La décision du gouvernement espagnol d’envoyer l’armée prendre le contrôle des tours de contrôle des aéroports dans le but de mettre fin à la grève des contrôleurs du ciel est un avertissement à toute la classe ouvrière.
Le gouvernement du Premier Ministre Luis Zapatero du Parti Espagnol des Travailleurs Socialistes (PSOE) a donné à l’armée un pouvoir considérable en décrétant "l’état d’alerte" qui abolit des droits démocratiques essentiels. Cette décision montre que ce gouvernement socialiste en en réalité tout à fait de droite. Dans sa détermination à imposer la volonté de l’aristocratie financière, il prend des mesures qu’on n’a plus jamais vues depuis la fin du régime fasciste du général Franco en 1975.
Le spectre d’un état policier plane à nouveau sur l’Espagne. Les 2 200 contrôleurs aériens ont été forcés de retourner au travail à la pointe du pistolet vendredi et samedi derniers. Des soldats armés gardent actuellement les tours de aéroports pendant que les employés dirigent le trafic aérien sous la menace d’être arrêtés s’ils cessent le travail.
Pour essayer de justifier ces actes, le Vice Premier Ministre Alfredo Pérez Rubalcaba a dit que les employés "tenaient en otage le pays" pour défendre leurs "privilèges inacceptables." Il a ajouté : "Le résultat immédiat est que les contrôleurs ont reçu l’ordre de retourner au travail et peuvent être accusés de crime selon la loi militaire s’ils refusent. L’état d’alerte durera 15 jours pour commencer."
L’explication de Rubalcaba est le contraire de la vérité. Ce ne sont pas les contrôleurs aériens qui prennent le pays en otage pour défendre leurs privilèges, mais la classe dirigeante dont Rubalcaba est le porte parole. Les mêmes méthodes employées contre les contrôleurs seront employées contre n’importe quelle pan de la classe ouvrière qui s’opposerait aux baisses de salaire et à l’austérité. Mercredi dernier, quelques jours seulement avant de décréter l’état d’alerte, l’Espagne a voté une nouvelle série de coupures dans les budgets sociaux.
Pendant toute la durée de l’état d’alerte, les contrôleurs sont soumis au statut de personnel militaire. Les ordres qu’ils ont reçu les rendent passibles, s’ils ne viennent pas travailler, de crime de désobéissance selon l’Article 102 du Code Pénal Militaire, puni d’un ou deux ans de prison maximum.
Le gouvernement PSOE s’est réuni d’urgence pour décréter l’état d’alerte suite à un mouvement de retrait massif du travail des contrôleurs qui a commencé vendredi dernier. Ce retrait, qui a entraîné de graves perturbations dans le trafic aérien dans toute l’Europe, a été provoqué par un décret passé en Conseil des Ministres plus tôt dans la journée du vendredi. Ce décret dégradait considérablement les conditions de travail des contrôleurs en allongeant leurs horaires de travail d’une manière significative.
Le même jour le gouvernement a approuvé le projet de privatiser AENA, la firme contrôlée par l’état qui gère les aéroports.
Quelques contrôleurs qui ont pu parler à la presse ont décrit l’éprouvante brutalité du traitement auquel ils sont soumis. Le Sunday Télégraph rapporte qu’un des employés parlait tout bas sur son portable d’une voix tremblante." Le contrôleur aérien de l’aéroport de Barajas à Madrid a dit : "Je ne peux pas vous parler normalement maintenant. il y a des gardes en civil ici avec des pistolets. Si nous ne nous mettons pas au travail tout de suite nous allons être arrêtés."
Le Bureau du Ministère Public a ouvert des procédures judiciaires contre tous les contrôleurs pour déterminer s’ils ont commis des "crimes" contre le trafic aérien. Le Ministère Public a dit que les employés pourraient être condamnés à jusqu’à huit ans de prison ferme. AENA a entamé des procédures semblables contre 442 contrôleurs, presque un quart de la force de travail.
Ces événements ont mis en lumière le rôle réactionnaire des syndicats qui ont poignardé les contrôleurs dans le dos. Ils ont d’abord dénoncé la grève elle même en la qualifiant de non officielle et de spontanée et ils ont ensuite accepté l’état d’alerte sans quasiment un murmure de protestation.
l’Union Syndicale des Contrôleurs espagnols (USCA) qui représente 97% des contrôleurs aériens n’a même pas commenté la mobilisation de l’armée contre ses membres sur son site Web. Les deux principaux syndicats l’UGT (Union Générale des travailleurs) et CCOO (Commissions des Travailleurs) n’en ont pas parlé non plus.
Pendant que les contrôleurs travaillaient sous la menaces de pistolets, samedi dernier Camilo Cela, le Président de USCA, a appelé les travailleurs " au calme" en disant : "J’en appelle au professionnalisme dont nous avons fait preuve pendant tous ces mois derniers en réponse aux attaques de notre employeur."
La Gauche Unie (Izquierda Unida), la principale formation pseudo-gauche espagnole menée par le Parti Communiste, a soutenu les syndicats en refusant de s’opposer à cet assaut contre les contrôleurs. Samedi dernier, José Antonio Garcia Rubio a publié une déclaration au nom de la Gauche Unie dans laquelle il demandait de ne rien faire contre les mesures prises par le gouvernement car : "la Gauche Unie n’a jamais été d’accord avec les demandes des contrôleurs ni avec leur manière de les mettre en avant."
Cette opération de l’armée est la dernière d’une chaîne de mesures incroyablement répressives prises par les gouvernements d’Europe pour écraser l’opposition populaire aux diminutions drastiques des salaires, des emplois et des programmes sociaux. Dans leur effort pour briser les grèves et les protestations, les partis politiques, qu’ils soient de "droite" ou de "gauche" violent les normes qui régissent de longue date la démocratie.
En Grèce, plus tôt cette année, une grève des camionneurs a été écrasée par l’armée et la police d’assaut a été envoyée plus tard contre les employés en grève du Ministère de la Culture. La police d’assaut a été envoyée contre les ouvriers des raffineries de pétrole en France. En Angleterre des escadrons de police se sont opposés aux protestations étudiantes dans tout le pays et ont procédé à des arrestations massives.
Les gouvernements sont soumis aux diktats des banquiers qui opèrent eux-mêmes avec encore plus de brutalité.
Ce qui se passe en Espagne et dans d’autres pays d’Europe montre que le niveau des coupes sociales qui sont imposées au peuple -pour le faire payer une crise dont il n’est pas responsable- ne peut pas être réalisé dans le cadre des règles démocratiques.
Aujourd’hui le plus urgent, en Espagne, partout en Europe et dans le monde entier, est de bâtir un mouvement politique de la classe laborieuse, indépendant et opposé aux autres partis de l’establishment politique et aux syndicats. C’est seulement ainsi que la classe laborieuse parviendra à mener une véritable lutte politique pour repousser et vaincre l’offensive internationale de l’aristocratie financière.
Le combat contre les mesures dictatoriales et pour la défense de la démocratie n’est pas un problème national. Il faut que les travailleurs s’unissent au niveau mondial pour organiser une contre-offensive contre l’élite financière. Une telle lutte doit avoir pour but ultime de destituer les gouvernements qui commettent ces attaques et de les remplacer par des gouvernements démocratiques de travailleurs déterminés à mettre en place une politique sociale.
Pour consulter l’original : http://www.wsws.org/articles/2010/dec2010/pers-d06.shtml
Traduction : D. Muselet pour LGS