RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Le maudit héritage libéral en Amérique Latine, par Émir Sader.

Émir Sader, sociologue brésilien, s’appuie sur les statistiques de la BID pour faire le bilan de 25 ans de libéralisme en Amérique latine.

Traduction

Plus de la moitié des 400 millions de latino-américains ne réussit pas à satisfaire ses besoins primordiaux. 102 millions sont indigents, et n’ont même pas de quoi donner à manger à leurs enfants. C’est le bilan synthétique de l’application des politiques libérales sur le continent au cours des 25 dernières années.

Dans les 20 dernières années, près de 91 millions de personnes sont devenues pauvres en Amérique Latine. 226 millions vivent avec moins de deux dollars par jour. Le nombre de pauvres et d’indigents a augmenté. Il y a 40 millions d’indigents de plus aujourd’hui qu’il y a 20 ans.

Un des aspects nouveaux est l’apparition des « nouveaux pauvres », des secteurs de classe moyenne qui se prolétarisent, l’Argentine étant le cas le plus dramatique. Ces six dernières années, 23 millions de latino-américains ont cessé d’appartenir à la classe moyenne pour passer dans la catégorie des pauvres.

En Argentine, le taux de pauvreté a doublé entre 1999 et 2003, passant de 19,7% à 41,5%, tandis que l’indigence s’est multipliée pratiquement par quatre, passant de 4,8% à 18,6%. Près de 7 millions de personnes ont cessé d’appartenir à la classe moyenne et sont devenus pauvres.

Les données se trouvent dans le document « Inégalité en Amérique Latine et les Caraïbes : rupture avec l’histoire ? », écrit par la Banque Interaméricaine de développement (BID). Le résultat de ces politiques libérales est que le pays le plus équitable d’Amérique Latine, en termes de revenu, est plus inégal que le pays le plus injuste d’Europe - y compris l’Europe de l’Est, dévastée également par le libéralisme - et n’est comparable qu’à quelques régions d’Afrique et quelques pays nés du démantèlement de l’Union Soviétique. Alors qu’en Suisse, la classe moyenne représente 60% de la population, dans plusieurs pays de notre continent, elle n’atteint pas 20%.

Les catégories les plus vulnérables, dans cette tourmente de misère que le libéralisme a promu sur le continent, sont les personnes âgées, les femmes, les indigènes et par dessus tout, les enfants. La précarisation du travail a atteint des niveaux sans précédent, accompagné du chômage, qui a battu son record historique sur le continent en 2003.

La concentration de la richesse, sous les effets de la financiarisation des économies, a fait que la catégorie la plus riche ait un revenu 20 fois supérieur à celui que reçoivent ceux qui se trouvent dans les 40% les plus pauvres. La perspective est décourageante, car l’inégalité est très élevée. En l’absence de programmes économiques centrés sur la distribution de la richesse, et non pas sur la stabilité monétaire et l’équilibre fiscal, cette situation épouvantable tend à empirer. Selon la BID, la prolifération de la violence est associée à l’augmentation de la misère et de l’indigence sur le continent.

Un enfant sur trois a faim et 60% d’entre eux sont pauvres en Amérique Latine, malgré la capacité énorme du continent à produire de l’alimentation. Chaque année, 190 mille enfants latino-américains meurent de maux liés à la pauvreté, ce qui pourrait être évité. Actuellement, près de 40 millions d’enfants vivent ou travaillent dans les rues d’Amérique Latine. Uniquement en Amérique Centrale, plus de deux millions d’enfants sont sur le marché du travail. Ce nombre d’enfants est le même que celui des adultes au chômage, ce qui signifie que si l’on évitait que les enfants travaillent, ces adultes auraient accès à l’emploi. Pour autant, les employeurs préfèrent les enfants, parce qu’ils ne bénéficient pas des droits sociaux liés au travail et sont finalement bien moins rémunérés que les plus âgés.

Rien que dans les favelas brésiliennes résident 6,5 millions de personnes, soit plus du double de la population uruguayenne. A Buenos Aires et sa banlieue, les « villes-misère » abritent 1,3 millions d’habitants.

Entre 1999 et 2002, le taux de pauvreté est passé de 23% à 44% et l’indigence a atteint 19,4%. C’est pour cela que la majorité de la population latino-américaine rejette le système politique, économique et social en vigueur, ce que les analystes confondent avec un rejet de la démocratie.

La question des enquêtes ne devrait pas être si la démocratie leur plaît, mais si le type de système dans lequel ils vivent leur convient : c’est ça le rejet de la majorité des latino-américains.

Pour lire l’article en espagnol

URL de cet article 1661
   
Même Thème
Figures Révolutionnaires de l’Amérique latine
Rémy HERRERA
Cet ouvrage propose au lecteur sept chapitres consacrés à quelques-uns des révolutionnaires les plus importants d’Amérique latine et caribéenne : Simón Bolívar, José Martí, Ernesto Che Guevara, Hugo Chávez, Fidel Castro et Evo Morales. L’Amérique latine et caribéenne offre depuis le début des années 2000 l’image de peuples qui sont parvenus à repasser à l’offensive, dans les conditions historiques très difficiles qui sont celles de ce début de XXIe siècle. C’est cette puissante mobilisation (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

"De toutes les ironies exprimées par la politique étrangère américaine, notre position vis-à -vis de Cuba est la plus paradoxale. Une forte dégradation de la situation économique a provoqué une poussée du nombre de Cubains entrant illégalement aux Etats-Unis.

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour détériorer la situation économique et ainsi accroître le flux. Nous encourageons également cet exode en accordant aux Cubains, qui arrivent illégalement ou qui s’approchent par voie de mer, un statut de résident et une assistance pour s’installer.

Dans le même temps, nous n’avons pas respecté les quotas de visas pour les Cubains désireux d’immigrer aux Etats-Unis [...] quand Castro tente d’empêcher des cubains malheureux de quitter leur pays infortuné, nous l’accusons de violer des droits de l’homme. Mais quand il menace d’ouvrir grand les portes si nous continuons à accueillir sans limites des cubains sans visas - y compris ceux qui ont commis des actes de violence pour aboutir à leurs fins - nous brandissons des menaces imprécises mais aux conséquences terribles. "

Jay Taylor, responsable de la section des intérêts américains à Cuba entre 1987 et 1990, in "Playing into Castro’s hands", the Guardian, Londres, 9 août 1994.

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.