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Escroquerie : Infosyrie était au meeting « pro-syrien » de BHL

C’est dans le cadre élégant et éminemment bobo du cinéma Saint-Germain-des-Prés, à un jet de bouchon de champagne du célèbre café des Deux Magots, que le dandy, lobbyiste atlanto-sioniste et imposteur littéraire Bernard-Henri Lévy tenait, lundi 4 juillet (jour de l’Independance day américain, au fait), la réunion de lancement de son assoce-gadget SOS Syrie, en présence de personnalités bien connue pour leur engagement pro-palestinien et pro-arabe en général comme Laurent Fabius, Bernard Kouchner, André Glucksmann, Frédéric Encel, Fadela Amara jouant ici le rôle du harki et Dominique Sopo, patron de SOS Racisme, celui de la potiche antiraciste. Naturellement, Infosyrie se devait d’être présent à cette dernière manipulation politico-médiatique bien parisienne, juste avant les vacances. Choses vues, et entendues.

(Presque) autant de CRS que de participants

La première chose qu’on remarque, c’est la grosse vingtaine de véhicules de CRS qui s’étirent le long du boulevard Saint-Germain puis de la rue Bonaparte : il paraît que l’initiative de BHL et de sa revue atlantiste de langue française La Règle du Jeu a suscité des réactions contrastées dans les milieux arabes de Paris. Devant le cinéma, une centaine de personnes, policiers en civil inclus, certaines lancées dans des débats sur le Proche-Orient. Dès l’entrée on a l’impression d’un événement mondain autant que politique : il y a des hôtesses qui accueillent les people de l’américano-sionisme parisien, et vont les placer dans le carré VIP de la réunion. Justement nous descendons dans le cinéma ; on remarque, appuyés contre le mur, quatre ou cinq malabars à l’évidence chargés du service d’ordre (peut-être recrutés par SOS Racisme, partenaire de la soirée). La salle du cinéma contient 208 places assises. Elles se remplissent à peu près toutes, avec le renfort de journalistes, et une cinquantaine de personnes se tiennent debout ou assises à même la moquette. Un rapide coup d’oeil confirme que les Arabes sont en nette minorité dans cette assistance (un peu comme parmi les parrains de SOS Syrie, tiens).

On croise assez vite BHL qui a revêtu sa tenue réglementaire d’intello combattant : costume gris bien coupé, chemise blanche ouverte, brushing de vieux minet et air grave et concerné. Un peu plus loin son alter égo moins élégant André Glucksmann donne une interview à l’un des nombreux micros présents pour cette circonstance minuscule mais néanmoins abondamment relayée. Un journaliste arabe parle interminablement devant la caméra d’une télévision non identifiée. Assis au dernier rang de la salle, le journaliste de France 2 Philippe Rochot, otage au Liban en 1986, est interrogé par une dame de RFI : il explique que même s’il ne cautionne pas forcément tout ce qui sera dit ce soir, il est content qu’on s’intéresse à la Syrie ; la journaliste lui fait remarquer que la réunion fait l’objet de polémiques ; Rochot admet que les organisateurs de celle-ci sont « assez marqués« , mais bon…

La réunion débute peu avant 21 heures par un film d’une quinzaine de minutes retraçant l’histoire de la Syrie indépendante, et l’on en arrive rapidement à l’actualité : des vues de manifestations, de victimes ensanglantées et de policiers répressifs se succèdent ; bien sûr, il est beaucoup question de Hamza, enfant tombé au cours d’une manifestation à Deraa, et dont le cadavre décomposé est présenté rituellement comme portant des traces de torture (voir notre article Le martyr que trop de gens attendaient) ; on a même droit une petite séquence consacrée au colonel Harmoush, ce déserteur de l’armée syrienne qui prétendait, devant la BBC notamment, avoir sauvé la population de Jisr al-Choughour, en plaçant des mines anti-chars avec une vingtaine de ses hommes (voir notre article Déserteur et/ou menteur), avant que la même BBC reconnaisse que le colonel était peut-être un déserteur mais surtout un bidonneur : on a les témoins de moralité qu’on peut. A propos de témoins de moralité, l’actrice Angelina Jolie, en visite promotionnelle dans un camp de réfugiés syriens en Turquie, a droit à 2 bonnes minutes d’interview : c’est largement suffisant pour qu’on saisisse toute la finesse de ses analyses géopolitiques, et c’est complètement raccord avec la tonalité très fashion de cette soirée de gala SOS Syrie. Naturellement, on nous assène la comparaison de Bachar avec Hitler, ça ne mange pas de pain et ça fait toujours genre…

Incidents

Le film achevé, un collaborateur de La Règle du Jeu annonce les festivités à venir, salue les personnalités présentes, physiquement ou via un message de soutien : Martine Aubry, Bertrand Delanoe, Laurent Fabius, Bernard Kouchner, François Bayrou, Jane Birkin, Xavier Beauvois. Le « maitre-Jacques » de la soirée explique que ce qui a décidé Lévy et ses amis à agir, c’est le « silence assourdissant de la communauté internationale et des grandes consciences » sur la Syrie (on ne doit pas regarder la même télévision !) Il est interrompu par un jeune homme barbu qui dénonce, au nom de l’opposition syrienne, l’escroquerie politique et morale de cette réunion, dont le but n’est pas vraiment de soutenir le peuple syrien : le perturbateur est ceinturé par deux ou trois malabars et évacué sans ménagement vers une sortie, mais continue de hurler son indignation.

Un autre pilier de la revue de BHL, Bernard Schalscha, lui succède pour raconter la genèse de l’opération SOS Syrie. Mais cette fois c’est une jeune fille arabe, épaulée par un garçon, qui se lève et crie que les organisateurs de la réunion se foutent bien du peuple syrien, et d’ailleurs elle les désigne franchement comme « sionistes » : elle et son compagnon sont expulsés à leur tour par les gros bras. Shalscha fait le malin imperturbable : « Quand ces gens-là disent « sionistes », explique-t-il, il faut traduire par « juifs »". Ce qui lui attire une nouvelle réaction depuis le fond de la salle : un type se lève à son tour et dit que « sioniste, désolé, mais ça veut dire sioniste ! » ; le ton est moins agressif, mais ferme ; Schalscha lui demande, un rien menaçant, de se taire ou de partir. Obéissant ou expulsé - nous n’avons pas bien vu - l’intervenant se tait. La réunion peut suivre tranquillement son cours mensonger.

BHL & son téléphone rouge

A 21h10 BHL monte au micro : pendant un quart d »heure, il explique comment avec une poignée d’amis, il a ressenti la nécessité de faire quelque chose pour ce peuple syrien si sympathique comme il l’avait déjà fait avec André (Glucksmann) et Bernard (Kouchner) pour la Bosnie, la Tchétchénie (un coup de patte à Poutine, soutien de Bachar, au passage) ou encore le Darfour. Et BHL, qui, il faut le reconnaître n’a peur de rien, de citer sa démarche exemplaire pour le cas libyen : « J"ai passé un coup de fil, au bon numéro, dit-il en substance, et tout est allé très vite ! » Eh oui, un simple coup de fil à son ami Sarkozy, par-dessus la tête du ministre Juppé, et la guerre a aussitôt démarré en Libye, simple mais il fallait y penser ! Lévy-Botul évoque aussi l’engagement solennel pris par sa revue de soutenir la révolution syrienne jusqu’au départ de Bachar al-Assad, et dans l’immédiat d’accueillir les étudiants syriens désireux de poursuivre leur cursus en exil. L’ex-mari d’Arielle Dombasle dit encore que la France est un pays de débats, parfois violent, mais où les gens biens de droite et de gauche savent s’unir pour la bonne cause. Si tous les gars du petit monde de Saint-Germain-des-Prés pouvaient se donner la main…

L’animateur-modérateur (sic) de la réunion lit ensuite des messages de soutien de Martine Aubry et de Bertrand Delanoe, des « gens biens » de gauche qui, sur ce sujet comme sur d’autres, disent la même chose que les « gens bien » de droite Sarkozy et Bayrou. Tout de même, présidentielle oblige, Martine lance un coup de griffe à Nicolas, coupable d’avoir invité Bachar al-Assad à un récent défilé du 14 juillet.

Tiens, une Syrienne ! C’est Lama Atassi, présentée par BHL comme issue d’une grande famille de Syrie, et en tout cas membre de cette opposition sous influence américaine et sous domination des Frères musulmans, qui a tenu naguère congrès à Antalya en Turquie. Lama Atassi, jeune femme parlant un bon français, explique que son discours a été rédigé avec l’aide des plumitifs de la Règle du Jeu décidément très attentionnés pour les Arabes. Il est, ce discours, sans surprise, maximaliste, appelant au soulèvement anti-Bachar ; Mlle Atassi ne parle pas des Frères musulmans, pourtant présents en force à Antalya, ni d’ailleurs des opposants plus modérés réunis voici quelques jours à l’hôtel Sheraton de Damas. Peut-être que ça gênait les co-rédacteurs de La Règle du Jeu…

Après c’est le réalisateur comblé du film Des hommes et des dieux, Xavier Beauvois, qui monte à la tribune ; il donne vite le sentiment de moins bien parler le français que Lama Atassi, et bafouille de toutes façons les lieux communs bien pensants qui lui servent apparemment de vision du monde et de la Syrie. Lénine appelait ce genre de compagnon de route des « idiots utiles« . Beauvois, « trop rebelle » comme disent les jeunes, passe des manifestants de Deraa aux sans-papiers en France, espérant que de nombreux réfugiés syriens en obtiennent très vite (des papiers) du gouvernement français.

Kouchner : une intervention militaire hélas « impensable »

Puis le théoricien du droit d’ingérence, Bernard Kouchner lui-même, prend la parole : de ce ton grave et « inspiré » - un peu le registre Dominique de Villepin - qu’on lui connaît, l’ex-ministre-potiche des Affaires étrangères de Sarkozy crache carrément le morceau : il faut, en renversant Bachar, briser l’axe Hamas-Hezbollah-Damas-Téhéran, trop peu « american & israelian friendly » en quelque sorte. Hélas, reconnaît-il, une intervention militaire en Syrie est impensable, car il n’existe pas de consensus là -dessus à l’ONU (nouvelle allusion perfide à la Russie, autre grand méchant de la soirée). Kouchner reconnaît aussi que le précédent irakien est plutôt un « mauvais exemple« , qui continue de polluer un peu son concept d’ »ingérence humanitaire », avec notamment le sort peu enviable des minorités chrétiennes livrées à la haine des extrémistes musulmans. Bref, c’est mal parti pour faire grand chose contre le régime de Damas, mais Kouchner réclame quand même, pour le principe, le départ de Bachar.

Place à Radwan Badini, professeur d’université et président de « Syria in change for Democracy » (en américain dans le texte), un autre congressiste d’Antalya. Lui parle surtout pour la minorité kurde, dont il est issu. Notamment il dénonce la politique d’immigration arabe du gouvernement syrien en zone kurde qui tend à faire basculer la majorité démographique. Que pensent BHL et ses séides de cette dénonciation de l’immigration-invasion ? Tout de même, Radwan Badini se réclame d’une Syrie unie, et refuse toute intervention étrangère, même si elle est déclenchée sur simple coup de fil de BHL.

Et voici Jane Birkin, idiote plus trop ravissante et fidèle compagnon de toutes les manips de la bande à Lévy : de sa voix de très vieille petite fille ingénue-bouleversée, elle lit le message d’un opposant syrien de l’intérieur qui parle, entre autres, de filles violées devant leurs mères, d’enfants tués devant leurs parents : un moment d’émotion démocratique.

A qui le tour ? A Axel Poniatowski, député UMP, chargé de représenter ce soir, par ordre décroissant d’importance, la droite, le gouvernement et Jean-François Copé. On retiendra de sa péroraison qu’il mélange allègrement les situations de la Tunisie, de l’Egypte, de la Libye, oubliant que MM Ben Ali et Moubarak étaient les meilleurs amis de ses amis américains et israéliens. A un moment, Axel P. commet un lapsus assez révélateur, dénonçant la « Russie » au lieu de la Syrie ! Sinon, le député sarkozyste déplore comme son ami « Bernard » (Kouchner) qu’une intervention de type OTAN soit impossible en Syrie, regrette que la Ligue arabe refuse de condamner le régime de Damas, mais met tout son espoir de démocrate dans de sévères sanctions économiques et financières.

Puis c’est un nouvel opposant syrien, Ashraf Almmoqdad de Deraa et d’ailleurs, paraît-il, cousin du jeune Hamza, martyr officiel de l’opposition syrienne ; dirigeant d’un syndicat étudiant de Damas, il est le seul à s’exprimer en arabe, mais c’est pour dire peu ou prou la même chose que BHL.

De l’air !

C’est là que nous avons décidé d’interrompre l’expérience, loupant ainsi un message enregistré de François Bayrou et un prêche « en direct » d’André Glucksmann. Cécile Duflot, des Verts, et Rama Yade, de la gauche de la droite, se sont, paraît-il, contentées de se montrer. Nous avons, de toute façon, compris le message de la soirée : Vive la Syrie sous influence atlanto-sioniste !

Nous quittons le cinéma Saint-Germain, pour un soir point de critallisation de l’escroquerie intellectuelle et du mensonge politique, en nous demandant si BHL et ses amis poursuivront leur combat pour une Syrie libre au Café de Flore ou bien chez Lipp.

Et puis aussi nous avons une petite pensée triste pour les opposants syriens sincères : à partir du moment où leur cause est prise en main par un Bernard-Henri Lévy, elle est évidemment déshonorée, décrédibilisée, en attendant d’être démodée.

http://www.infosyrie.fr/actualite/escroquerie-infosyrie-etait-au-meeting-pro-syrien-de-bhl/

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Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse :
renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement.

H. Krazucki
ancien secrétaire général de la CGT

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