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Poésie et révolution (3)

Né en 1836, Jean-Baptiste Clément était le fils d’un menuisier. Militant pour la république, il connaît très tôt la prison sous Napoléon III. Son credo politique est radical : « A bas les exploiteurs ! A bas les despotes ! A bas les frontières ! A bas les conquérants ! A bas la guerre ! Et vive l’Egalité sociale. » Il composa très jeunes des chansons d’amour, puis des chansons qu’on appellerait aujourd’hui « engagées ». Il dénonce « l’esclavage industriel » et en appelle à un 1789 des travailleurs :

Au nom de la justice

Il est temps aujourd’hui

Que les serfs des usines

De la terre et des mines

Aient leur Quatre-Vingt-Neuf !

Cette chanson ayant été publiée sans le visa de la censure, Clément doit se réfugier en Belgique. C’est dans ce pays qu’en 1867 il fait publier " Le temps des cerises " , composée un an auparavant. Cette oeuvre, dont le thème n’est nullement politique, prendra un autre sens durant l’agonie de la Commune.

Rentré en France en février 1868, Jean-Baptiste Clément fonde Le casse-tête et collabore à La Réforme de Charles Delécluze et Auguste Vermorel. Dirigeant influent de la Commune, Delécluze sera condamné à mort par contumace en 1874. Vermorel combattra sur les barricades où il sera grièvement blessé le 25 mai 1871. Transféré comme prisonnier à Versailles, il mourra lentement faute de soins.

Militant en pointe lors de l’insurrection parisienne du 18 mars 1871 (délégué à la Commune de Paris, il avait succédé à Clémenceau en mai 1871 comme maire de Montmartre), Clément doit s’exiler à Londres durant huit années : condamné à mort par contumace en 1874, amnistié en 1879, il rentre à Paris en 1880. Délégué à la propagande par la Fédération des Travailleurs Socialistes, il fonde la Fédération Socialiste des Ardennes. Épuisé par les combats politiques, il meurt le 23 juin 1903 à Paris, à l’âge de 66 ans.

En 1867, Jean-Baptiste Clément demande à Antoine Renard (1825-1872), chanteur, musicien du nord de la France, de mettre en musique son texte " Le temps des cerises " . Cette chanson devindra ensuite l’hymne de tous les communards et des ouvriers. Ce n’est qu’après son retour d’exil que Jean-Baptiste Clément ajoutera en 1882 la dédicace : « A la vaillante citoyenne Louise, l’ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871 ». Ce jour là , Clément se trouvait sur la dernière des barricades ; comme Louise Michel, la " Vierge rouge de la Commune " .

Le 28 mai 1871, Clément est effectivement l’un de ceux qui tirent les dernières cartouches sur la barricade de la rue Fontaine-au roi. Caché chez son ami Camille Henricy, il compose son poème " La semaine sanglante " en juin. Cette chanson sera reprise au XXème siècle Par Germaine Montero, Marc Ogeret ou Francesca Solleville :

Sauf des mouchards et des gendarmes,

On ne voit plus par les chemins,

Que des vieillards tristes en larmes,

Des veuves et des orphelins.

Paris suinte la misère,

Les heureux mêmes sont tremblants,

La mode est aux conseils de guerre,

Et les pavés sont tout sanglants.

(refrain)

Oui mais , ça branle dans le manche,

Les mauvais jours finiront,

Et gare à la revanche, Quand tous les pauvres s’y mettront !

On traque, on enchaîne, on fusille,

Tout ce qu’on ramasse au hasard :

La mère à côté de sa fille,

L’enfant dans les bras du vieillard.

Les châtiments du drapeau rouge

Sont remplacés par la terreur

De tous les chenapans de bouge, valets de rois et d’empereurs.

Après l’amnistie de 1880, Clément revient à Paris et milite dans les rangs du parti socialiste ouvrier et révolutionnaire du médecin Paul Brousse et du typographe Jean Allemane avant de rejoindre Jules Guesde et Paul Lafargue. Il évolue donc vers le marxisme. Il est condamné à deux ans de prison en 1891 pour son action militante, cette peine étant réduite en appel après un vaste mouvement de protestation. De 1895 à 1903, il finit ses jours comme gérant de la librairie socialiste du boulevard de Clichy.

" Le Temps des cerises " eut dons un destin étrange. Cette chanson d’amour devint révolutionnaire par la force des choses, avant de redevenir une chanson d’amour dont ses interprètes, célèbres ou anonymes, connaissent, en la chantant, sa charge subversive passée. Parmi les versions les plus connues, celles d’André Dassary (le bouillant créateur de " Maréchal, nous voilà  ! " ), Tino Rossi, Yves Montand, Mouloudji, Nana Mouskouri, Colette Renard, Juliette Gréco.

Outre " Le temps des cerises " et " La Semaine sanglante " , Jean-Baptiste Clément écrivit un grand nombre de chansons et comptines, dont certaines très célèbres : " Au Moulin de Bagnolet " , " La chanson du semeur " , " Aux loups " , " La grève " , " En avant Paysans ! " , " Dansons la Capucine " , " La Marjolaine " , " L’Eau va toujours à la rivière " , " Ah le joli temps ! " , " Le Chasse neige " , " Le Bonheur des Champs " , " Le Couteau de Jeannette " , " Fille des champs" , " Le Barde Gaulois " .

Je propose ci-dessous le début de la chanson en français et la fin de la version espagnole :

Quand nous chanterons le temps des cerises,

Et gai rossignol, et merle moqueur

Seront tous en fête !

Les belles auront la folie en tête"¨

Et les amoureux du soleil au coeur !"¨

Quand nous chanterons le temps des cerises"¨

Sifflera bien mieux le merle moqueur !

Cuando se llega a la hora de las cerezas

Si usted tiene miedo de la angustia

Evitar la multa

Yo, que no temen el cruel

No voy a vivir un dà­a sin sufrir

Cuando se llega a la hora de las cerezas

Usted también tendrá penas

Siempre amaré a la temporada de cerezas

Es la época de la Me quedo con el corazón

Una herida

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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