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SCIENCE POPO Ou plutôt : sciences plombières

Suite du Manifeste fondateur de la Science Popo par Alexis Leclef, paru dans le numéro 60 du Batia Mourt Sou

Invité : La Brucellôse une miction de l’Observatoire Bruxellois du Clinamen. L’idée de ce vecteur d’informations est à récupérer pour les toilettes de votre entreprise. Lien :

La croyance religieuse recule lorsque l’explication par l’histoire progresse, lorsque la conception que tout se transforme supplante les principes immuables qui immobilisent les choses de la vie. De même, les dieux mis à l’oeuvre pour définir un monde qui convient puissants sont congédiés lorsque le monde est considéré comme susceptible de renversement par ceux qui les oppriment. A l’inverse, une conception du monde qui récuse l’histoire et le changement renoue avec la pensée religieuse.

C’est précisément ce que fait la science politique, cette religion nouvelle, contemporaine et post-moderne (voir le Batia précédent, n° 59). Concernée par la question du pouvoir, elle considère celui-ci comme éternel et immuablement tout-puissant. Le pouvoir, celui de l’État tel que nous le connaissons, est posé comme ce nouveau dieu intouchable et intemporel, à l’horizon indépassable. Phénomène sans histoire, il est donné comme un présent éternel, sans passé qui l’ait vu apparaître, sans futur menaçant sa survie. Sans commencement ni fin. Sans naissance ni mort. Indéracinablement là . «  Au commencement était le Parlementarisme bourgeois, et il était auprès de Dieu, et il était Dieu » énonce l’évangile selon Saint Popo.

Illustration : Joseph Ghin : Marelle au corps

Expliquer le fonctionnement de la démocratie parlementaire ne veut pas nécessairement dire s’y soumettre, la défendre et la soutenir contre vents et marées comme l’horizon indépassable de l’organisation de la société. Pourtant, c’est ainsi que la science politique le comprend : se mettre à son service. Comme si l’objet d’une étude devait obligatoirement être le pote de celui qui veut en rendre compte. «  Un seul État tu aimeras et adoreras parfaitement » est la première des lois gravées dans la pierre par le Dieu jaloux Popo.

Théorie fondatrice des sciences politiques, le systémisme (ou, si l’on préfère, le structuro-fonctionnalisme, recyclage politologique du structuralisme) domine toujours aujourd’hui la science politique. Arme de guerre contre l’explication historique, le systémisme considère dans son principe la société comme une machine qui tournerait perpétuellement sur elle-même, se reproduisant sans cesse et sans fin. Nouvelle religion, elle remplace le monde céleste par la modélisation du monde terrestre : par un modèle censé rendre compte de la réalité, dans le cadre étriqué et abstrait duquel la réalité étudiée doit se rétrécir et se conformer.

Pour le modèle systémiste, il y a non plus le Ciel et la Terre, mais l’État et la Société. Dans leur plus simple expression évangélisatrice, ceux-ci se résument en ce qu’on appelle les «  gouvernants » (dans le rôle de l’État) et les «  gouvernés » (dans le rôle de la Société). Les gouvernants gouvernent et les gouvernés sont gouvernés. Rien de plus simple dans ce principe !

Du modèle, on fait un schéma : la science politique aime les petits dessins ! On y représente les gouvernants par un petit rectangle (vu qu’ils sont logiquement moins nombreux), mais situé en haut (vu qu’ils gouvernent), et les gouvernés par un grand, situé - imaginerait-on autre chose ? - en bas. Ces rectangles sont reliés entre eux par deux flèches. Une qui monte vers le petit rectangle des gouvernants (elle leur achemine ce que l’on appelle doctement en américain de cuisine les «  inputs »). Et l’autre qui nécessairement descend vers le rectangle des gouvernés (elle y déverse les dénommés «  outputs »). La boucle est ainsi bouclée et le système tourne sur lui-même. En cela réside tout le secret du «  système systémiste » : tout y passe en boucle, comme pour l’éternité.

Mais ce n’est pas tout. Pour mieux faire transiter la marchandise (les «  inputs » et les «  outputs » donc), on flanque les flèches de petits ronds. Ils représentent les appareils destinés à faciliter le trafic. Ce sont les partis politiques et les groupes de pression (les syndicats par exemple, mais cela peut être aussi être les associations de consommateurs ou la SPA si d’aventure la question concerne les animaux autres qu’humains).

Reste donc à faire «  fonctionner » la structure (ne l’oublions pas, le systémisme est un recyclage fonctionnaliste du structuralisme). Les choses se passent comme suit dans la vulgate systémiste : lorsqu’un problème apparaît, les gouvernés se remuent et formulent des demandes aux gouvernants par l’intermédiaire des partis et de leurs groupes de pression (flèche ascendante). Les gouvernants, ainsi informés, s’empressent de traiter ces demandes, élaborent et mettent en oeuvre des solutions qui seront proposées aux gouvernés aux bons soins de ces mêmes partis et groupes (flèche descendante).

A quoi rime ce modèle systémiste ? Tout s’y passe en fait comme si l’eau qui s’échauffe dans la cuve inférieure des gouvernés allait, via la tuyauterie (les flèches) et les vannes (les petits ronds) se refroidir dans la cuve supérieure des gouvernants. Mais est-ce vraiment cela la politique ? A bien y regarder, le schéma ressemble furieusement… à de la plomberie. Pourtant, s’il existe une «  science politique », il n’y a pas de «  science plombière ». Voilà qui est injuste. D’autant plus que, quand le politologue prétend expliquer un problème, il ne le résout pas. Le plombier, lui, y parvient le plus souvent. Quand donc introduira-t-on à l’université, en remplacement salutaire de la science politique, la science plombière ?

Alexis Leclef

Ndlr : Le Batia Mourt Sou
( Traduction : Le bateau ivre ) La gazette de l’entre Haine et Trouille, Un journal jovial, crédule, saugrenu mais outrecuidant.
La Haine et la fille de la Trouille ( Terullien ) 3 ieme siècle ).
Parait 4 fois par an, 16 pages, mais quelles pages !
Editeur responsable : Serge Poliart
Illustration de Joseph Ghin : Marelle aux corps
D’autres informations dans les articles suivants.

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