Coordination nationale des salariés de Prévention Spécialisée
UN PAS DE PLUS, UN PAS DE TROP ! !
vendredi 12 décembre 2003, par Jacky Dumoulin
Dans la droite ligne de leurs attaques contre les libertés (décret du 17 Juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance ; Loi d’orientation et de programmation pour la Justice (9 Septembre 2002) ; Loi pour la sécurité intérieure(LSI) -18 Mars 2003 ; loi sur la maîtrise de l’immigration et le séjour des étrangers extra communautaires en France, entre autres... ), Sarkosy, et le gouvernement auquel il appartient, franchissent une étape de plus avec son projet de loi sur la prévention de la délinquance, qu’il compte déposer en Janvier 2004.
– 1) Une attaque frontale contre le secret professionnel
Le texte de ce projet vise notamment à instituer le maire de la commune comme coordinateur de toutes les actions de prévention de la délinquance qui se pratiquent sur son territoire.
Pour rendre efficace cette fonction, le texte institue une obligation, pour les professionnels, de tenir informé le maire de leurs interventions.
Plus qu’une obligation de signalement, il s’agit de systématiser - et de rendre obligatoire - la transmission d’informations au maire, « responsable local de la prévention de la délinquance » :
« Après l’article L. 134-10 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un chapitre 5 ainsi rédigé :
« Chapitre 5- Coordination. Tout professionnel qui intervient au bénéfice d’une personne présentant des difficultés sociales, éducatives ou matérielles, est tenu d’en informer le maire de la commune de résidence ou la personne par lui désignée afin de le substituer.(L’autorité ayant pouvoir disciplinaire peut agir dans les conditions prévues par les règlements professionnels ou administratifs en cas de méconnaissance, par le professionnel, de cette obligation d’information. -(disposition qui s’inspire de l’art.L. 563-6 du code monétaire et financier). Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d’une même personne(ou de personnes composant une même famille) le maire, ou la personne le remplaçant, peut désigner (parmi eux ?) un coordonnateur de l’ensemble des actions mises en oeuvre. Lorsque l’autorité judiciaire est saisie, cette mission lui revient de droit.
Les professionnels visés au premier alinéa doivent se communiquer réciproquement ainsi qu’au maire ou à la personne le remplaçant et, le cas échéant, au coordonateur, tous renseignements et documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Les informations ainsi communiquées ne peuvent être divulguées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l’article 226 -13 du code pénal. Un décret en conseil d’Etat détermine les modalités d’application du présent article. Il fixe notamment la liste des professionnels intervenants au titre de l’action sociale et éducative. »
Il s’agit d’une attaque frontale et sans précédent contre la notion de secret professionnel, et, par là , d’une attaque inqualifiable contre les libertés individuelles.
– 2) Une obligation de délation qui ,au-delà des « seuls »( ! ! ! !) professionnels de l’action sociale et éducative, s’appliquerait à toute une série de citoyens :
Le texte vise les professionnels (et, à mon sens aussi les bénévoles) qui interviennent « au profit de personnes en difficulté sociale, éducative ou matérielle ». Seront donc soumis à cette disposition, les éducateurs, les assistants sociaux, tous les acteurs salariés de l’action sociale, éventuellement les médecins des services sociaux, etc.... mais il n’en reste pas là ! Il vise également les enseignants et tous les acteurs de la communauté éducative des établissements scolaires, à travers leur participation aux CESC (Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté). Les CESC sont rendus obligatoires dans chaque établissement, dans le cadre de ce projet de loi, et positionnés comme « participant à la politique de prévention de la délinquance » :
« Article 15 « L’article L. 421-8 du code de l’éducation est ainsi rédigé : Art. L. 421-8 : Un comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, présidé par le chef d’établissement, est mis en place dans chaque collège, lycée, centre de formation des apprentis et établissements d’enseignement du second degré et techniques privés. Au niveau de l’établissement, il constitue, par la mobilisation de tous les membres de la communauté éducative, le cadre de définition et de mise en oeuvre de l’éducation préventive et citoyenne, et de coordination et communication avec les élèves et leurs familles, ainsi qu’avec les partenaires locaux de la prévention (notamment la commune, le conseil général, la justice, la police et la gendarmerie nationales). (....) »
Nous sommes nombreux, dans le secteur de la prévention spécialisée, à nous être déjà opposés aux nombreuses tentatives (menées notamment par l’Assemblée des Départements de France (ADF)), de remettre en cause les principes fondateurs de notre action (en tentant de faire valider le remplacement de l’obligation du secret professionnel - à laquelle nous sommes actuellement soumis en tant qu’acteurs de l’Aide Sociale à l’Enfance - par les notions floues et ambiguës de « confidentialité » ou de « secret partagé », qui ne reposent sur aucune base juridique).
Nous avons déjà exprimé notre volonté que nos actions continuent de relever prioritairement des départements et ne se trouvent pas placées sous l’autorité des élus locaux « de proximité », que sont les maires des communes, dont - par définition - les priorités ne recouvrent pas les nôtres.
Nous voyons, dans la démarche engagée, une attaque grave contre les conditions d’exercice de nos professions et une étape supplémentaire vers une société du contrôle généralisé et de la délation instituée : une société victime de l’obsession sécuritaire.
Nous ne laisserons pas franchir ce pas supplémentaire vers l’indistinction des rôles et la délation généralisée ! ! !
>>> Je pense qu’il n’est pas impossible que nous nous trouvions de nouveau devant une des techniques préférées de notre gouvernement : annoncer le pire, voir comment çà réagit, si çà réagit trop, faire celui qui a écouté le peuple, cad revenir partiellement en arrière pour n’imposer qu’une partie du « pire », (mais du « pire » quand même) : à leurs yeux, ce qui est pris n’est plus à prendre ! ! ! ! !
Source : Coordination nationale des salariés de Prévention Spécialisée : http://www.prevention-specialisee.fr.st/
– Le Nouvelobs.com publie l’avant projet Sarkozy en intégral : http://permanent.nouvelobs.com
– La dépêche de l’ AFP