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Chili : Le calvaire de Gustavo Daza

Le cas de Gustavo Daza est symptomatique des évènements qui se sont déroulés sous la dictature. Cependant, si les exactions commises par les militaires dans les premiers temps sont de notoriété publique, on aurait pu avoir l’impression que le régime s’était « adouci » avec le temps. Cette histoire démontre qu’il n’en est rien. Aujourd’hui, les langues commencent à se délier. Nous ne sommes donc vraisemblablement pas au bout de nos surprises.
Le lien en bas de page ne donne accès qu’au début de l’article, paru le 7 décembre 2003, avec toutefois la photo de la Une du journal cité de 1986.
« El periodista » est un journal à petit tirage qui vit de la vente de son édition papier.

JMH

Le détective qui a trouvé des ossements en 1986.

LE CALVAIRE DE GUSTAVO DAZA

En janvier 1986, l’ancien détective Gustavo Daza Pacheco a reçu une dénonciation concernant la découverte d’ossements en plein désert. Il est allé sur place et a pu constater que certains restes présentaient des blessures par balles. Il a déposé la plainte. Mais les autorités de l’époque commencèrent sa persécution. Aujourd’hui, il revient à la charge.

Par Claudio Mora O.

« Oublie ça....Si tu parles à quelqu’un de ces os, je ne réponds pas de ta vie ». C’est avec cette phrase que celui qui était alors le sous-préfet régional d’Antofagasta, Nelson Valdés Pacheco, a prévenu le jeune détective Gustavo Daza Pacheco de l’importance de la découverte qu’il était en train de diffuser. La veille, le 17 janvier 1986, le policier, accompagné du chef des Renseignements d’Antofagasta, José Alarcón Lara, un informateur connu sous le nom de Nelson Marré, dit « Negro » et un étudiant en arquéologie, se sont rendus près de Calama, sur le lieu où l’on supposait avoir rencontré des restes humains. A cette minute, une histoire aux conséquences inimaginables a commencé à se tisser, allant jusqu’à mettre en péril la vie des protagonistes.

JANVIER 86

Gustavo Daza Pacheco est entré à la Police Criminelle au début de 1979. Son parcours à l’école lui a permis d’être chargé de cas importants pour un nouveau venu, comme par exemple l’emblématique cas des « Degollados ». Compte tenu de ses bons et loyaux services, il a été muté à Antofagasta, à la Première Brigade Criminelle, pour travailler sur l’éclaircissement de crimes non expliqués. Avec une large gamme d’informateurs et connaissant le fonctionnement de la ville, sa vie s’écoulait dans une tranquillité apparente. Mais, le 17 janvier 1986, Daza, accompagné du commissaire-adjoint Alarcón, se rend dans un terrain en friche, situé à 25 kilomètres au nord de Calama et à environ cinquante mètres de la route, où l’on avait repéré des ossements humains qui ne correspondaient pas à ceux des ancêtres des autochtones de la région.

La découverte venait d’un étudiant en archéologie, neveu du « Negro » Marré (informateur de Daza), qui, à ses moments perdus, recherchait des objets dans la solitude du désert. Quand Marré a été informé de la découverte, il l’a immédiatement communiquée au détective pour qu’il poursuive l’enquête, qui a été menée secrètement afin de protéger l’informateur des autorités secrètes de l’époque.

Ils ont commencé à creuser avec les mains et au bout de quelques minutes, ils ont découvert des os et une jambe entière. Puis ils découvrirent le crâne, qui portait des impacts de balle sur la partie postérieure. A quelques mètres, en suivant la même démarche, ils ont découvert d’autres restes présentant des caractéristiques similaires. Ils ont continué leurs recherches et face à la découverte d’autres ossements (trois ou quatre corps de plus), le Chef en charge de l’affaire a décidé de s’en aller parce que « les choses étaient plus graves que ce que l’on imaginait », et il craignait d’être par la suite suivi ou espionné par un membre de la sécurité.

Ils ont rassemblé les preuves dans un sac en plastique et ont décidé d’en rendre compte à leurs supérieurs hiérarchiques. Le lendemain matin, ils se sont réunis avec le sous-préfet d’Antofagasta Nelson Valdés qui, les preuves sous les yeux, leur a recommandé d’oublier la découverte, les a averti que si ça se savait, leurs vies et celles de beaucoup d’autres seraient en danger. L’information est également parvenue au Chef de la Brigade Criminelle de l’époque, Guillermo Mora, qui de l’avis de Daza « n’était pas quelqu’un de confiance ».

LE « SUICIDE »

La nouvelle de la découverte d’un cimetière clandestin s’est répandue dans la ville, et fit la Une du journal « La estrella del Norte » d’Antofagasta (qui a mystérieusement disparu des archives de l’affaire).

Alors, une véritable chasse aux sorcières a commencé, son épicentre étant la nuit du 22 janvier 1986, vers deux heures du matin, quand le détective Daza, le principal suspect d’avoir divulgué l’information au journal, a été réveillé dans sa chambre de célibataire de la Préfecture, par une forte douleur au ventre, produit d’un tir de projectile calibre 38 (probablement son arme de service).

Une nuit d’intervention chirurgicale, 20 pour cent de chances de survie et huit jours aux soins intensifs de l’hôpital d’Antofagasta ont marqué le début du harcèlement continuel dont il a été victime. Selon les autorités de la Criminelle, l’instruction administrative nº11 du 22 janvier 1986 de la préfecture d’Antofagasta montre que la cause en serait la tentative de suicide par un coup de feu de l’arme de service du détective. Version assez invraisemblable considérant qu’une personne voulant se suicider d’un coup de feu, ne le ferait pas en visant l’abdomen, et encore moins s’agissant d’un policier qui connaît les zones précises pour se donner la mort. La nouvelle fut à la Une du journal précité, avec un titre en grandes lettres rouges : Un détective est atteint par balles dans une caserne ! (La estrella del Norte, Antofagasta, nº4928).

Toutes les unités ont été informées, au moyen de retransmissions internes, de la mort apparente du détective, confirmée ensuite au Quartier Général par le directeur de l’époque, le général Paredes. Devant la menace de mort pour lui et sa famille, il décidât de fuir. Il est d’abord allé chez un officier des carabiniers (son beau-père) puis à Santiago, où paradoxalement, il a continué à percevoir son salaire pendant près d’un an. Ensuite, il s’est exilé en Australie, où il a vécu pendant près de 10 ans jusqu’à son retour en 1998.

L’INCONNU DE LA CRIMINELLE

Une fois de retour au Chili, il décide de faire valoir ses droits en faisant reconnaître son statut d’exilé politique, suite aux persécutions dont il a été victime. La réponse de la Criminelle à sa demande l’a surpris : il n’y a jamais eu de fonctionnaire de ce nom. Il a alors commencé à demander des audiences, à frapper à des portes et à récupérer des papiers qui prouvaient qu’il avait été détective à la Criminelle.

Quelques temps après, une fois éclairci ce « lapsus » et avec l’intervention d’organismes de protection judiciaire, il s’est rendu compte qu’il avait été mis à la retraite le 11 mars 1987, conformément à un rapport d’une commission médicale qui l’a décrit comme « une personnalité psychopathe hystérique présentant des états d’âmes », ce qui lui interdisait de poursuivre sa carrière dans l’institution.

Ces examens n’ont jamais été réalisés et il n’existe aucun dossier d’une quelconque anomalie psychologique dans le dossier professionnel de l’ancien détective.

Aujourd’hui, l’instruction nº37.340-A8, est entre les mains de la juge Susana Tobar, de la 2ème Chambre de Cour Pénale de Calama. Les dossiers accumulés se composent de différentes archives et il est à espérer que l’arrivée de nouveaux documents permettra d’élucider ce cas. Le combat de l’ancien détective est d’essayer de savoir ce que sont devenus les ossements qu’il a donné à son supérieur hiérarchique direct, retrouver ses droits en tant que travailleur et établir qui furent les responsables des actes qui ont failli lui coûter la vie dans cette confusion.

Il faut savoir également que de ceux qui participèrent à la découverte ce jour-là , il ne reste que lui, puisque l’étudiant en archéologie, le neveu de Marré, a disparu sans laisser d’adresse, le « Negro » est mort il y a quelques années et José Alarcón dit ne se souvenir de rien, alléguant des problèmes psychologiques qui l’empêchent d’être un témoin sérieux. Il continue néanmoins à vivre dans son appartement à Santiago, très près de l’immeuble de la Criminelle.

De plus, explique Daza, dans la zone, on a trouvé 14 corps, mais le nombre total pourrait atteindre 28.

Pour lire le début de l’article en espagnol

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