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Femme, j’écris mes "non"

J’annonce d’entrée la couleur pour éviter tout malentendu : « Femme, j’écris mes non » signifie que moi, en tant que femme, je réagis par une série de « non » en réponse aux répliques qui s’opposent à la féminisation des noms de métier apparaissant dans la bièvre autobiographie d’une auteure, en fin d’article.

Ce titre fait écho à celui qui invite à la Féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres, par un Guide d’aide sur quelques règles nommé : "Femme, j’écris ton nom » suite au Rapport d’Octobre 1998 et à la circulaire de Lionel Jospin.

En voici le sommaire qui m’avait initialement amenée à consulter le 5ème chapitre : La diversité des usages et à en donner le lien dans la discussion d’origine.

Maxime Vivas ayant suggéré aux "impliqués" d’ouvrir une nouvelle discussion afin de cesser de faire dévier le sujet initial, je réponds à l’invitation en précisant cependant que je ne sens pas plus impliquée par ce problème qu’un autre.

Je crois même l’être moins que ceux qui se jettent dessus en vilipendant la démarche qui consiste à modifier de manière minimale et naturelle l’usage linguistique auquel ils étaient jusqu’ici habitués, sous divers prétextes qui selon moi, sont d’autant plus discutables que les arguments me semblent illogiques.

Il ne s’agit pas d’un combat féministe pour moi, mais d’une logique de cohérence et d’harmonie.

Je suis poussée par la même conviction qui consistait à tenir tête à mes grand-mères lorsque, petite fille, fièrement affublée d’une tenue rouge et verte, je fus gentiment moquée d’oser telle association de couleurs qui jurait - selon elles.

Pourquoi ?

"Parce que ça ne se fait pas".

Il m’en fallait plus que ces accusations de faute de goût ou de dissonance pour me convaincre, alors que tous les jours la nature m’offrait l’évidence que le rouge et le vert des cerisiers et des fraisiers s’accordaient généreusement à titiller ma gourmandise et émouvoir mon sens très subjectif, certes, de la beauté.

Lorsqu’on est attaché à des usages que seule la tradition justifie, alors même que se déploie autour de soi la preuve que "cela se fait" et du reste, sans heurt ni conflits, on limite inutilement le champ des possibles dans la diversité des expressions.

De plus, et toujours d’après ma logique, considérer qu’il faut attendre "que ça se fasse", pour faire, c’est... comment dire ? Le meilleur moyen pour empêcher que cela se fasse.

Si une intonation familière et chantante ne le devient qu’après s’être suffisamment frottée à nos oreilles discriminatoires au point de rester la caresse musicale de référence dont on ne peut plus se passer, je vous laisse alors imaginer combien de formulations innovantes resteraient au placard.

Sortir des visions admises de l’art et des mécanismes bourgeois :

Soyons réalistes : les poètes inventent des mots, le "super-réalisme" (contracté ensuite en "surréalisme") de Guillaume Apollinaire a bien pu faire couiner quelques ouïes, avant d’être accepté dans les us et coutumes...mais surtout scandaliser quelques mentalités non par son innovation linguistique mais par sa modernité symbolique.

"Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dicte de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale."

Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la réduction des principaux problèmes de la vie. (A. Breton, Manifestes du surréalisme, Idées/NRF p. 37)

Alors, que le peuple -dans son ensemble- transforme spontanément des expressions et dénominations en fonction de l’évolution d’un contexte et qu’en plus les modifications servent la cause des féministes, pourquoi s’en formaliser au lieu de s’en réjouir ?

Toujours dans le même effort de cohérence, l’inverse fonctionne aussi : s’opposer intempestivement à toute initiative contextuelle alors que son usage semble surgir de sa limpide évidence, parce qu’on y soupçonne une motivation militante, est du même ressort qu’un acharnement systématique et répétitif à féminiser le moindre terme générique dans l’unique but de défendre la parité.

Nos organes sensoriels seront tout aussi mortifiés que notre sens d’à -propos à l’écoute de ces disques rayés.

C’est là que je rejoins certaines des critiques de Maxime Vivas, mais seulement là , et avec un énorme bémol : je n’ai vu de rayures que dans le poème d’Aragon qu’il a lui même dénaturé ; j’attends donc d’autres exemples, et je reste en total désaccord avec les autres détracteurs et oppositions. Quant au "e" si fracassant, je l’emploie à chaque fois que je prononce "Le Grand Soir-reu" (accent toulousain oblige) : c’est mal, docteur ?

Femme, j’écris ton nom :

Maintenant que le décor est planté, j’en arrive donc aux divers « non » que je vais asséner, en m’aidant de l’introduction du Premier Ministre de l’époque, Lionel Jospin, du Guide d’aide et des rapports correspondants.

Non, il ne s’agit pas de combattre les hommes :

« Les linguistes le savent depuis longtemps : cette affaire n’est pas seulement la leur. Elle concerne la société tout entière. Elle véhicule nombre de résistances, pour une large part idéologiques.

Le rôle du Gouvernement ne peut certes pas être en la matière d’imposer une norme : la liberté d’expression, une des libertés les plus fondamentales dans une démocratie, suppose le droit pour chacun d’utiliser la langue comme il l’entend. Mais le Gouvernement doit montrer l’exemple dans la sphère qui est la sienne, celle des services publics. »

Non, ce n’est pas une « concession démagogique à quelques viragos » :

"Vouloir féminiser les noms de métiers, titres, grades et fonctions ne relève pas d’une sorte de mode, ni du goût de quelques femmes féministes ou politiques. Non seulement, comme le souligne la Commission générale de terminologie et de néologie, la féminisation « n’est pas interdite par la langue », mais elle est avant tout l’expression naturelle qui permet de rendre compte - puisque les mots existent pour dire les choses - d’une situation désormais irréversible."

Non, ce n’est pas une affaire linguistique :

"Qu’une femme exerçant les fonctions de directeur d’école porte depuis plus d’un siècle le titre de directrice alors que la femme directrice d’administration centrale était encore, il y a un an, appelée "madame le directeur" atteste, s’il en était besoin, que la question de la féminisation des titres est symbolique et non linguistique."

Non, Lionel Jospin n’a pas demandé tout le contraire :

(des noms de fonction restant neutres par rapport à ceux des métiers s’accordant en genre), c’est précisé plusieurs fois :

  • dans sa préface :
    « A ma demande, la commission générale de terminologie et de néologie m’a remis un rapport portant au premier chef sur les usages juridiques. Celui-ci montre que lorsque les textes visent une fonction, et non la personne qui remplit cette fonction, l’emploi du masculin est conforme à la règle. La commission invite à la rigueur dans la rédaction des textes législatifs et réglementaires. »
  • Dans le chapitre sur la Diversité des usages : 5.2.2.2. L’impersonnalité de la fonction, du grade et du titre

La réalité est très différente en ce qui concerne les titres, grades et fonctions. Il s’interpose entre la fonction et l’individu qui l’exerce une distance induite par le caractère abstrait, général, permanent et impersonnel de la fonction. La dénomination de la fonction s’entend donc comme un neutre et, logiquement, ne se conforme pas au sexe de l’individu qui l’incarne à un moment donné.

Les fonctions n’appartiennent pas à l’intéressé. Elles définissent une charge dont il s’acquitte, un rôle qu’il assume, une mission qu’il accomplit. La fonction publique est ainsi au service du public.

Non ce n’est pas "au mépris de l’Académie, de la langue, de toute la littérature déjà écrite" :

Le français serait-il donc la seule langue à ne pouvoir féminiser ses noms de métiers, titres, grades et fonctions ? Le latin, auquel notre langue a emprunté la majorité de son vocabulaire, le faisait tout simplement en jouant sur l’alternance des suffixes masculin/féminin (-us/-a, -tor/-trix...) :

à correspondait
dominus (maître)domina (maîtresse)
minister (serviteur)ministra (servante)
medicus (médecin)medica (celle qui soigne)
cantator (chanteur, musicien)cantatrix (celle qui chante)
auctor (auteur)auctrix (celle qui produit, crée)

C’est en usant du même procédé que l’ancienne langue a créé les formes féminines des noms de métiers, titres, grades et fonctions qui foisonnent dans les textes littéraires ou juridiques, les registres et comptes de tous ordres.

Non, cela ne rend pas « impossible la lecture d’un texte à haute voix. » :

La langue a féminisé les noms de métiers, titres, grades et fonctions ; elle continue à le faire puisque c’est morphologiquement possible, excepté pour un petit nombre de termes. Mais des réticences existent qui, même si elles mettent en avant des arguments linguistiques comme l’homonymie ou l’euphonie, restent avant tout d’ordre psychologique et socioculturel. Plusieurs objections reviennent régulièrement chez les opposants à la féminisation : l’homonymie, l’euphonie, la dévalorisation et la question du neutre.

L ’argument de l’euphonie malmenée, du bizarre, voire du ridicule, existe aussi pour les appellations au masculin ; le terme maïeuticien, forgé par l’Académie française pour désigner les hommes qui, à partir des années 80, ont opté pour la profession de sagefemme, a immédiatement entraîné sa déformation plaisante en « mailloticien ». L’oreille serait choquée par certaines féminisations, mais non par des termes (souvent empruntés à l’anglais) entendus quotidiennement à la radio ou à la télévision : coach, omniprésent dans les commentaires sur le Mondial de football, discjockey et ses trois consonnes successives (on entend d’ailleurs souvent disque jockey) sonnent-ils réellement bien à l’oreille ? Il est vrai que la néologie est dissonante quand elle est dérangeante.

Non, encore non à ceci : « Le métier est le métier. La personne est la personne. Au nom de l’égalité, ôtez ces mots que je ne saurais voir. »

Afin de défendre l’emploi du masculin pour la désignation des noms de métiers et fonctions qu’exercent les femmes, ou les titres et grades dont elles sont titulaires, un argument est souvent avancé, qui parait tenir à la grammaire. « Un professeur », « Madame le Ministre » seraient des emplois neutres. Il convient d’y regarder de plus près.

Deux genres, et seulement deux : Il n’existe que deux genres pour les substantifs du français, le masculin et le féminin ; pour les noms, le neutre comme genre a disparu dès le bas latin.

Imposer un prétendu « bon » (et en tout cas récent) usage du masculin dans toutes les situations où l’on utilise un nom de métier, titre, grade ou fonction fait perdre une richesse de la langue, qui joue très finement de l’opposition du générique et du spécifique. Ainsi, en contrastant les deux visées, on peut dire :

Dans cet hôpital, les fonctions de chirurgien (générique) sont occupées par une chirurgienne (spécifique).

Utiliser un générique afin de désigner une personne singulière est une erreur logique ; employer un masculin générique pour nommer une femme particulière est une agression. Dire « mon avocat », « le ministre », en parlant d’une femme, c’est nier la singularité de sa personne. L’expression « Madame le Ministre » est contraire :

- à la logique : elle emploie un générique dans un énoncé spécifique ;

- à la grammaire : le genre est d’abord l’accord des déterminants ;

- à la civilité : elle impose un masculin à une personne féminine singulière.

Non, les vocables « écrivaine ou chercheure » ne sont pas « grotesques », c’est la démarche inverse de masculinisation qui l’est :

En 1927, Damourette et Pichon (Des Mots à la pensée, § 277), écrivent : « La facilité avec laquelle le français [...] sait former des féminins différenciés devrait détourner les femmes adoptant des professions jusqu’à ces derniers temps masculines de ridiculiser leurs efforts méritoires par des dénominations écoeurantes et grotesques, aussi attentatoires au génie de la langue qu’aux instincts les plus élémentaires » (exemples : Maître Gisèle Martin, avocat ; Madame le docteur Louise Renaudier) « le bons sens populaire a jusqu’ici résisté à cette extraordinaire entreprise, on dit couramment une avocate, une doctoresse, mais il est à craindre que la ténacité des intéressées n’emporte le morceau, et que cet usage ne finisse par s’introniser dans la langue française ».

Générique ou spécifique :

Entendons-nous bien : si je suis opposée à vos réticences concernant la féminisation des métiers par manque d’habitude ou autre raison (démontées plus haut), je confirme que l’emploi du « celles » ajouté au « ceux » alors que d’après le contexte il s’agit d’un générique pour désigner l’ensemble d’un groupe féminin et masculin (donc la neutralité est de mise) me semble tout aussi alambiqué qu’abscons.

En ce qui concerne les animés humains, on parlera d’emploi générique, c’est-à -dire de la désignation d’une classe entière d’éléments ; plus simplement, on dira que le terme est pris dans son sens le plus général.

Emploi générique en extension, tout d’abord. Si l’on évoque un ensemble d’individus, on suppose qu’il y a parmi eux des hommes (désignés selon le genre masculin) et des femmes (désignées selon le genre féminin). L’évocation globale doit utiliser un seul genre ; on se sert alors du masculin, qui assure la neutralisation grammaticale. C’est l’emploi très fréquent du masculin pour traduire le générique pluriel .

Par contre, si la déformation du poème d’Aragon rend la démonstration de Maxime Vivas évidente, je ne suis pas certaine de la neutralité générique de « celui ». Je peux me tromper mais ce poème fait penser à un conte de troubadour : « celui » + « celui » sont, (qu’ils croient au ciel ou qu’ils n’y croient pas), des héros fidèles et amoureux s’unissant pour sauver leur belle dame La France. En première lecture ce serait des êtres masculins dévoués à une entité féminine, la neutralité serait donc inappropriée. Mais un autre message les fait passer pour l’ensemble des résistants au nazisme, pouvant inclure les femmes combattantes, même si lors de sa deuxième publication, le poème fut dédicacé à quatre hommes bien précis.

Néanmoins, je ne vois pas pourquoi on irait tripatouiller un poème, qu’il soit d’Aragon ou de Monsieur Michu ? L’auteur l’a composé avec son sens musical ; changer un mot serait modifier une note et prendre le risque de provoquer une dissonance, ou un contresens, en tous les cas de trahir l’ensemble de la composition. Ce qui n’a rien à voir avec le choix qu’a l’auteure d’une oeuvre, de signifier son genre sexuel féminin en fin d’article pour préciser sa mini-biographie.

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