Conformément à la stratégie édictée par le rapport de M. Colin L. Powell->, intitulé « Commissionfor Assistance to a Free Cuba » (Commission de soutien à une Cubalibre), qui a pour but de conduire le processus révolutionnaire cubain à sonannihilation complète, la campagne de désinformation contre l'Archipel desCaraïbes lancée par l'administration Bush et l'extrême droite cubaine deFloride s'est largement étendue à l'Europe.1 En effet, du 17 au 19septembre 2004, s'est tenu à Prague, en République Tchèque, le « Sommetinternational pour la démocratie à Cuba », sous l'égide du Comitéinternational pour la démocratie à Cuba (CIDC), fondé par M. Vaclav Havel,ancien président de la République Tchèque.2 Cette réunion, dont laportée propagandiste ne fait aucun doute, constitue un pas en avant dans laguerre médiatique étasunienne contre Cuba, avec la complicité de l'Unioneuropéenne.3
Téléguidéepar Washington, ce rassemblement a réuni plusieurs personnalités politiques dedroite et d'extrême droite appartenant au Comité international pour ladémocratie à Cuba telles que M. Vaclav Havel, M. José Maràa Aznar, ancienPremier ministre espagnol, et Mme Madeleine Albright, ancienne secrétaired'Etat sous le gouvernement Clinton. Elles sont, pour la plupart, étroitementliées à la Maison blanche et à la composante fasciste de l'exil cubaingravement impliquée dans le terrorisme international.4
Legouvernement tchèque, qui a fait montre, à maintes reprises, de son allégeanceenvers les Etats-Unis, a parrainé le meeting. Une unité pour la « promotionde la transition » à Cuba a même été récemment créée au sein duministère des Affaires étrangères, dirigée par Mme Gabriela Dlouha.5Déjà , en 1999, à la demande de Mme Madeleine Albright, elle-même d'originetchécoslovaque, les autorités tchèques avaient présenté une résolution contreCuba durant la réunion de la Commission des droits de l'homme de Genève. M.Martin Palous, ambassadeur tchèque aux Etats-Unis, s'est réjoui du « rôlejoué » par son gouvernement concernant « la questioncubaine ». Quant à M. Frank Calzón, d'origine cubaine, ancien agent dela CIA et directeur du Center for a Free Cuba (entité contrôlée par ladroite radicale cubaine), il s'est félicité de l'attitude interventionniste dela République Tchèque.6
Lorsde ce meeting centré sur la question de la « dissidence cubaine », M.Vaclav Havel a virulemment condamné les arrestations des 75 personnes,effectuées par les autorités cubaines en mars 2003.7 En seretranchant derrière la rhétorique habituelle sur les droits de l'homme, qui,confrontée à l'assise factuelle, s'effrite promptement, M. Havel asoigneusement éludé les détails de cette affaire. Il s'est borné à appeler à lalibération de M. Raúl Rivero, condamné pour conspiration, activités subversiveset collaboration avec la mise en place du blocus imposé par Washington. Eneffet, stipendié par le gouvernement étasunien - une puissance étrangèreennemie qui harcèle Cuba depuis 1959 - M. Rivero participait à la mise en placedes conditions nécessaires à la déstabilisation de Cuba, en flagrante violationavec la législation de son pays.8
L'organisationde cette réunion est loin d'être anodine. En réalité, elle a pour but de créerles conditions nécessaires, au sein de l'opinion internationale, pour uneintervention militaire étasunienne à Cuba. Plusieurs personnalitéslatino-américaines se sont jointes au mouvement telles que l'ex-présidenturuguayen, M. Luis Alberto Lacalle, M. Patricio Aylwin Azóca, ancien homme fortdu Chili et M. Luis Alberto Monje, ancien président du Costa Rica, qui n'ontpas hésité une seconde à côtoyer, lors dudit évènement, des individus comme M.Carlos Alberto Montaner, président de l'Union libérale cubaine et également ancienagent de la CIA, qui dispose de lourds antécédents criminels liés du terrorismeinternational.9
Lorsde ce sommet, M. Vaclav Havel a appelé publiquement au renversement dugouvernement cubain. Selon lui, il fallait « réfléchir au moyen de sedébarrasser du dictateur », en faisant allusion à M. Fidel Castro.10Il a également ajouté que les opposants « devaient passer le plus detemps possible » à la préparation d'une Cuba postrévolutionnaire,conformément à ce que préconise le plan belliciste du président Bush.11« Je pense que la situation à Cuba changera très bientôt » aconclu M. Havel.12
M.José Maràa Aznar qui, depuis son échec électoral en mars 2003 - suite à sadésastreuse gestion des sanglants attentats terroristes de Madrid - s'affaireavec un zèle remarquable à promouvoir la politique étasunienne contre Cuba auniveau international, était également présent. Il a notamment annoncé, enfaisant allusion à M. Raúl Rivero, que « personne ne devrait être enprison sans un procès équitable, personne ne devrait être incarcéré pour avoirécrit un poème contre Fidel Castro ». Cette déclaration, grotesque parson contenu et son mépris envers la réalité factuelle, illustre singulièrementles sommets atteints par la guerre de propagande anti-cubaine initiée parWashington.13 En effet, les invectives de M. Oswaldo Payá,« dissident » de circonstance et promoteur du surmédiatisé ProjetVarela (dont le but est de réinstaurer une structure économique capitaliste à Cuba et qui a été vivement critiqué par le candidat démocrate à la présidenceM. John Kerry)14, contre le gouvernement de La Havane ont une portéeautrement plus importante qu'un supposé poème contre le président cubain.15Cependant, M. Payá est libre de ses mouvements et voyage régulièrement à l'étranger,car, contrairement à ses comparses incarcérés, il a toujours refusé lefinancement proposé par Washington et, par conséquent, n'a pas violé la loicubaine.
L'empressementde M. Aznar pourrait surprendre mais il l'est moins au vu de ses liens intimesavec M. Georges W. Bush. Il a été l'un des rares personnages politiqueseuropéens à apporter son soutien à l'agression militaire étasunienne contrel'Irak, en rejetant avec dédain les principes fondamentaux du droitinternational et l'opinion de la population espagnole qui s'est manifestée à plus de 80% contre l'intervention et la participation des troupes ibériques.Une autre facette des fréquentations de M. Aznar est moins connue mais vitalepour comprendre sa position. En effet, l'ex-Premier ministre espagnol est liéaux cercles extrémistes cubains de Floride, adeptes du terrorisme contre Cuba,depuis plus de dix ans.16 Fervent adepte de l'ultralibéralisme, lesuccès de la structure socialiste cubaine en terme de droits économiques etsociaux, souligné à maintes reprises par les organisations internationales,obsède M. Aznar.17
Lamanifestation s'est terminée par la publication de la « déclaration dePrague » qui recommande un accroissement des sanctions contre Cuba, lemaintien de la Position commune actuelle de l'Union européenne et une aideaccrue aux mouvements susceptibles de favoriser la subversion au sein de lasociété cubaine. M. James Cason, responsable de la section diplomatiqueétasunienne à La Havane, qui a joué un rôle fondamental dans la déstabilisationde la société cubaine, ainsi que l'ex-ambassadeur du gouvernement Reagan, MmeJeane Kirkpatrick, ont supervisé le bon déroulement de la réunion. L'objectifdéclaré par cette position commune de Prague est le renversement dugouvernement cubain. Radio Martà, un organe officiel de communication dugouvernement des Etats-Unis, destiné à fomenter le désordre à Cuba par sesprogrammes, a « accordé un important espace à cet évènement »et prépare « une programmation spéciale pour être diffusée sur l'Ile à travers de TV Martà » selon M. Pedro Roig, directeur du Bureau destransmissions à Cuba.18
Laréunion de Prague a été ressentie comme une ingérence agressive non seulementpar les autorités cubaines mais aussi par plusieurs groupes qualifiés d'opposants.Ainsi, M. Eloy Gutiérrez Menoyo, leader du mouvement Cambio Cubano, uneorganisation contre-révolutionnaire, a publié une déclaration intitulée « lesdollars n'achètent pas des printemps », dans laquelle il fustigeaitl'organisation de la manifestation qui ne sert, selon lui, qu'à mettre en oeuvredes « plans peu scrupuleux de déstabilisation contre Cuba ».19
M. GutiérrezMenoyo est une légende vivante auprès de l'extrême droite cubaine de Floride.Il a passé 22 ans dans les prisons cubaines pour activités terroristes.Condamné en 1964, il a été libéré en 1986 suite à l'intervention diplomatiquede l'ancien Premier ministre espagnol, M. Felipe González, et a émigré à Miami.Suite à la mise en place d'une politique d'ouverture par le gouvernement cubain,M. Gutiérrez Menoyo est retourné vivre à Cuba. Concernant les« dissidents », il a déclaré qu'il ne les fréquentait pas car « c'estun terrain miné. Beaucoup d'entre eux sont [soit] financés par les Etats-Unisou des espions pour les services secrets cubains ».20
LaChambre des représentants étasunienne a clairement stigmatisé et défié le planagressif de M. Bush rendu public en mai 2004, en votant par 225 voix contre 174en faveur d'un assouplissement des sanctions, considérées inhumaines par le représentantdémocrate de Floride, M. Jim Davis, qui limitent les voyages de la communautécubano-américaine à un séjour de 14 jours tous les trois ans. Le projet quidoit maintenant être approuvé par le Sénat sera de toute façon rejeté par M.Bush qui imposera son veto, selon le porte-parole de la Maison blanche.21
Laviolence des nouvelles sanctions économiques a isolé le gouvernement Bush ausein de la communauté cubaine des Etats-Unis et d'une partie des exilésd'extrême droite. M. Joe Garcàa, ancien directeur exécutif de la Fondationnationale cubano-américaine (FNCA) - une organisation extrémiste impliquée dansle terrorisme contre Cuba - qui a rejoint le parti démocrate, a qualifié leclan Bush de « probablement la pire administration que nous ayons jamaiseu concernant la politique cubaine ».22
Faceà la recrudescence de l'hostilité étasunienne envers Cuba, la Chambre descommunes britannique a voté à 79% une déclaration commune condamnant l'actuellepolitique de M. Bush contre le gouvernement de La Havane et mettant en gardecontre une éventuelle agression militaire contre la population cubaine. M.Peter Hain, le président de la Chambre des communes a tenu les propossuivants : « Je suis absolument opposé à une action militairecontre Cuba et je suis également opposé à l'incessant blocus maintenu par lesEtats-Unis. J'ai visité Cuba il y a deux ans et j'ai été extrêmementimpressionné par les avancées sociales atteintes malgré la pressionétasunienne ».23
L'impressionnantniveau de développement humain atteint par Cuba est complètement censuré parles monopoles de l'information. Le 17 septembre 2004, le Fond de la populationdes Nations unies a érigé le modèle sanitaire cubain en exemple et a salué lapolitique sociale du gouvernement cubain. Le rapport dudit organisme souligneque Cuba est le seul pays du Tiers monde qui a atteint un taux de mortalitéinfantile comparable à celui des nations industrialisées, à savoir 6 décès pourmille naissances.24
Larégion caribéenne est actuellement ravagée par les cyclones qui ont causé dedramatiques dégâts humains, en Haïti notamment. Les Nations unies ont encenséle modèle organisationnel cubain dans la prévention des cyclones. L'ouraganCharley a coûté la vie à quatre personnes à Cuba alors que trente personnes ontperdu la vie en Floride lors de son passage. De même, en 1998, l'ouragan Georgeavait provoqué la mort de quatre personnes à Cuba, alors que plus de 600personnes moururent dans les autres pays des Caraïbes. « Plusieurs facteurspeuvent expliquer le faible taux de mortalité causé par les ouragans à Cuba encomparaison avec ses voisins, comme l'éducation, la prévention et la capacitéde réponse » a souligné M. Salvano Briceno, directeur de l'Institutpour la réduction des désastres des Nations unies. Quant à Mme Brigitte Leoni,porte parole de la Conférence mondiale pour la réduction des désastres, qui sedéroulera au Japon en janvier 2005, elle a remarqué que tous les paysdisposaient des possibilités pour limiter les conséquences de ces catastrophesmais il manquait parfois des « programmes concrets d'action et lavolonté politique pour les mettre en place ».25
Contrairementaux transnationales de l'information, les Nations unies gardent une certaineobjectivité concernant Cuba et se basent sur les données et les faits, enmettant de côté les préjugés idéologiques. M. Bruno Moro, représentant duProgramme des Nations unies pour le développement (PNUD), a affirmé que Cubadisposait d'un niveau de progrès local avancé avec la réduction des inégalitéset de la pauvreté, et que le pays était une référence dans ce secteur. Il anotamment souligné la qualité de la couverture sociale, des programmes pourcombattre le sida (contrairement à ce que raconte la presse internationale à cesujet) et le développement économique local.26
Laréalité cubaine est sempiternellement victime de distorsions manufacturées parles thuriféraires de la pensée unique. Washington et les extrémistes de lacommunauté cubaine de Floride, ainsi que tous leurs alliés, tels que MM. Havelet Aznar, ne lésinent pas sur les moyens pour anéantir le projetrévolutionnaire cubain. Le cinéaste étasunien, M. Oliver Stone en a faitl'amère expérience. Lors d'une conférence de presse au Festival de SanSebastián en Espagne, il est revenu sur les raisons de la censure - « quia atteint des limites insoutenables aux Etats-Unis » selon lui - deson documentaire intitulé Comandante portant sur M. Fidel Castro et sursa vision de la société cubaine, face à des journalistes médusés :
Laréunion de Prague a comme unique objectif de préparer psychologiquementl'opinion internationale à une agression militaire étasunienne contre Cuba. Lefanatisme de l'administration Bush peut déboucher sur un sanglant désastre surl'Archipel des Caraïbes car le peuple cubain ne renoncera pas facilement à sarévolution.
Notes
1Colin L. Powell, Commission for Assistance toa Free Cuba, (Washington : United States Department of State, mai2004). www.state.gov/documents/organization/32334.pdf(site consulté le 7 mai 2004).
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8 Rosa Miriam Elizalde & Luis Baez, « TheDissidents » (La Havane : Editora Polàtica, 2003), pp. 153-74.
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*Salim Lamrani est doctorant à l’université La Sorbonne Paris :
Il a publié :
- Le Lobby cubain aux Etats-Unis de 1959 à nos jours.
- Enron et libéralisme
- 1898 : l’intervention des Etats-Unis dans la guerre d’indépendance de Cuba
- L’invasion de l’Amérique : de Colomb à Wounded Knee