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Nucléaire Hors Contrôle ?

Alors que le militaire, l’économique et le social accaparaient l’actualité, voilà que le péril nucléaire s’invite à la table des vacances, de la rentrée et des siècles à venir ? (1)

Le prochain accident aura-t-il lieu au coeur de l’Europe ?

Si le terme péril vous semble excessif, c’est qu’il est fort probable que vous ayez manqué la récente série de dysfonctionnements objectivement inquiétants des centrales et du nucléaire belge. Série qui implique à présent huit pays européens dont la France, ainsi que les USA.
Bien plus près que Fukushima en effet, récapitulons.

Début juillet, les Belges apprennent l’existence d’une fuite radioactive dans la piscine de désactivation du réacteur un de la centrale de Tihange à Huy (qui en compte trois), près de Liège et Namur. Et les régulateurs nucléaires de reconnaître avec aplomb que tel est le cas depuis dix années mais que la situation est "sous contrôle" (sic).

A ce moment déjà des voix se font entendre parmi les élus et d’ailleurs pour demander une analyse approfondie. D’autres "micro-fissures pouvant évoluer en fissures" sont aussi évoquées.(2)

Entre fin juillet et début août, un "évènement de niveau 1" se produit dans le réacteur trois de la centrale de Doel (qui en compte quatre) sise à l’embouchure du port d’Anvers. Il sera porté à la connaissance du public avec plusieurs semaines de retard. Lors d’"opérations de maintenance planifiées", Electrabel fait vérifier la cuve du réacteur mis à l’arrêt et constate ce qui sera rapporté dans un premier temps comme "une petite anomalie sans conséquence".
Les jours suivants, par la magie atomique et médiatique, l’anomalie passera du statut de léger défaut à celui de "quelques 10.000 micro-fissures principalement concentrées sur une même virole" et nécessitant l’arrêt prolongé voire définitif du réacteur en question.(3)

Réacteur qui serait à l’arrêt depuis début juin suite à un "test périodique", qui coïncide avec le précédent "événement de niveau 1" rapporté...(4)&(5)

En août c’est maintenant du réacteur deux de la centrale de Tihange dont il est question. En effet sa cuve et celle de Doel-3 furent en partie conçues par la même entreprise. Or plusieurs reports se succèderont avant que les vérifications requises par les autorités puissent enfin avoir lieu. Cette situation provoquera l’émoi de certaines personnalités pourtant réputées favorables au nucléaire, constatant que les moyens manquent pour faire face à une crise dans deux réacteurs tandis que le pays en compte sept.(6)

Fait notable et sans doute révélateur de la gravité de la situation, c’est le directeur de l’agence fédérale de contrôle nucléaire belge (AFCN ) lui-même qui évoquera un "malaise". Il ajoutera ensuite qu’"il y a plus de 50% de chances que la cuve du réacteur de Tihange présente les mêmes anomalies que Doel".

Provoquant l’ire des ministres, non pas contre le péril nucléaire mais contre lui-même D’autres experts estiment que l’ensemble des sept réacteurs belges pourraient présenter les mêmes défauts.(7) Une année 2012 qui, comme la précédente, compte déjà un nombre impressionnant de péripéties atomiques et d’incidents divers en plus de ceux relatés ci-dessus.(5)

Si l’information circule et que les réacteurs défectueux sont à l’arrêt, où donc est le péril pourrait-on objecter ? N’est-ce pas là un signal rassurant et indiquant que sont tirées les leçons de Fukushima et Tchernobyl ? Malheureusement non, car la série ne s’arrête pas là , gagne la France et le reste du monde nucléaire, démontrant tout le contraire.

Jusqu’ici, aucune enquête indépendante n’est menée pour mesurer les conséquences des fuites et/ou fissures déjà constatées sur les populations voisines et l’environnement. Fissures dont on ignore le moment d’apparition exact -peut-être lors de l’installation proprement dite- et dès lors la durée et la gravité d’une éventuelle contamination.

C’est en tentant d’obtenir les plans et documents permettant d’analyser les problèmes observés dans les deux centrales belges, que les autorités découvrent que la société hollandaise (RDM) qui a conçu les deux réacteurs incriminés a fait faillite et n’existe plus.
Trente années à peine se sont écoulées depuis la construction de ces centrales et voilà que déjà une telle incurie se manifeste. Ce alors qu’il s’agit du nucléaire, domaine dont les partisans nous assurent pouvoir gérer les conséquences (pollutions, déchets, démantèlement, etc.) par-delà les siècles et les millénaires ?!

De plus, il apparaît que cette société néerlandaise victime des caprices du marché, aurait conçu plus de vingt cuves dont plusieurs en Europe. L’AFCN belge, a donc réunit des représentants des autorités de sûreté nucléaire des sept autres pays européens concernés : France, Suisse, Suède, Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, ainsi que des États-Unis, ce jeudi 16 août à Bruxelles. Où il apparut que ce qui provoque la mise à l’arrêt de réacteurs en Belgique semble ne pas inquiéter la France, entre autres. L’ASN, le régulateur français, déclare avoir connaissance de la présence de fissures dans plusieurs réacteurs français mais estime qu’il ne s’agit pas là d’une raison suffisante pour les fermer, bien que certaines de ces fissures soient localisées dans des zones critiques.

"Et voilà , les fuites sont colmatées !" dessin de TITOM C.C.

Les faits le démontrent chaque jour : les logiques de profit à court terme et de réduction des coûts qui obsèdent le capital privé sont incompatibles avec la gestion des différents aspects du nucléaire.

Pour énième pièce à conviction, la découverte toujours en août 2012 et en Belgique qui n’en demandait pas tant, de déchets radioactifs abandonnés sur site par une autre société en faillite !(8)

A l’évidence, que l’économie soit planifiée ou de marché, nos sociétés sont tout simplement incapables de gérer l’énergie atomique de manière conséquente et responsable. Ce sans même aborder ici l’aspect militaire donc génocidaire et suicidaire de la question.
Si le nucléaire peut sembler hors-contrôle techniquement, il l’est très certainement au niveau démocratique. Les reculades, du monde politique belge quant au respect du calendrier de la sortie du nucléaire et le refus de prendre en compte les opinions majoritaires, sont à ce titre des plus révélatrices.

Le nucléaire tergiverse, masque et ment. Tente de gagner du temps donc de l’argent et souvent avec succès, de maintenir la gravité de la situation sous le voile opaque de subterfuges pathétiques. Un incident devient un "événement de type X", les abris aux abords des centrales deviennent de poétiques "locaux de regroupements". Ou l’insensée kyrielle difficilement convertible d’unités de mesures de la pollution radioactive. A l’image de l’incompatibilité des politique et plan d’action en cas de dysfonctionnement ou d’accident tant au niveau continental qu’international. Ou encore, quand nos prévoyants experts, plutôt que d’attendre l’accident pour changer un site de nom (comme dans le cas Windscale-Sellafield en 1957) anticipent : (9)

Car notez le bien, la centrale "de Doel" est pratiquement à Anvers, première ville de Flandre. Celle "de Tihange" est à Huy. Les deux sont à moins de cent kilomètres de la capitale. Il en va de même pour la plupart des centrales atomiques européennes, si sûres et pourtant de préférence aux frontières.

Quant aux arguments de repli pro-nucléaire, ils ont tous été démentis par les faits :

Sûr ? Après Tchernobyl ils nous assurèrent qu’un tel accident ne pouvait se produire qu’en territoires socialistes décadents. Puis vint Fukushima sur l’île fleuron de la technologie capitaliste.

Économique ? Les coûts engendrés par la catastrophe de Tchernobyl -à eux seuls- surpassent l’investissement que représente l’ensemble du parc nucléaire mondial. (10)
Depuis, Fukushima a explosé l’ardoise et que dire du coût humain ou écologique ?

Nécessaire ? Il serait impossible de se passer du nucléaire, les "black-out" menaceraient l’Europe ? Le Japon a démontré le contraire en plaçant tout son parc nucléaire à l’arrêt sans provoquer le fameux "retour à l’age de la pierre" si cher aux pro-nucléaires. C’est qu’il s’agit pour eux de cacher que des alternatives viables existent.

Ont-ils perdu tout sens de la réalité quand ils nous demandent de choisir entre des coupures électriques ou l’accident catastrophique dans une zone des plus densément peuplée du monde, ses contaminations irréversibles et l’évacuation probablement impossible ?

Pour évacuer le nucléaire avant qu’il ne nous évacue, une mobilisation massive est nécessaire et urgente. Informer, rassembler, contacter les représentants (11), agir directement, concrètement et non virtuellement pour faire respecter ou accélérer la sortie du nucléaire. Pour commencer.

Il est fort probable que nos enfants ou petits enfants traînerons les mafias nucléaires et leurs complices devant les tribunaux. Reste à savoir de quel coté de la barre nous siègerons.

En concluant sur quelques faits chiffrés et par rappeler qu’en cas d’accident, la radioactivité ne fait pas de différence entre pro et antinucléaires.

"Même avec une probabilité d’accident extrêmement faible : un accident seulement tous les 5 000 ans pour un réacteur, la probabilité d’accidents majeurs par année avec 443 réacteurs en service est de 8,48 %, c’est-à -dire un risque loin d’être négligeable."
Ou "R(443) = 1 - (0,9998)^443 = 8,48 %" (P.Jorion) (12)

Notes et liens :

Belgique : 30.528km² et 7 réacteurs, plus d’une douzaine aux frontières immédiates => un réacteur pour 1600 km² - 365 habitants/km²

Japon : 377.835 km² comptait 54 réacteurs en activité => un réacteur pour 7000km² - 338 habitants/km²

France : 675.417 km² et 58 réacteurs, plus une douzaine à proximité des frontières => un réacteur pour 9650 km² - 115 habitants/km²

Lecture complémentaire : "Le mensonge nucléaire."

(1) Périodes exprimées en "demi-vies", càd le temps nécessaire pour perdre 50% de la radioactivité.

(2) http: //www.lalibre.be/societe/planete/article/749264/tihange-une-fuite-radioactive-non-resolue-depuis-10-ans.html

(3) http: //www.rtbf.be/video/v_des-milliers-de-fissures-dans-le-reacteur-nucleaire-de-la-centrale-de-doel?id=1751960

(4) http://www.lesoir.be/actualite/economie/2012-08-07/un-possible-defaut-a-doel-931003.php
& http://www.lalibre.be/societe/planete/article/754363/doel-3-la-commission-europeenne-ignorait-les-problemes.html

(5) http://www.fanc.fgov.be/fr/page/ines-un-outil-de-communication/221.aspx

(6) http://www.lizin.org/news_FR_558_Communiqu_de_AnneMarie_Lizin_prsidente_honoraire_du_Snat_de_Belgique.html

(7) http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/755959/van-walle-tous-les-reacteurs-de-doel-et-tihange-sont-potentiellement-a-risque.html

(8) http://www.lexpress.fr/actualite/environnement/belgique-des-dechets-radioactifs-abandonnes-par-une-societe-en-faillite_1149468.html

(9) http://lafourmirouge.blogspot.be/2011/03/atomic-debord.html

(10) http://www.monde-diplomatique.fr/2010/12/KATZ/19944

(11) http://www.lachambre.be/kvvcr/showpage.cfm?section=/depute&language=fr&rightmenu=right_depute&cfm=/site/wwwcfm/depute/cvlist.cfm

(12) http://www.pauljorion.com/blog/?p=22264

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« Les déchirures » de Maxime Vivas
Maxime VIVAS
Sous ce titre, Maxime Vivas nous propose un texte ramassé (72 pages) augmenté par une préface de Paul Ariès et une postface de Viktor Dedaj (site Le Grand Soir).. Pour nous parler des affaires publiques, de répression et d’impunité, de management, de violences et de suicides, l’auteur (éclectique) convoque Jean-Michel Aphatie, Patrick Balkany, Jean-Michel Baylet, Maïté Biraben, les Bonnets rouges, Xavier Broseta (DRH d’air France), Warren Buffet, Jérôme Cahuzac, Charlie Hebdo, (…)
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Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi, le terrorisme. Elle veut, en effet, être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats. L’histoire du terrorisme est écrite par l’État ; elle est donc éducative. Les populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et plus démocratique.

Guy DEBORD

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