Anxiété, insomnie, dépression, dépendance à l’alcool et aux drogues, démence sénile, toutes ces maladies touchent directement le cerveau de toutes les tranches d’âge et de toutes les catégories sociales. Dans ces conditions, il est particulièrement déconcertant de voir de grands laboratoires se désengager de la recherche dans ce domaine. C’est pourtant le cas de GlaxoSmithKline, de Pfizer, et du laboratoire anglo-suédois AstraZeneca qui pour sa part, bien qu’ayant réalisé en 2011 plus de 10 milliards de dollars de profit et 33,6 milliards de chiffre d’affaire (soit +3%...), annonce la suppression de 7300 emplois ; mais surtout, la « réorganisation » de son service de R&D qui devient, selon le quotidien Les Echos, « virtuel ». Un désengagement que le journal explicite ainsi : « le laboratoire a créé une unité virtuelle dans les neurosciences, constituée d’une équipe réduite de 40 à 50 chercheurs d’AstraZeneca, qui mèneront leurs travaux en externe, via un réseau de partenaires industriels et académiques. » L’explication avancée par AstraZeneca semble, pour sa part, très discutable, sinon aberrante : « Nous avons choisi de rester dans les neurosciences, mais nous travaillerons de manière très différente pour partager les coûts, les risques et les rétributions avec des partenaires. » Autrement dit, AstraZeneca indique ici renoncer à l’ effort de recherche ; pas à ses parts de marché.
Profits en hausse, effectifs et recherche en baisse
Ainsi, ces laboratoires préfèrent désormais s’appuyer sur le secteur public et le monde associatif pour bénéficier des avancées de la recherche, sans pour autant s’engager financièrement dans des programmes longs, coûteux, et peu rentables à court terme. Cette politique de réduction des coûts accompagne désormais systématiquement les fusions entre groupes pharmaceutiques, pour la plupart pris en étau entre de multiples intérêts financiers. Sur le site Viv(r)e la recherche, Eric Sartori s’interroge lui aussi quant aux conséquences de ces stratégies industrielles sur l’innovation et la recherche. Il en ressort un bilan assez pessimiste qui nous démontre bien que les profits passent ici avant les malades. Le récent « Rapport de la mission sur la refonte du système français de contrôle des médicaments » pointe comme "sujet d’inquiétude", le "désengagement de l’industrie pharmaceutique de la recherche qui s’accélère" ainsi qu’une tendance de plus en plus marquée à l’externalisation de la recherche. On est encore ici bien loin de l’intérêt des malades et de l’accompagnement des politiques de santé destinées à combattre les maladies dégénératives ou psychiatriques.
Le coût des maladies
En 2010 déjà , des spécialistes du cerveau alertaient sur l’urgence de relancer la recherche avec un « plan cerveau » pour la prise en charge de l’ensemble des maladies neurologiques et psychiatriques. Le coût de ces maladies pour la collectivité était déjà évalué, en Europe à 35 % du total des dépenses de santé et, rien qu’en France, les coûts induits par les maladies mentales et neurologiques atteignaient 40 milliards d’euros par an. Par ailleurs, une étude publiée par l’European Brain Council (EBC) montre qu’en Europe, le coût des maladies neurologiques « a augmenté très rapidement pour atteindre 798 milliards d’euros par an ». De plus, l’allongement de l’espérance de vie vient encore renforcer ce phénomène qualifié de "défi économique numéro un pour le système de santé européen". Au total, le coût de la prise en charge de ces troubles neurologiques est de 1.550 euros par personne et par an, soit le double de l’estimation faite par l’EBC lors d’une précédente étude en 2005.
La santé a un coût et le poids économique des maladies neurologiques sur la société est extrêmement lourd. En France, on estime à 15 millions le nombre de personnes touchées par une maladie du cerveau. Ne pas trouver de remèdes aux maladies neuropsychiatriques, ne pas trouver les moyens de prendre en charge la santé mentale d’une population vieillissante peut avoir des conséquences graves sur l’économie toute entière d’un pays. Cette situation à risque nécessite une mobilisation générale qui doit accompagner le développement des neurosciences. Chacun doit y prendre sa part, depuis les pouvoirs publics, jusqu’à la recherche fondamentale, en passant par les laboratoires pharmaceutiques.