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Miss Bala, "la plus belle du cartel" ?

Ainsi présentée par E. Neuhoff, critique au Figaro, Miss Bala entre dans la catégorie "cinéma poudre aux yeux" : à la manière hollywoodienne, Gerardo Naranjo s’empare d’un sujet grave, ici le narco-trafic au Mexique, pour se légitimer et donner bonne conscience aux critiques et au public, et le traite en jouant du pathos (l’héroïne a un petit frère et un vieux père), d’une avalanche de scènes violentes et d’un rythme échevelé, tout en prenant soin de rester toujours en surface.

Il est vrai que la passivité de Lau, l’héroïne, peut se justifier : elle reflète l’état de prostration des Mexicains, face à une violence omniprésente : depuis 6 ans, ils sont pris dans une véritable guerre, entre l’armée et les trafiquants, pour le contrôle du marché de la drogue. Mais Naranjo ne fait rien pour aider le spectateur à dépasser cet état d’esprit et lui donner des pistes pour comprendre.

Naranjo ne voulait pas, dit-il, faire un film sur la drogue à partir du point de vue du trafiquant (il pensait sans doute à Biutiful, de son compatriote Inarritu, où A. Banderas incarne un trafiquant christique, porté par l’amour de ses enfants et des immigrés qu’il exploite !). Il a donc choisi le point de vue de la victime : est-ce plus pertinent ? Ce point de vue caractérise le thriller, genre de prédilection des auteurs de polars anglo-saxons (l’âge d’or du roman noir américain, celui de R. Chandler, est bien loin) ; par contre, le modèle du roman policier latin (celui des Italiens Sciascia et Camilleri, ou de l’Espagnol Vazquez Montalban), est sociologique. Le premier exploite des émotions primaires (peur ou excitation sexuelle), le second vise à informer et expliquer (chaque roman est l’occasion d’explorer un lieu et un milieu précis). Le premier se centre généralement sur une héroïne vulnérable, menacée de toutes sortes de sévices (l’image emblématique pourrait en être la scène de la douche dans Psychose, de Hitchcock, qui montre bien ce que le genre a de malsain, ou encore une femme coupée en morceaux, retrouvée dans une poubelle), et aboutit à la dénonciation des instincts bestiaux d’un individu. Le second se contente généralement de victimes masculines et dénonce les dysfonctionnements de la société, pointant le crime organisé avec la complicité des pouvoirs politiques ou économiques.

Miss Bala présente ces deux caractères du thriller : Naranjo a choisi pour actrice un ancien mannequin, Stéphanie Sigman, qu’il se contente de placer devant la caméra, dans toutes les attitudes sado-maso possibles (elle passe une bonne partie du film recroquevillée ou allongée par terre, essayant d’échapper aux regards d’un agresseur). Mais le type de scène que préfère Naranjo est celle de l’habillage et du déshabillage ( préliminaires qui retardent à plaisir la scène du viol prévue et attendue) : Miss Sigman, sorte de poupée Barbie d’1,85 m, ne cesse de changer de vêtements, passant, pour la séquence du Concours de beauté, du bikini à la robe de
princesse, ou se faisant emmailloter de bandes de scotch par le truand pour cacher les liasses de billets - le tout sans que son regard vide transmette la moindre émotion. Face à elle, il y a bien sûr la brute libidineuse, un petit moustachu façon Pancho Villa, boiteux de surcroît (Montaigne déjà voyait dans la boiterie un élément d’excitation sexuelle !).

Par contre, il n’y a aucune tentative d’éclairer la situation mexicaine : ça tire dans tous les sens, sans laisser la moindre pause pour la réflexion. Il y a même une volonté de mystification : le seul personnage positif qui émerge est un agent de la DEA, (l’agence anti-drogue américaine), sensible, honnête et qui meurt en héros, soutenu par la conviction que ses loyaux collaborateurs poursuivront la lutte contre la corruption ! S’il renvoie dos à dos trafiquants et
militaires mexicains, le film met donc hors de cause les Etats-Unis.
La dernière image aurait pu fournir une piste de réflexion : Lau est larguée aux abords d’une usine qui pourrait être une de ces maquiladoras de la frontière états-unienne, zones de non-droit où toutes les sortes d’exploitation s’exacerbent (c’est là que, depuis plus de 10 ans, se produisent des milliers de meurtres de femmes). Mais l’image est si floue qu’on pourrait aussi bien se croire dans un épisode du Prisonnier.

Comme sans doute d’autres réalisateurs de sa génération, Naranjo a fait ses études cinématographiques à Los Angeles et est actuellement en pourparlers avec Hollywood ; du reste, le générique de Miss Bala s’ouvre déjà sur l’emblème de la 20th Century Fox.

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Dominique Fernandez : Ramon
Bernard GENSANE
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Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de « consoler » les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire.

Lénine

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