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15 hommes décapités au Mexique - La guerre dont on ne parle pas

51 personnes ont été tuées pendant le week-end dans des incidents violents en connexion avec la drogue au Mexique. Dans la station balnéaire d’Acapulco, un record horrible fut établi quand on trouva dans une centre commercial local les corps de 15 hommes qui avaient tous été décapités. Les têtes coupées étaient agglutinées à proximité. Cette déferlante d’homicides s’ajoute aux 30 000 morts enregistrées depuis que le Président mexicain Felipe Calderon est entré en fonction en décembre 2006. Le nombre quotidien de morts causés par la guerre inefficace de Calderon contre la drogue dépasse maintenant celui des morts d’Iraq et d’Afghanistan réunis.

Ciudad Juarez est devenue la capitale mondiale du meurtre, un fait que les médias étasuniennes ne rapportent pas parce qu’il jette de doute sur la politique mexico-étasunienne contre la drogue. Le président Barack Obama pourrait mettre fin au carnage en changeant simplement de politique, mais il ne le fera pas parce qu’il soutient la militarisation de la lutte contre la drogue avec autant d’enthousiasme que George W. Bush. Et donc la tuerie se poursuit sans relâche.

Le déclenchement de la violence remonte à l’Initiative de Merida, un programme américano-mexicain financé à hauteur de 1,4 milliards de dollars dont le but était de combattre le narcotrafic. Le Plan Mexique, comme on l’appelle aussi, a été signé en 2007 par le président Bush et son homologue mexicain Calderon. Plus de 50 000 soldats mexicains ont été déployés dans les endroits où opèrent les cartels de la drogue. Laura Carlsen, directrice du Programme Américain Politique pour la Ville de Mexico explique que l’administration Obama a augmenté le budget de Merida bien que 200 000 civils se soient enfuis de Juarez, que les affaires et le tourisme soient au point mort et que la ville se soit transformée en une zone où l’on peut faire feu à volonté comme dans Mad Max. Voici ses mots exacts :

"L’administration Obama a soutenu le Plan Mexique et même demandé et obtenu du Sénat des fonds supplémentaires plus importants que ceux qui avaient été requis par l’administration Bush. Depuis que Calderon a lancé la guerre de la drogue il y a trois ans avec le soutien du gouvernement des USA, la violence en lien avec la drogue est montée en flèche jusqu’à atteindre plus de 15 000 exécutions et les rapports officiels sur les violations des droits humains sont six fois plus nombreux....Washington, tout en reconnaissant qu’il y a de sérieux problèmes avec ce type de guerre de la drogue, continue d’affirmer stupidement que la montée de la violence est un bon signe -elle signifie que les cartels sentent monter la pression..."

L’aile dure de Washington continue de soutenir Merida en dépit de l’évidence de son échec patent. Voici un extrait d’un discours de Roger F. Noriega du American Enterprise Institute qui montre comment la ligne dure justifie la politique actuelle :

"La violence que provoque la politique antidrogue du Mexique est la preuve tangible que le président Felipe Calderon a mis fin à la politique tacite des leaders politiques mexicains antérieurs envers le narcotrafic, à savoir de faire semblant de ne pas voir leurs activités criminelles... Même si on peut à juste titre considérer que la stratégie mise en oeuvre par Calderon revient à tenter d’écraser un nid de frelons avec une tapette, il est impossible d’évaluer le coût de la politique antérieure qui tolérait la criminalité...

Le congrès devrait mieux soutenir la campagne courageuse du gouvernement mexicain.... Calderon peut prouver aux USA le sérieux de son engagement en redoublant d’efforts pour empêcher les immigrés illégaux de franchir la frontière car ils jouent un rôle capital dans le trafic de drogue illicite et irritent les conservateurs du Congrès qui sont très sensibles aux problèmes de sécurité.

Quand le Congrès étudiera le problème du trafic de drogue, il se rendra sans doute compte que l’Amérique Centrale a désespérément besoin de davantage de financement, d’équipement et de soutien technique... L’administration Obama a conçu un programme complémentaire d’environ 500 millions de dollars pour le Mexique et l’Amérique Centrale. Mais ce niveau de soutien n’est pas suffisant pour empêcher les états d’Amérique Centrale de devenir des territoires ingouvernables où des criminels opèrent en toute impunité." ("Latin American Action Agenda for the New Congress", Roger F. Noriega , American Enterprise Institute)

En d’autres termes, la stratégie échoue seulement à cause du manque de financement, et pas parce qu’elle est inadéquate. C’est une erreur. Cela fait quatre ans que le Plan Mexique fonctionne et la violence augmente énormément et ne diminue pas du tout. Plus de 30 000 civils ont déjà été tués. Alors combien de morts faudra-t-il pour qu’on reconnaisse que le Plan a échoué ? 60 000 ? 120 000 ? un million ? La vérité est que l’armée n’est pas le bon outil pour combattre le crime. Tour le monde le sait.

Si on étudie des statistiques récentes on se rend compte à quel point Calderon a rendu la situation inextricable. Selon Stop the Drug War : "La ville et les alentours de Juarez ont terminé l’année avec 3 111 meurtres, dont 304 femmes, 149 membres de différents organismes chargés de faire appliquer la loi dans la ville, et 187 mineurs. Le mois le plus violent dans la ville a été octobre ; au cours de ce mois 359 personnes ont été assassinées." ("Mexico Drug War Update", stopthedrugwar.org)

Beaucoup de ces vies auraient pu être sauvées si des tactiques traditionnelles d’investigation policière avaient été utilisées au lieu des maladroites forces militaires. Combien on arrête de responsables du trafic de drogue aux barrages de l’armée à votre avis ?

En vérité l’Initiative de Merida est juste un écran de fumée. L’objectif réel de la Guerre de la Drogue est de maintenir les pauvres à leur place. Le directeur de Counterpunch, Alexander Cockburn et Jeffrey St Clair résument très bien tout cela dans leur livre "Whiteout" :

"Au niveau intérieur (au Mexique NdT), ’la guerre de la drogue’ a servi de prétexte au contrôle social, comme ce fut le cas lors de la mise en oeuvre raciste des lois de la drogue contre les paysans d’origine chinoise pendant la récession des années 1870 quand ces travailleurs étaient vécus comme de la concurrence déloyale pour les emplois en diminution....

" Des instructions secrètes du président Nixon nous aident à y voir clair. H.R. Halderman a relaté dans son journal un briefing du président de 1969 avant le début de la guerre de la drogue : ’Nixon a insisté sur le fait qu’il faut admettre que les noirs sont le vrai problème. La clé est d’élaborer un système qui règle ce problème sans que cela se voit.’

" Quel ’système’ au juste a été élaboré ? Le Anti-Drug Abuse Act de 1986 avec ses 29 nouvelles peines plancher, et le ratio de un à cent entre la possession de crack et celle de cocaïne a permis de mettre en prison un nombre disproportionné de noirs.

" Alors appeler à ’un dialogue vraiment ouvert et honnête’ au sujet de la politique de la drogue, comme le réclament tous les signataires distingués de l’appel paru dans une page publicitaire, est à peu près aussi réaliste que de demander au gouvernement des USA de nationaliser l’industrie du pétrole. Intrinsèquement la guerre de la drogue est une guerre contre les pauvres et les classes dangereuses ici et partout ailleurs. Combien de gouvernements accepteraient d’y renoncer ?"

La guerre de la drogue est une imposture, mais son coût est réel. Il suffit de poser la question aux membres de la familles des 30 000 victimes.

Mike Whitney habite dans l’état de Washington. on peut le joindre à fergiewhitney@msn.com

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/whitney01112011.html

Traduction : D. Muselet pour LGS

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