"Taupe" pour les uns, "lanceur d’alerte" pour les autres, Bradley Manning, analyste militaire de l’armée américaine, devra répondre de 22 chefs d’accusation devant la Cour Martiale, dont celui de collusion avec l’ennemi, après une série d’audiences préliminaires, devant le tribunal militaire de la base de Fort Meade, qui ont débuté au mois de décembre 2011 (1) et dont les prochaines ont été fixées du 16 au 20 juillet, puis du 27 au 31 août 2012. (2)
Arrêté en juin 2010 par la Criminal Investigation Division (unité chargée d’enquêter sur les violations des lois militaires au sein de l’armée américaine), le jeune soldat a été désigné par les autorités américaines comme étant l’informateur qui aurait transmis à Wikileaks la vidéo du raid aérien du 12 juillet 2007 à Bagdad ainsi que de nombreux documents confidentiels. (3)
Diffusée en avril 2010 par Wikileaks sous le titre de Collateral Murder, la vidéo montrait la vue aérienne d’un hélicoptère de combat américain ouvrant le feu sur un groupe de civils parmi lesquels se trouvaient deux reporters, puis deux enfants lors d’une seconde frappe de l’armée. Une vingtaine de personnes avaient été littéralement pulvérisées et les blessés achevés par de puissants tirs provenant de deux hélicoptères Apache (hélicoptères d’attaque conçus pour des missions antichar). (4)
Suite à la diffusion de la vidéo qui avait provoqué une vaste tempête médiatique à travers le monde, le porte-parole de Wikileaks, Julien Assange, avait également fait l’objet de recherches pour être interrogé, tandis que les militaires américains, responsables de la tuerie, n’avaient pas été inquiétés.
Actuellement incarcéré à la prison de Fort Leavenworth, Bradley Maning, 24 ans, est détenu dans des conditions particulièrement restrictives qui ont été dénoncées par un rapport de l’ONU qualifiant celles-ci de "traitement cruel, inhumain et dégradant". (4) Le jeune homme aurait été classifié "à tort" comme potentiellement suicidaire dans le but de le punir. Manning a été soumis à l’isolement maximal (Maximum Custody Detainee) durant huit mois consécutifs et contraint de dormir entièrement nu afin de prévenir le risque de suicide, selon le Pentagone. Ces mesures auraient été levées mais il demeure enfermé 23 heures par jour et reste menotté aux mains et aux pieds durant les visites. (5)
Au mois de décembre 2011, les avocats de la défense avaient mis en avant sa fragilité émotionnelle liée selon eux à son homosexualité. Bradley Manning était âgé de 21 ans seulement au moment de son arrestation. Depuis le mois de juin dernier, comme ils le réclamaient, les avocats du jeune soldat ont été autorisés par la juge militaire Denise Lind à accéder à davantage de documents officiels, notamment ceux de la CIA et du FBI. (6)
Depuis que l’affaire a éclaté, de nombreuses manifestations de soutien ont été menées à travers le monde, comme en Allemagne, en Irlande, aux Pays-Bas, au Canada, en Australie et dans plusieurs grandes villes des Etats-Unis (Washington, San Diego, Oakland, Boston). Le comité de soutien de Manning (Bradley Manning Support Network) continue son action afin, notamment, de lever des fonds pour couvrir les frais d’avocat du jeune soldat estimés à quelques 130 000 $, auquel se sont joint le rélisateur Mickaël Moore et Daniel Ellsberg, qui avait lui-même fourni Les papiers du Pentagone pendant la guerre du Viêt Nam. (7)
Pourtant, deux ans après l’arrestation et l’emprisonnement de Bradley Manning, les médias semblent se désintéresser du cas du jeune homme qui risque 52 années de prison pour avoir révélé un crime de guerre.
L’accusation devrait à présent tenter de démontrer que le jeune militaire avait l’intention délibérée de fournir des informations à Al-Qaïda lorsqu’il a transmis au site internet de Wikileaks la vidéo du raid et de nombreuses dépêches militaires (9) Bradley Manning n’a pas encore fait savoir s’il plaiderait coupable ou non coupable.
Marie Duvivier