D’après Eduardo Haro Tecglen, El Paàs, 14 avril 2004.
Le 14 avril sera toujours une fête nationale pour beaucoup d’Espagnols : c’est en effet à cette date que fut proclamée la République espagnole en 1931. On inaugura un nouveau pays à partir des ruines de l’ancien -celui de la Reconquista et tout ce qui s’ensuivit- et pendant cinq ans elle put réaliser un travail important de régénération, ou de génération. Ensuite, les propriétaires d’antan qui se croient propriétaires tout le temps, et que ce qui est à eux ne peut être partagé, la détruisirent avec leurs armes.
Chaque 14 avril est différent. Certains le célèbrent chez eux, d’autres sur leurs balcons, parfois dans les rues. Ce que je constate -c’est peut-être une illusion- c’est qu’il y a de plus en plus de sympathie bonasse envers les Bourbon, mais qu’il y a de plus en plus de drapeaux républicains dans les manifestations publiques.
Aucun groupe politique parlementaire ne revendique aujourd’hui la restitution de ce qui a été volé depuis 1936. Par exemple la Constitution. Lorsqu’un changement de régime apparut comme nécessaire, à la mort de celui qui était à la -trop visible- tête du précédent, on en fabriqua une autre : une constitution monarchique qui prévoit que le roi ne gouverne pas.
Je ne parle pas maintenant la restauration républicaine : en l’état actuel, le pays pourrait bien élire Aznar, Rajoy ou je ne sais quel franquiste comme président. Je parle d’un retour à l’esprit laïque, penseur, social ; à la trilogie française : "Liberté, Egalité, Fraternité". Celle du siècle des lumières.
Pour cela, il est besoin d’un développement éthique et moral, et il est très difficile de le régénérer. Les philosophes ne sont plus ce qu’ils étaient. Et en plus les antirépublicains -je ne dis pas les monarchistes, il y a beaucoup de diversité à droite- ont réussi à faire en sorte, pendant le temps où ils ont gouverné -de 1936 à nos jours-, que le peuple non-plus ne soit plus ce qu’il était. En tout cas consciemment.
Je ne sais pas ce que sera la République du futur : j’espère que ce ne sera pas celle de Fujimori, ni même celle de Chirac, ni encore celle qu’ils veulent imposer en Irak et qui se brise chaque jour en mille morceaux. Mais la chronique raconte ou commémore ce qui s’est passé, et la République du 14 avril 1931 fut un évènement heureux.
Qu’importe qui l’a reniée depuis le début : le cardinal Segura, le général Sanjurjo, Juan March : l’éternelle trilogie espagnole "Eglise, Armée, Capital". Leurs cadets, revêtus de leur propre uniforme, créèrent le désordre sanglant et l’accusèrent d’être sanguinaire et indisciplinée. Les traîtres l’infiltrèrent et l’anéantirent. Mais ce qu’elle a laissé, son alluvion, ses idées, ses réussites sont ce qu’il y a de plus sain dans la vie de la nation. Aujourd’hui, c’est sa fête.
- ¡ Qué bonita está Triana cuando le ponen al puente bandera republicana !
