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La mort de Samuel Ruiz, l’évêque "converti par ses ouailles"

Samuel Ruiz, "Tatic", évêque de San Cristóbal de Las Casas (Jobel), est mort aujourd’hui 24 janvier, à l’âge de 86 ans. Alors que le Mexique traverse une période particulièrement tragique et dangereuse de son histoire, la disparition de cet homme, "converti par les indigènes" du Chiapas, comme il aimait à répéter, laisse un vide. Dès sa nomination, il a travaillé à la construction d’une église nouvelle dans laquelle, pour la première fois dans l’histoire, de nombreux indigènes avaient été ordonnés diacres. En 1974, il avait favorisé et hébergé un Congrès Indigène réunissant plus de 1300 délégués tseltal, tsotsil, ch’ol, tojolabal, zoque, etc. venus de tout l’Etat du Chiapas. Cette réunion avait été à l’origine d’une nouvelle prise de conscience politique pour beaucoup d’entre eux. L’historien (et ami de Samuel Ruiz) André Aubry , décédé en 2007, a écrit que le Congrès Indigène fut une étape essentielle dans le processus qui a donné naissance à l’EZLN.

Dès le soulèvement de 1994, l’évêque Samuel Ruiz (appelé "jTatic","le Père", par les mayas) s’est interposé entre les rebelles et le gouvernement, offrant ses services de médiateur. En même temps, il n’a jamais dissimulé son soutien entier aux principales revendications zapatistes. Plusieurs attentats contre sa personne, perpétrés par des groupes parapoliciers, n’avaient heureusement pas réussi à l’atteindre, ni à l’intimider.

Lors de son départ en retraite, à 75 ans, le Vatican, contrairement à la procédure habituelle, n’a pas investi à sa place l’évêque coadjuteur qui le secondait, Raul Vera. Celui-ci, jugé trop proche des idées de "Tatic", a été envoyé à Saltillo, dans le nord du pays. Pendant toute la décennie qui a suivi l’an 2000, il était demeuré actif.

Le peuple mexicain, et en premier lieu les "pueblos indios", toutes croyances confondues, viennent de perdre avec ce fondateur de la "théologie indigène" un ami et un allié précieux. Des milliers de personnes convergent actuellement vers Jobel (San Cristóbal de las Casas), pour lui rendre un hommage qui est aussi la réitération de la volonté de dignité et de résistance face à un système qui veut leur destruction.

Jean-Pierre Petit-Gras

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