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Unir dans les différences culturelles : La Chine

Une des erreurs majeures commise par les divers colonisateurs a été de laisser cette tâche d’unification à l’armée, qui par tradition divise bien plus quelle n’unit. Dans le Guangxi, le général Ma Yuan (42 après J.C) , qui bien que militaire, comprit qu’il n’obtiendrait rien par l’utilisation systématique de la force et unifia son royaume en s’appuyant sur une communauté de langage. Originaire du Tonkin, le général utilisa en effet cet élément qui lie un peuple bien au-delà des frontières dessinées de manières souvent artificielles se révélant de fait peu efficace.

La langue TAI, elle-même un sous-groupe des dialectes TAI-kadaï est celle parlée par la majorité des peuples Vietnamien, Thaïlandais, Laotien, du Guangxi, du Guizhou et du Yunnan. Il fut donc aisé pour le général de mettre en avant une communauté d’intérêt basé sur une culture et une langue initialement commune. Contrairement à des personnages régionaux bien plus récents, Ma Yuan conserve encore de nos jours toute sa popularité, arrivant dans les zones rurales à forte concentration ethnique juste derrière Mao, et ce pourtant presque 2000 ans plus tard .

Si à une époque la France a tenté d’annexer le Guangxi depuis sa position au Tonkin, elle a vu ses prétentions repoussées à trois reprises par les armées chinoises essentiellement composées de Zhuang. Ces défaites successives sont intimement liées au fait que les Français se sont présentés en tant qu’envahisseurs voulant imposer leur culture, alors qu’il leur aurait suffi de mettre en avant l’aspect unificateur de peuples frères pour que cette opération ait de grandes chances de réussir. Sans que cela soit particulier à la France, une des raisons majeures des échecs des différentes colonisations est que celles-ci se sont faites par la force, renforçant ainsi l’impression d’une occupation militaire permanente. Or, il existait un lien solide entre ces différents peuples, et ce bien au-delà des frontières qui était cette origine commune.

C’est cet élément identitaire que les Hans ont exploité au travers des siècles, imposant leur autorité sans pour cela donner l’impression de vouloir effacer ces cultures ancestrales. S’il est en effet souvent question de sinisation forcée lors de récits d’origine occidentale, il est aisé de constater sur le terrain que ces spécificités culturelles existent bel et bien alors qu’elles sont bien plus floues dans nos pays lorsqu’elles subsistent encore. La constitution elle-même définit la Chine comme étant un pays multiethnique, donnant à cinq régions un statut d’autonomie, même si celle-ci ne peut exister qu’au sein d’une seule et même entité chinoise.

Contrairement à ce qui est raconté ici où là , l’autonomie de ces régions va non pas en s’affaiblissant, mais au contraire en augmentant. Si en effet cet effacement des spécificités culturelles était aussi prononcé que certains le laissent entendre, il y a bien longtemps qu’elles auraient disparu sous les coups de boutoir des autorités centrales. Une région comme le Guangxi ne cesse par exemple de multiplier les échanges culturels et commerciaux avec son voisin vietnamien, utilisant justement cette communauté de culture originale. Il y a certes de chaque côté les intérêts économiques, mais ceux-ci ne pourraient bien souvent voir le jour si un lien ne réunissait deux peuples proches tant par leurs positions géographiques que par une origine commune.

Cette communauté de pensée permet de mieux s’entendre, parfois de mieux se disputer, mais toujours en communiquant et non en s’ignorant. Ces canaux de communication naturels, les autorités de Pékin en sont totalement conscients, et sont même amplifiées pour qu’en fin de compte l’ensemble du pays en tire un maximum de bénéfices. Si en début de cette année le Guangxi est devenu une zone de libre-échange entre la Chine est les membres de l’ASEAN, c’est en partie en raison du positionnement géographique de la région, mais aussi de cette origine commune de langue, qui si elle n’est que peu perceptible de nos jours est toutefois bien présente dans les esprits. Faire disparaître ces spécificités culturelles n’est donc pas de l’intérêt d’un gouvernement central qui connaît fort bien l’histoire de son pays, et qui sait qu’il y a encore peu les affrontements inter ethnique étaient une plaie pour l’unité du pays et pour sa stabilité politique.

Bien au-delà de l’aspect purement folklorique, c’est en fait tant la paix sociale que le développement économique à destination des pays voisins qui expliquent que les responsables politiques n’ont aucun intérêt à affaiblir ces communautés. Si telle avait été la volonté des autorités centrales, la seule généralisation de la politique de l’enfant unique aurait porté un coup fatal aux ethnies minoritaires qui n’auraient eu d’autres solutions que de se plier aux ordres. Le fait pour un couple, dont l’un des deux conjoints est issu d’une de ces minorités, de pouvoir choisir pour son enfant l’origine ethnique est un autre point soulignant cette volonté d’apaisement, même s’il s’agit avant tout de préserver bien plus la paix sociale que de réellement reconnaître l’existence de cultures diverses.

Si le peuple chinois est uni, il l’est paradoxalement grâce à ses différences culturelles, ce pays n’ayant pas eu le malheur de connaître un Abbé Grégoire mettant en avant les risques liés à des origines linguistiques différentes, ce qui vaut à ce pays de se chercher aujourd’hui une identité qu’il a lui-même gommée au nom d’une unité de façade, mais de différences culturelles toujours bien présentes.

ALBIE alain - Reflets de Chine

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