Clase Contra Clase, 14/7/2012.
Ce mercredi 11 juillet le gouvernement de Mariano Rajoy a annoncé les plus grandes attaques contre les travailleurs et les jeunes que l’Espagne ait connu depuis la fin de la dictature. Un plan d’ajustement structurel de 65 milliards d’euros est prévu. Celui-ci prévoit, entre autres, la hausse de 3 points de la TVA (de 18 à 21%) et a été chiffré à 450 euros par an et par foyer de coûts supplémentaires ! Le même jour, Madrid était submergée par une manifestation massive en soutien à la lutte que mènent depuis 45 jours les mineurs des Asturies, de León, de Valence et d’Aragon.
L’enjeu de cette grande marche, commencée 20 jours plus tôt à partir des Asturies et d’Aragon, était d’empêcher la fermeture des mines de charbon, prévue par le gouvernement dans le cadre des coupes budgétaires actuelles. Plus de 8000 mineurs sont menacés de chômage du fait de cette attaque historique, sans compter les milliers d’autres travailleurs dont les emplois sont liés à l’activité minière dans ces deux régions. Voilà près d’un mois et demi que les mineurs sont en grève illimitée, occupent les puits miniers, les bâtiments municipaux, bloquent les routes et manifestent, dans le cadre d’une résistance exemplaire à la répression extrêmement violente de la police espagnole. 200 d’entre eux ont pris part à cette « marche noire » des puits à la capitale, progressivement rejoints par des milliers de personnes qui leur exprimaient leur solidarité.
L’arrivée à Madrid : deux grandes journées de mobilisation ouvrière
Le 10 juillet, les mineurs, leurs familles et des centaines d’autres travailleurs sont entrés à Madrid. Quelques heures plus tôt, les différents cortèges venant du Nord du pays et d’Aragon avaient convergé, empruntant l’autoroute A6 et passant devant la résidence du Chef du gouvernement. Cette arrivée dans la capitale fut un véritable événement : plus de 25 000 personnes s’étant assemblées pour accueillir les travailleurs en lutte, devenus dès lors l’emblème de la résistance contre l’austérité capitaliste. Il était déjà 23h30, et les mineurs avaient allumé les lampes de leurs casques de travail. L’ambiance était festive et très émouvante, entre pleurs et applaudissements, traduite rapidement en slogans qui exprimaient l’importance subjective de l’événement pour les travailleurs et les jeunes de ce pays. « Oui, Oui, ils nous représentent », disaient les soutiens venus du mouvement 15M, qui avaient transformé pour l’occasion leur fameux « non, non, ils ne nous représentent pas », destiné aux politiciens bourgeois et à leurs organisations. « Vive la lutte de la classe ouvrière », ajoutait la foule, qui prévenait aussi : « aujourd’hui avec des banderoles, demain avec de la dynamite ». Difficile de rendre compte d’une ambiance aussi combative, dans le cadre d’une mobilisation si massive, alors que l’Etat espagnol est en train de devenir le nouveau point de focalisation de la misère semée par la crise capitaliste.
A l’arrivée à la Puerta del Sol, les manifestants ont entonné l’hymne des mineurs, tandis que plusieurs représentants des travailleurs prenaient la parole. En plus de leurs revendications propres, l’un des camarade a appelé à l’unité de tous les secteurs en lutte, des mines à l’éducation, aux hôpitaux, aux administrations publiques en passant par les salariés de l’industrie. C’est seulement cette unité qui nous donnera la force de mettre à bas les capitalistes et leur Etat.
Le jour suivant (mercredi 11) une nouvelle manifestation envahissait le centre de la capitale. Alors que Rojoy était en train de présenter son plan d’ajustement antipopulaire au Congrès, ce sont plus de 50 000 personnes qui ont cette fois défilé jusqu’à la place de la Catalogne. Contre la soif des grandes multinationales et des banques - dont, d’ailleurs, celles qui ont été récemment sauvés à l’aide de fonds publiques et réclament aujourd’hui l’austérité - s’exprimait une protestation massive et particulièrement combative, exprimant plus clairement que jamais ces dernières années une appartenance de classe. Cortèges syndicaux, entreprises en lutte, organisations politiques et le mouvement 15M ont défilé ensemble, aux côtés des mineurs des différentes régions. Au sein de la manifestation se démarquait le cortège des femmes mineurs, composé aussi bien de membres des familles des travailleurs que de camarades qui participent directement à la production au même titre que ces derniers. Ces femmes constituent l’un des secteurs les plus avancés du conflit, qui par exemple pose clairement la nécessité de se battre pour la nationalisation sous contrôle ouvrier de toutes les mines, seule solution pour défendre les postes de travail. Comme nous a expliqué l’une de ces mineurs, « c’est dur d’aller travailler tous les jours dans le même puits qui a vu mourir mon père a 47 ans seulement, où travaillait aussi mon grand-père et maintenant mon frère et moi. C’est pour ça que nous aussi nous sommes durs dans la lutte, parce que le travail dans la mine est dur ».
Quelques éléments sur l’intervention de nos camarades de Clase contra Clase [1]
Plusieurs militants de Clase contra Clase ont pris part à la mobilisation, accompagnés des jeunes et des travailleurs avec lesquels ils ont construit le rassemblement révolutionnaire « No Pasarán ». Les camarades s’étaient rassemblés autour d’une banderole exigeant la nationalisation sous contrôle ouvrier des mines, et ont été salués à plusieurs reprises par les mineurs, notamment du fait de leur slogan : « comme en 34 et en 62 [2], l’avant-garde c’est les mineurs du charbon ».
Il est arrivé plusieurs fois que ces hommes et ces femmes menacés par le chômage laissent libre cours à leur émotion devant ces marques de soutien, embrassant les camarades et les remerciant, dans des scènes inoubliables qui se sont répétées jusqu’à l’arrivée à la Puerta del Sol, et le lendemain place de la Catalogne. Réciproquement, c’était aussi une véritable fierté pour les camarades de participer à ces deux journées de mobilisation exemplaire.
Quand la manifestation s’est approchée du Ministère de l’Industrie la police est intervenue avec une grande brutalité, coupant en deux la manifestation et se lançant dans une chasse aux manifestants sur toute la place de la Catalogne. Un grand nombre de mineurs et de jeunes ont répondu en leur jetant des pierres et des pétards. Malgré l’arsenal répressif, les tirs de flash ball et l’ampleur du dispositif, ils réussirent à faire reculer la police. Au total, 80 manifestants furent blessés et 8 d’entre eux arrêtés. La rage qu’a provoquée cette répression s’est en fait ajoutée à celle qui s’exprimait déjà contre les attaques du gouvernement, enflammant les esprits de nombre des présents, qui ont terminé la mobilisation par un rassemblement spontané devant le Congrès des députés.
Une « lumière pour tout l’Etat espagnol »
Il ne fait aucun doute que la lutte des mineurs constitue aujourd’hui une référence pour des millions de travailleurs et de jeunes dans tout l’Etat espagnol. Elle concerne en effet un des secteurs du prolétariat de ce pays les plus respectés pour ses combats depuis des décennies. Les mineurs furent en effet une véritable avant garde lors de la révolution des Asturies en 1934, et les pionniers de la lutte contre le franquisme avec la grève de 1962. A présent, ils représentent la possibilité de réaliser un tournant dans la situation politique espagnole, et de mettre les travailleurs et les jeunes à l’offensive pour mettre un coup d’arrêt aux attaques du gouvernement et du patronat.
Au sein du mouvement 15M, on peut voir chaque jour un peu plus émerger des secteurs qui adoptent une perspective de classe, promouvant la convergence des luttes entre les indignés et les travailleurs, ce qu’exprimait de manière exemplaire le nouveau slogan « Oui, Oui, ils nous représentent » au sujet des mineurs. Pour le mouvement ouvrier, l’exemple de la lutte de ces derniers exerce aussi une grande influence. D’abord dans les régions où se trouvent les mines, comme les Asturies, qui s’est embrasée ces derniers temps avec des conflits dans l’éducation, les aciéries, les chantiers navals, ou encore dans les transports. Mais dans d’autres régions aussi, comme en Catalogne, où plusieurs des derniers combats se sont inspirés de celui des mineurs, qui était discuté dans les assemblées de travailleurs et servait de référence lors des actions de protestation. Les salariés des aciéries CELSA en fournisse un bon exemple. Enfin, le mouvement étudiant regarde aussi avec espoir et sympathie la lutte des mineurs depuis plusieurs semaines, et l’on entend d’ores et déjà parler d’une rentrée scolaire combative, avec par exemple le lancement d’une grève illimitée et le rapprochement entre étudiants et travailleurs en lutte.
La lutte des mineurs pourrait dès lors marquer un point d’inflexion dans la situation politique espagnole, notamment par la généralisation du conflit, et l’alliance entre les travailleurs et la jeunesse. Pour avancer vers cet objectif il est nécessaire de promouvoir dès maintenant la solidarité active avec cette lutte dans toutes les régions du pays, dans toutes les entreprises, en organisant des actions, des manifestations, en récoltant des fonds pour les caisses de grève, en agissant contre la répression dans les villages où sont situés les puits miniers. Tout cela doit se coupler à la définition d’un programme indépendant pour les travailleurs, distinct de celui que tentent d’imposer les directions syndicales, qui veulent limiter la lutte au maintien des aides publiques au patronat minier. Nous devons nous battre pour la seule solution capable de sauver les postes en améliorant les conditions de travail dans les puits : la nationalisation sous contrôle ouvrier de toutes les mines et de tous les investissements liés au charbon, pour en finir avec la corruption entretenue par le patronat minier, qui vit sur le dos des travailleurs et profite de l’opacité de tous le système d’approvisionnement électrique du pays.
De même, dans le sens de ce qui a été dit ce mardi à Puerta del Sol, il faut avancer dans la coordination et l’unification de tous les secteurs en lutte, de tous les travailleurs qui sont attaqués par le patronat et le gouvernement. Pour cela, il faut unir les revendications afin d’être en mesure de frapper tous ensemble. Nous devons réussir à faire de la lutte des mineurs la première étape d’une résistance coordonnée, qui puisse en finir avec la politique de contention de la bureaucratie syndicale de l’UGT et des CCOO de Toxo et de Mendez [3], qui n’ont plus bougé un orteil depuis la grande grève générale du 29 mai. Les nouvelles attaques annoncées par Rajoy exigent plus que jamais que nous nous battions pour une nouvelle grève générale qui puisse constituer un point d’appui pour organiser un grand plan de lutte à partir de la lutte des mineurs et contre l’austérité brutale que veut nous imposer la classe dominante.
Vive la lutte des mineurs !
Tous ensemble pour une solidarité active !
Pour la nationalisation sous contrôle ouvrier des mines et des investissements liés au charbon
Pour une grève générale en soutien aux mineurs et contre le plan d’ajustement de Rajoy