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La Belgique et la démocratie ? Les institutions internationales s’inquiètent

Des femmes renvoyées en Iran alors qu’elles risquent d’y être condamnées pour avoir fui le pays, pas d’accès systématique à un avocat pour des manifestants arrêtés abusivement, manque de sanctions à l’égard d’agents de police ayant fait un usage excessif de la force, un manifestant pacifiste tabassé par un policier au Steenrock 2011. L’ONU, Amnesty International et la Cour européenne des droits de l’Homme s’inquiètent.

La démocratie parfaite est probablement une utopie inatteignable. Il y a cependant des seuils à ne pas franchir et au-delà desquels la qualité démocratique d’une nation peut être sérieusement remise en doute. Serait-ce le cas de la Belgique ? Ce pays serait-il encore une démocratie qui respecte les droits fondamentaux de ses résidents ? Trois événements concomitants nous amènent à nous poser cette question.

Le premier concerne le traitement des femmes iraniennes. Alors que la situation en Iran apparaît très instable et que le pays est secoué par la contestation, alors que le régime des mollahs n’a jamais été aussi dur, la Belgique décide de renvoyer vers Téhéran le 20 mai 2011, deux femmes ayant demandé l’asile. A notre connaissance, cela n’avait jamais été décidé jusqu’à présent [1]. La Cour européenne des droits de l’Homme a pourtant condamné la Suède pour avoir voulu renvoyer des migrants vers Téhéran. Il faut savoir que le régime iranien apprécie peu les demandeurs d’asile déboutés. Une Cour spéciale existe à l’aéroport de Mehrabad à Téhéran pour les réceptionner. Ceux-ci sont alors détenus et longuement interrogés. En Iran, il n’est pas permis de sortir du pays sans autorisation du régime. Un citoyen peut donc être condamné pour avoir quitté le pays sans permission et pour avoir « insulté » le régime à l’étranger (Cour européenne des droits de l’Homme, 2010). Pour ne pas se salir les mains, la Belgique s’appuie sur la Convention de Chicago [2] pour demander à la Turkish Airlines de renvoyer les demandeurs d’asile iraniens à sa place. Dans une déclaration à un journaliste, l’office des étrangers (l’institution en charge de l’expulsion des sans-papiers en Belgique) a d’ailleurs nié sa responsabilité en affirmant que les migrants ne seraient pas renvoyés vers l’Iran mais bien vers Istanbul [3]. Nous avons néanmoins la preuve qu’il s’agit d’un vol à destination de Téhéran via Istanbul . Cependant, la Belgique ne s’estime pas responsable au-delà d’Istanbul. Ce même type de procédé a déjà été utilisé en mai 2011 pour renvoyer une famille afghane à Kaboul via Moscou.

Un deuxième événement vient confirmer nos craintes de dérives antidémocratiques. Le Comité des droits de l’Homme de l’ONU s’inquiète de l’usage excessif de la force par la police belge :

« Le Comité des Droits de l’homme [...] reste préoccupé concernant l’usage excessif de la force par la police Belge […] et le manque de garantie d’accès à un avocat pour les détenus dans les premières heures de détention. […] Le Comité s’inquiète également du manque de sanctions contre les violences excessives perpétrées par des agents de police ». (Traduction de l’anglais sur base du communiqué des Nations Unies, 2010).

Les craintes exprimées par l’ONU proviennent des dérapages policiers du type de ceux des arrestations massives non justifiées s’étant produit lors des manifestations du 29 septembre et du 1er octobre 2010 à Bruxelles. Ces arrestations abusives ont été dénoncées par Zoé Genot (2010) au Parlement fédéral de Belgique mais aussi par Amnesty international (Le Soir, 2011) ainsi que par l’ONU (Nations Unies, 2010). Il y a eu des insultes de la part des policiers tel que « sales chômeurs » ou « wallons ». Le pantalon de certaines manifestantes a été baissé de force. Des policiers les ont ensuite menacées de les violer en affirmant qu’ils allaient « se la faire ». Certaines arrestations furent extrêmement violentes. Des manifestants qui se sont livrés les mains en l’air à la police ont été agressés, tandis que d’autres, au sol et/ou menottés, ont été roués de coups de pied. Plusieurs enregistrements en témoignent. Et pourtant, les policiers ont tout fait pour empêcher que ces scènes soient filmées ou photographiées, en menaçant des journalistes. Deux films diffusés sur You Tube témoignent de cette atteinte à la liberté de la presse ainsi qu’au droit de manifestation :

Vidéo n°1
Vidéo n° 2

Et comme si cela ne suffisait pas, huit mois plus tard, un autre dérapage impressionnant se déroule en Belgique. Le samedi 7 mai, Ricardo se rend au "Steenrock", un festival en soutien aux étrangers détenus dans le centre fermé de Steenokkerzeel. Alors qu’il arrive à proximité du centre devant lequel le festival se déroule, ce jeune chilien fait l’objet d’un contrôle d’identité qui va déraper de manière incompréhensible. Ricardo ne comprend pas le néerlandais et le policier ne s’adresse pas à lui en français. Il s’en suit une remarque désobligeante de la part du festivalier. Ricardo aurait demandé, non sans humour, s’il pouvait avoir des sous-titres. Les deux policiers se mettent alors à discuter en néerlandais. L’un deux répond « ja ja » calmement. Puis soudainement, survient une inattendue explosion de violence envers le jeune homme. Gilles, qui a assisté à toute la scène nous l’a décrite : « C’était d’une violence terrible, le premier coup semblait prévu pour tuer ou briser ! J’ai cru qu’il allait lui casser la tête tant il lui donnait de coups… Le sang a véritablement giclé… Pourtant, à aucun moment le jeune homme ne s’est montré menaçant, il demandait plutôt grâce ! Ensuite, alors qu’il était ensanglanté, effondré à terre, les policiers ne lui ont apporté aucun soin ! Au contraire, celui qui l’avait frappé s’est encore assis sur lui pour le menotter… Le jeune homme hurlait, le policier lui a alors gueulé de se calmer, alors qu’il venait de lui arracher un bout de lèvre, ou de joue, qui pendait de la mâchoire… C’était effroyable ! ». L’autre policier, présent et actif sur les lieux, n’a pas pris la peine de retenir son collègue. Il est resté posément sur le côté, à assister tranquillement à ce déchaînement de violence.

La victime s’est vu poser une vingtaine de points de suture, avant qu’un scanner ne révèle de multiples fractures aux mâchoires et la perte de plusieurs dents, nécessitant une opération immédiate. Son immobilisation et sa rééducation vont durer plusieurs mois. Personne ne peut dire dans combien de temps il pourra, simplement, se remettre à manger et à parler comme avant. Le témoignage de Ricardo peut être visionné sur Youtube (vidéo n°3). Rien ne peut excuser cette agression de la part des forces de l’ordre. Tout policier qui cède à la colère pour des mots qu’on aurait pu lui proférer ne possède pas une maitrise suffisante de soi pour assurer l’ordre public. Une telle responsabilité est au-delà de ses capacités.

Qu’adviendra-t-il des victimes de ces trois événements. Bien qu’elles soient suivies par des avocats, les décisions de justice satisferont-elles aux exigences de la démocratie ?

La CRER, Zoé Genot (députée fédérale ECOLO), l’Union des Progressistes Juifs de Belgique, le CRACPE, le SIREAS, le SCI et JAVVA.

Sources :

Communiqué des avocats, vendredi 20 mai 2011. Pour la première fois, la Belgique décide de renvoyer des femmes vers l’Iran. Par Selma Benkhelifa et Yvo Flachet.

Communiqué de presse de La Ligue des droits de l’Homme, Bruxelles Laïque et la Coordination contre les Rafles, les Expulsions et pour la Régularisation - mardi 10 mai 2011).

Cour européenne des droits de l’Homme, 2010. R.C. v. Sweden, Application no. 41827/07, Council of Europe : European Court of Human Rights, 9 March 2010, available at : http://www.unhcr.org/refworld/docid/4b98e11f2.html [accessed 20 May 2011].

Le Soir, 2011. Amnesty dénonce la politique d’asile de la Belgique. Vendredi 20 mai. URL : http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2011-05-20/amnesty-denonce-la-politique-d-asile-de-la-belgique-841156.php

Nations Unies, 2010. Human rights committee concludes one hundreth session. Adopts Recommendations on the Reports of Belgium, El Salvador, Hungary, Jordan and Poland, 29 October 2010. URL : http://www.unog.ch/80256EDD006B9C2E/%28httpNewsByYear_en%29/4F4E6930E6AD9487C12577CB004A469E?OpenDocument

Zoé Genot, 2010. Questions parlementaires. En marge de l’Euro manif et du No Border Camp, des dérapages policiers inacceptables ! Pour la ministre tout va bien. Chambre des représentants - Commission de l’Intérieur - Réunion du 5 octobre 2010 - Extrait du compte rendu intégral CRIV 53-COM001]. URL : http://www.zoegenot.be/En-marge-de-l-Euro-manif-et-du-No.html

[1Heureusement pour Laleh, la Cour européenne des droits de l’Homme à suspendu son expulsion au dernier moment. Khadije a, quant à elle, refusé l’expulsion du 20 mai. Elle a été maltraitée et est en état de choc. Si une prochaine expulsion est programmée, y résistera-t-elle ?

[2La Convention de Chicago, entrée en vigueur en 1947, a instauré l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), une agence spécialisée des Nations unies. Celle-ci précise les droits et devoirs des 52 pays signataires en matière de droit aérien relatif au transport international. Cette convention établit que les compagnies sont responsables de leurs passagers. C’est la raison pour laquelle un Etat peut s’appuyer sur la Convention de Chicago pour exiger qu’une compagnie qui aurait amené des sans-papiers sur son territoire répare cette « erreur » en les rapatriant vers la destination d’où ils viennent

[3Dans un email à l’avocate en charge de la défense des iraniennes, l’Office des Etrangers a confirmé qu’il s’agissait bien du vol TK1940 du 20/05/2011 de 17:30 à destination de Téhéran via Istanbul.


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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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