L’armée a-t-elle pris le pouvoir en Egypte, ou se prépare t’elle à le faire ? C’est la question que l’on peut se poser ce dimanche.
Vendredi soir, Hosni Moubarak annonce la démission de son gouvernement et directement quelques heures après, coup sur coup il nomme deux militaires aux postes les plus importants pour essayer de rétablir la situation en Egypte : Omar Souleiman, chef des services de renseignements au poste de vice-président, une fonction qui n’existait pas jusqu’à maintenant en Egypte du moins plus depuis 1981 et Ahmed Chafiq ancien chef d’état-major de l’armée de l’air pour former un nouveau gouvernement.
S’agirait-il d’une sorte de coup d’état en douceur ? On pourrait effectivement le penser surtout qu’il semble que Moubarak ait agi ainsi sous la pression des militaires, qui jusqu’à maintenant ne semblait pas vraiment vouloir intervenir pour juguler les manifestations, on a même vu des scènes de fraternisations entre les manifestants et les soldats, mais depuis les dernières heures, l’attitude des militaires semblent devenir plus ferme.
Ce qui est certain en tous cas, c’est qu’en nommant Souleiman vice-président, Moubarak a choisi d’abandonner définitivement l’idée que son fils Gamal Moubarak puisse lui succéder. Surtout que l’affairisme de celui-ci et de son entourage d’hommes d’affaires plus ou moins véreux, profitant de leurs positions pour s’enrichir personnellement avec un mépris hautain pour la population souffrant de l’inflation galopante et d’un chômage dont personne dans lesz cercles du pouvoir ne s’est jamais préoccupé. Gamal Moubarak et son cercle intime sont d’ailleurs une des raisons première qui ont suscité la colère du peuple égyptien, mais également agacé l’armée. Exit donc la succession dynastique.
Mais maintenant la donne risque de changer : l’armée a le pouvoir en main et elle pourrait bien s’en servir, mais sera-t-elle vraiment capable d’empêcher le peuple égyptien d’effectuer SA révolution. Les égyptiens savent que aussi bien Souleiman que Chafiq sont non seulement des militaires, mais qu’ils sont également des proches de Hosni Moubarak, le tout est de savoir si le reste de l’état-major de l’armée égyptienne sera d’accord étant donné la situation révolutionnaire, de les suivre, pour l’instant rien de moins certain, surtout en ce qui concerne l’armée de terre.
Par tradition l’armée égyptienne s’est jusqu’à présent toujours tenue à l’écart des questions d’ordre intérieur, mais elle semble prête à rappeler à tous, qu’en fait, c’est elle qui tient en main les clés de l’Egypte. Garante de la stabilité du régime depuis le coup d’état des « officiers libres », qui a renversé la monarchie en 1952, l’armée a fourni tous ses présidents à l’Égypte, y compris Hosni Moubarak, ancien commandant en chef des forces aériennes.
Le peuple égyptien respecte ses militaires tout en en ayant peur, principalement en raison de la discrétion et du secret qui l’entoure. On ne connaît ni le nombre exact de militaires (probablement aux alentours de 500.000) ni le nom des officiers les plus importants de l’état-major.
Avec les militaires, d’autres pays dans le monde l’ont déjà démontré, on sait quand ils prennent le pouvoir en mains, mais jamais combien de temps il faudra attendre avant qu’ils ne le rendent.
Certains analystes pensent que la nomination de Souleiman et Chafiq pourrait être une façon discrète mais digne pour Moubarak de passer la main aux militaires tout en gardant un certain contrôle, mais le peuple égyptien rendu furieux par la centaine de morts et les plus de 2000 blessés, ne semble pas vouloir se contenter de ces manoeuvres politiciennes et continuent de descendre dans la rue pour exiger le départ de Moubarak !
Luc Torreele
Mediabenews