soutenir la démocratie et la cohésion sociale (…) Madame Merkel ne vient pas en catastrophe chez nous pour soutenir notre pays alors jeté dans l’abime par cette insistance de la chancelière dans la voie de l’austérité et du mémorandum. Madame Merkel arrive en Grèce pour sauver un système politique corrompu, discrédité et vassalisé à ses intérêts à elle. Madame Merkel, arrive en Grèce en soutien au gouvernement Samaras, pourtant en phase de délabrement, suite à l’impasse de la politique criminelle du memorandum ».

Manolis Glezos, héros de la Résistance et député SYRIZA, a adressé hier samedi, une lettre ouverte à la Chancelière, l’appelant « à adopter enfin vis à vis de la Grèce un comportement analogue à celui que les Alliés adoptèrent à l’encontre de son pays en 1953 (…) Nous n’avons pas l’attention de convier Madame Merkel en dîner officiel. Nous l’invitons néanmoins à visiter en notre compagnie, l’ancien champ de tir de Késariani [lieu d’exécutions durant l’occupation - 1941-1944], pour qu’elle constate qu’aujourd’hui, 67 ans après la guerre, l’herbe ne repousse toujours pas, à l’endroit où tant de sang fut versé. La terre n’oublie pas. Les hommes, n’ont alors pas non plus, le droit d’oublier. Il est temps d’unir notre voix à celle du président du parti de la Gauche allemande [Die Linke] Î’. Rixingker, dans son appel adressé à Angela Merkel. Elle doit enfin entendre cette voix de la résistance contre la politique de l’austérité. Car l’austérité, ne fera qu’aggraver les divisions du pays, tout en aggravant par la même occasion, le risque d’une véritable catastrophe humanitaire. Le prix des divisions, nous le payons déjà , par l’apparition de l’Aube dorée. Resterons-nous alors inactifs devant l’ampleur de la catastrophe humanitaire ? En pareil cas, il sera déjà trop tard, pas seulement pour la Grèce, mais aussi pour l’ensemble de l’Europe. »

Et à propos de 1953, et de l’effacement de la dette allemande par les alliés, rappelons que même Daniel Cohn-Bendit, d’après Le Monde (17/02/2012), « se place sur un "plan moral" : "Les Allemands, qui se disent vertueux, estiment que les Grecs ont péché et qu’ils doivent payer. Or, ceux qui ont le plus péché, ce sont tout de même les Allemands, dont la dette a pourtant été effacée parce que les Américains y voyaient un intérêt stratégique. Pourquoi ne pas considérer que sauver la Grèce est stratégique, au lieu de mettre ce pays à genoux ?" »

Athènes, la visite... le bunker de la chancelière et1953. La tension qui monte et l’espoir encore palpable dans l’air du temps. Comme hier soir (06/10), à la fête de la jeunesse SYRIZA. « Il y a trois fois plus de monde cette année », estima mon ami écrivain Fondas Ladis. Je l’ai rencontré sur place, après le discours d’Alexis Tsipras et de celui d’Éric Toussaint en espagnol. A part Fondas Ladis, les autres amis de notre mouvement Enotita 2012 (Unité 2012), étaient là . Enfin, un monde joyeux sachant au moins fêter la signification de l’instant. On y vendait des lives dont un roman de « fin de siècle », et des journaux Syrizistes, d’ailleurs Avgi ce dimanche titrait : « Merkel arrive, le gouvernement s’en va », pas si sûr tout de même. Des députés comme Papadimoulis, expliquèrent les thèses du parti (car il y en a plusieurs), tandis qu’entre certains militants on détectait facilement un certain désaccord politique ou tactique. Mais on faisait patiemment la queue, davantage volontiers pour les grillades et les autres plats à tout petit prix, qu’en librairie, temps de crise ?

Fluidité alors des moments et d’une certaine jeunesse : « Je pars en Australie vers Noël, c’est en terminant ma formation d’ingénieur mais je n’irai pas jusqu’en Tasmanie. Anastase, notre ami dentiste est dingue de vouloir y aller. La Tasmanie, ce n’est plus un coin du globe, c’est un au-delà . Comme la Grèce » (rires). D’autres, et sans Tasmanie, évoquaient les derniers événements politiques : « Samaras est sur le point de chuter, d’où la visite Merkel. Les Américains, c’est à dire le FMI a ouvert les hostilités contre l’autre impérialisme, celui de Berlin, donc il y a urgence. Mais il y a à craindre des incidents graves mardi au centre ville (…) Des économistes proches de Panagiotis Lafazanis [courant gauche chez SYRIZA] se demandent même, et dans quelle mesure, le moment du défaut ne serait pas finalement proche. »

Sur la scène centrale, Goran Bregović, ce célèbre compositeur et musicien issu de l’ancienne Yougoslavie (« Le temps des gitans ») a connu l’apothéose. Les jeunes dansaient, tandis que les moins jeunes imaginèrent... la fédération de tous les peuples balkaniques, Turquie comprise, et par miracle, les... camarades du temps des grillades ont enfin connu le répit.

SYRIZA, ses jeunes, ses anciens, ses divisions, ses imprécisions politiques et ses grillades à point, c’était tout cela, la nocturne du samedi soir. La joie, le sourire et une sociabilité de toute évidence anxiolytique, en somme retrouvée. Le pays, comme tout pays, se recomposera ou quittera la loge de l’histoire avec (et par) ses gauches, ses droites, plus du prix de ses divisions.

J’ai salué déjà certains de mes amis hier pour cause de voyage. La vie du blog changera donc un peu pour un certain temps, assez court je crois. Dès lundi (08/10) je serai à Paris, à l’occasion de la sortie sur les écrans du film d’Ana Dumitrscu Khaos auquel j’ai participé. Une occasion d’en débattre et peut-être j’espère, d’observer ce temps de crise depuis le... télescope parisien. Je devine déjà les histoires que mes amis me raconteront sur la visite de Madame Merkel. Croisons les doigts, et sans catastrophes dénuées de sens.

Source : http://greekcrisisnow.blogspot.fr/2012/10/athenes-bunker.html

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« Le pire des analphabètes, c’est l’analphabète politique. Il n’écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne sait pas que le coût de la vie, le prix de haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et des médicaments dépendent des décisions politiques. L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales. »

Bertolt Brecht, poète et dramaturge allemand (1898/1956)

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