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Salvador Allende, l’exemple de fidélité au peuple

Depuis neuf ans, l’humanité commémore deux dates fatidiques. La dernière en date est celle du 11 septembre 2001, lorsque des terroristes avaient transformé quatre avions civils en missiles pour détruire les deux plus grands symboles économiques et militaires des Etats-Unis d’Amérique, le « World Trade Center » et le « Pentagon », pour ainsi dire le monde occidental. La première date de trente sept ans et ce fut au Chili le 11 septembre 1973, quand l’oligarchie locale chilienne, alliée aux forces impérialistes téléguidées par Washington, mit fin à l’expérience progressiste et sociale unique de ce pays andin. Je me rappelle cette première fois quand j’ai assisté à la projection du film « Il pleut sur Santiago » et qu’on débattait du coup d’état chilien en Haïti en 1986, après le départ forcé de Jean-Claude Duvalier du pouvoir. C’était fascinant, et déjà la perspective de la répétition de ce qui s’était passé au Chili me hantait l’esprit.

Très jeune, je répondis à l’invitation, soit de la « Fédération nationale des étudiants haïtiens » FENEH, soit de l’ « institut mobile d’éducation démocratique » IMED, que dirigeaient les militants d’alors, Victor Benoit, Michel Soukar etc. pour participer à la projection d’un film sur le coup d’état militaire chilien qui sera suivi d’un débat. Des centaines de jeunes répondirent à l’appel au sein du collège Jean Price Mars. Les voix des résistants pour la nouvelle Haïti résonnaient en nombres suffisants, forçant la réaction au bavardage. Il s’agissait du film « Il pleut sur Santiago ». Je n’oublierai jamais ce jour-là , ni le titre de ce film. Venceremos, venceremos, venceremos ! Nous vaincrons, était sur toutes les lèvres pendant que l’armée d’Haïti patrouillait les rues adjacentes.

Apres le départ des Duvalier, le Département d’Etat US avait remis le pouvoir aux forces armées d’Haïti sous prétexte qu’elles étaient la seule force institutionnalisée du pays, en fait la seule capable de garantir la continuité du statu quo. Les masses, sous la direction des organisations populaires et de certains intellectuels de gauche, rejetaient le « duvaliérisme sans Duvalier » imposé par Washington. La situation d’Haïti était similaire à celle du Chili de Salvador Allende sur beaucoup de points. Les militaires parachutés au pouvoir s’étaient vite transformés en bourreaux du peuple haïtien. Ils véhiculaient un message réactionnaire axé sur un anticommunisme primaire et défendant ouvertement les intérêts de l’oligarchie rétrograde. Ils installèrent un régime de terreur dans le pays où la persécution politique est permanente, la torture pratiquée à grande échelle, des cas de disparitions enregistrés, des massacres, ajoutez à cela, les attaques répétées contre la presse indépendante et qui se multipliaient quotidiennement. Donc, le film « Il pleut sur Santiago » projetait notre présent et futur en tant que fer de lance du mouvement revendicatif d’avant et d’après 1986.

Au collège Jean Price Mars, les jeunes étudiants que nous étions, allaient prendre conscience de ce qui nous attendait à partir de notre choix politique. La répression qui s’abattait sur le Chili après le coup d’état était effrayante, arrestations et tortures dans le stade, exécutions sommaires, disparitions… tous ces actes fascistes raffermissaient davantage notre foi patriotique. Nous étions des romantiques, nous rêvions de la révolution, de la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme, et surtout la naissance d’une société équitable. Nous entendions nous battre pour la matérialisation de ces idées. Jeunes que nous étions, ce furent nos tribulations du 11 septembre 1973 à nous en Haïti.

Ce jour-là , j’écoutais parler le grand poète chilien, Pablo Neruda, qui expliquait à sa femme son mariage d’amour avec le peuple chilien et comment la lutte des classes avait atteint son paroxysme au Chili, un mariage sans divorce. Je me suis marié depuis lors avec la lutte des pauvres sur tous les coins de la terre. 24 ans après, je suis toujours resté fidèle à cet engagement militant et je m’en sens fier et m’en enorgueillis.

On dirait que c’était hier ! Quand le président Allende s’adressait pour la dernière fois avant que commença l’attaque du palais national par les putschistes, ce fut de l’hystérie. Avec une voix posée, aux accents prémonitoires, Allende jetait les bases de la lutte des peuples du continent par ces mots : « L’Histoire ne s’arrête pas, ni avec la répression, ni avec le crime. C’est une étape à franchir, un moment difficile. Il est possible qu’ils nous écrasent, mais l’avenir appartiendra au Peuple, aux travailleurs. L’humanité avance vers la conquête d’une vie meilleure ». Dix sept ans après, cette même génération qui l’écoutait parler du futur a réédité son exploit à travers les élections du 16 décembre 1990. Pendant toute la campagne électorale de cette année, l’expérience chilienne ne cessait de me hanter l’esprit, je savais pertinemment que l’oligarchie, repliée pendant les élections, allait rebondir plus tard pour récupérer l’espace politique perdu. Comme prévu, après tant de tergiversations et complots en permanence, ils fonçaient sur le jeune pouvoir. Nationalement, nous avons résisté de notre mieux, particulièrement à carrefour feuilles, la dernière poche de résistance aux fascistes de la capitale.

Je pense à mon camarade militant Ely Laroque

Comme le 11 septembre 1973 chilien, le 30 septembre 1991 haïtien endeuillait la nation. Nous avons perdu plus de 5000 âmes pendant les trois ans de la répression brutale. Je pense à mon ami de lutte Ely Laroque, disparu sans laisser de traces, sinon ses quatre enfants qui l’aimaient follement. Il était le plus âgé du groupe de résistants, il symbolisait la voix de la raison contre la folie qui nous tentait, il était l’élan sage qui équilibrait nos discussions passionnées et le ciment qui collait ensemble nos divergences stratégiques. Sa disparition allait créer une fissure que nul d’entre nous n’avait pu combler.

En lisant le discours de Salvador Allende sur « grand soir info », je ne pouvais m’empêcher de penser à ce distingué combattant bestialement disparu. On n’a pas érigé de bustes accompagnés de pompeux discours prononcés par des officiels pour rendre hommage a son sacrifice ultime. Ses enfants et sa courageuse femme n’ont rien reçu des gouvernements qui se sont succédés au pouvoir, elles ont été oubliées parce qu’elles n’étaient filles de personne. Survivant de cette période macabre de la vie nationale, je suis la mémoire de cette génération, celle d’après 1986 qui affrontait les fusils avec les mains nues, celle qui ne reculait devant rien pour empêcher ce que nous sommes entrain de vivre aujourd’hui, l’occupation du territoire national. C’est une génération de désintéressés qui marchait des kilomètres pour publier des notes de protestation à la presse, une génération qui rêvait au grand jour. Je suis fier d’avoir appartenu à ce groupe de femmes et d’hommes qui ont contribué à faire de moi ce que je suis. En ce moment de grand souvenir, j’ai une pensée spéciale pour les martyrs de ma génération, plus particulièrement Ely Laroque, victime des dérives dictatoriales des militaires en furie.

Salvador Allende, un symbole vivant

Je lisais que Socrate et Jésus Christ représentent les deux plus grands sages que même la mort n’arriva à effrayer. Socrate a bu du poison de sa propre main. Jésus Christ, même sur la croix, implorait le pardon pour les soldats romains qui perçaient ses entrailles « car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Salvador Allende, certain de sa mort prématuré, l’embrassa avec sérénité et tranquillité tout en exprimant son allégeance a son peuple que : « Dans cette étape historique, je paierai par ma vie ma loyauté au peuple ». Il affrontait la mort avec un courage exemplaire, ce qui fait de lui le héros latino-américain. Lui, le premier qui a ouvert la voie des élections au peuple, de la même façon que Fidel Castro l’avait révélé 13 ans avant, que la révolution est possible dans le continent américain.

Allende a démontré que les peuples peuvent gagner a travers les urnes quoique suscitant l’empire a de scandaleuses barbaries humaine. Depuis lors, les expériences se poursuivent, Jean B. Aristide avait repris le flambeau en 1991, puis ce fut le tour d’Hugo Chavez en 1994 au Venezuela, d’Evo Morales en Bolivie, de Raphael Correra en Equateur, de Daniel Ortega au Nicaragua… Les peuples sont en ébullition, ils décident de prendre leurs destins en main et conscients du risque que cela comporte.

Désormais, du nord au sud, le système d’exploitation mangeur d’hommes est contesté dans le continent. Les luttes sociales sont de plus en plus régulières, sur fonds de crise économique ou les gouvernements occidentaux affichent leurs limites misérables à redresser la situation. Ici aux Etats-Unis, les choses s’empirent. Dans une petite ville de l’état de Géorgie, Clayton County, les autorités sont obligées de stopper tout le système de transport public utilisant l’autobus, abandonnant ainsi a leur sort plus de 8400 passagers qui l’utilisaient tous les jours.

Dans Colorado Springs, les autorités municipales sont obligées d’éteindre un tiers de l’électrification des rues, soit 24512 de pylônes d’éclairage électriques pour pouvoir équilibrer le budget de la ville, plongeant ainsi dans l’obscurité une bonne partie. En même temps, le gouvernement distribue de l’argent aux plus riches sur toutes les formes possibles et inimaginables.

Je lisais un petit journal édité dans la ville de Bucks County de l’état de Pennsylvanie, l’auteur a révélé que 9.1 milliards de dollars ont disparus en Irak et personne n’arrive encore à justifier cette forte somme. Le responsable du ministère de la défense, au Pentagone, estime que l’argent a été bel et bien dépensé, mais on n’a pas de factures disponible. N’est-ce pas risible ! En ces temps de grandes difficultés, je me réfère encore à Salvador Allende, pour dire « Allez de l’avant, sachez que bientôt s’ouvriront de grandes avenues ou passera l’homme libre pour construire une société meilleure ».

JOEL LEON

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