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Le bilan d’un an de Raffarin : tout est à eux...

Communiqué du Réseau d’Alerte sur les Inégalités*

Le premier anniversaire du séisme du 21 avril est l’occasion de faire un premier bilan des politiques menées par le gouvernement issu de ce séisme. On aurait pu penser que Jacques Chirac, soucieux de restaurer le contact entre les milieux politiques et la " France d’en bas ", aurait tenté de mener une politique économique teintée de social, ou du moins soucieuse de préserver les apparences de l’équilibre. Mais le gouvernement Raffarin se révèle au contraire particulièrement fidèle à sa base sociale fondamentale, les milieux d’affaires et le Medef. Les éditorialistes ont glosé sur les " gaffes " du " consensuel Raffarin ", allant embrasser les patrons à l’Assemblée générale annuelle du Medef le 14 janvier 2003 et réformant l’impôt de solidarité sur la fortune pour " favoriser l’emploi ". Mais il fallait des oeillères pour ne pas voir ce qui crève les yeux : depuis ses débuts, toute la politique économique et sociale de ce gouvernement sert les seuls intérêts de sa clientèle, pour l’essentiel le petit, moyen et grand patronat français, et les couches moyennes salariées ou indépendantes. En même temps qu’il multiplie les " cadeaux " à sa clientèle, ce gouvernement déploie toute la démagogie sécuritaire d’un Sarkozy pour montrer au " petit peuple " qu’il s’occupe des vrais problèmes, c’est-à -dire de cette insécurité si soigneusement montée en épingle par les grands médias lors de la campagne électorale de 2002. Libéralisme, clientélisme et caporalisme sont les trois ressorts de l’action gouvernementale.

C’est du moins ce qui ressort de l’examen des initiatives prises par le gouvernement Raffarin dans différents domaines clés de son action économique et sociale : la fiscalité, l’emploi, la santé, l’éducation, l’immigration, l’insertion, le chômage, le logement, la famille. Le Réseau d’alerte sur les inégalités avait montré l’an dernier, en publiant son barême des inégalités et de la pauvreté (le BIP 40), que les inégalités n’avaient cessé de croître au cours des vingt dernières années qu’à deux brèves occasions, au cours des reprises économiques des années 1988-90 et 1998-2000. Depuis, le ralentissement économique de 2001, puis l’arrivée de ce gouvernement, ont très vraisemblablement à nouveau aggravé le problème de la fracture sociale dans notre pays. Le RAI a voulu faire le point sur les politiques menées depuis 10 mois, de façon à démasquer la cohérence d’une politique qui se flatte parfois de pragmatisme et d’éclectisme. Dans tous les domaines étudiés les initiatives prises par le gouvernement Raffarin peuvent se caractériser par quelques constantes : privilégier les intérêts des privilégiés, flatter les préjugés des couches moyennes salariées ou indépendantes, s’attaquer aux plus démunis au nom de l’humanisme ou de l’équité. Par rapport aux gouvernements de Lionel Jospin, les éléments de continuité, nombreux, l’emportent sans aucun doute sur les inflexions. Celles-ci existent mais vont toujours dans le mauvais sens du point de vue de la justice sociale.

Ainsi dans le domaine de la fiscalité, qui exprime toujours de façon concentrée l’essence d’une politique économique, le gouvernement Raffarin a choisi de poursuivre la baisse de l’impôt direct initiée par ses prédécesseurs de la " gauche plurielle ". De même il a accentué les politiques de baisse des cotisations sociales, dont l’effet sur l’emploi est pourtant loin d’être avéré de façon rigoureuse, quoi qu’en disent les économistes libéraux. Les seuls résultats certains de ces politiques d’exonération de cotisations patronales sont d’accroître la rentabilité des capitaux et d’aggraver les déficits des comptes de l’Etat et de la Sécu, donc d’accentuer le développement des inégalités et la pression sur les dépenses sociales.

Et particulièrement sur les dépenses de santé : la politique de santé du Docteur Mattéi a jusqu’ici consisté surtout à diminuer les taux de remboursements des médicaments et des soins, tout en augmentant les tarifs des actes médicaux : il en résulte une baisse des revenus pour les patients, surtout pour ceux qui n’ont pas une bonne mutuelle, et une hausse des revenus des médecins. Là encore l’effet immédiat est un accroissement des inégalités sociales. A cette politique en faveur de sa clientèle médicale, ce gouvernement a ajouté une touche xénophobe et discriminatoire : la suppression de la gratuité des soins pour les pauvres, pourtant garantie par l’aide médicale de l’Etat depuis la fin du XIXè siècle, et plus récemment par la CMU.

Chevaucher sur la xénophobie ambiante constitue aussi bien sûr l’axe essentiel de la politique d’immigration de Nicolas Sarkozy. Après avoir pris des positions apparemment ouvertes en faveur d’un aménagement de la " double peine " et d’un traitement plus humain des cas difficiles par les préfectures, le Ministre de l’Intérieur prépare un nouveau et grave durcissement des modalités d’admission des étrangers sur le territoire français, en particulier pour ce qui concerne le droit d’asile. Des indiscrétions soigneusement distillées par le Ministère ne laissent aucune illusion sur la volonté de Sarkozy de surfer sur le racisme et la xénophobie largement présents dans la société française afin de continuer à faire oublier les dégâts des politiques libérales sur les conditions de vie et de sécurité des populations.

On a déjà vu la logique sécuritaire se déployer concernant les jeunes de " banlieue " : la politique de la justice a été marquée par la loi Perben, qui cible prioritairement la délinquance des mineurs, notamment dans le cadre scolaire. Cette loi durcit l’ensemble du dispositif répressif contre les jeunes, créant des centres fermés et menaçant de retirer les allocations familiales aux familles de jeunes délinquants. Le développement des politiques sécuritaires municipales accroît la pression et le contrôle social sur les familles, notamment issues de l’immigration. La politique du logement pénalise elle aussi les familles pauvres, parmi lesquelles les immigrés sont nombreux. Hausse des expulsions, baisse du nombre de constructions de logements sociaux, gel des allocations logement, hausse des avantages fiscaux pour l’investissement locatif : tout est fait pour favoriser l’accès à la propriété, voire au logement social, des couches moyennes supérieures, et pour décourager les plus démunis de tout espoir d’un logement décent.

Ce n’est pas du côté des emplois ou des salaires que les conditions de vie des plus démunis vont s’améliorer : la politique de l’emploi de François Fillon a consisté pour l’essentiel à démolir les deux mesures les plus favorables à l’emploi prises par le gouvernement Jospin (les 35 h et les emploi jeunes), afin de réduire les dépenses de l’Etat et surtout les contraintes pesant sur les entreprises. La croyance aveugle dans les vertus des exonérations de cotisations sociales a amené le gouvernement à augmenter encore les dépenses qui sont consacrées à ces politiques, en créant des contrats jeunes en entreprise et en rajoutant une couche aux exonérations sur les bas et moyens salaires. L’inefficacité notoire de cette politique amène et va amener encore une hausse importante du chômage, d’autant plus que la suspension de la " loi de modernisation sociale " du gouvernement Jospin apparaît comme un feu vert gouvernemental aux licenciements. Mais la situation de la minorité des chômeurs indemnisés s’est à nouveau dégradée avec la signature en décembre 2002 de la nouvelle convention Unedic entre le patronat et trois syndicats : une baisse du montant des allocations et un raccourcissement des durées d’indemnisation pénalisent encore plus les victimes des licenciements qui se multiplient ces derniers mois. Le gouvernement prépare pour bientôt une nouvelle attaque contre les pauvres avec le projet de réforme du RMI et de création d’un " revenu minimum d’activité ", confié aux départements, dont on suppose qu’ils sauront mieux mettre au travail ces paresseux de chômeurs...

Encore ce tableau est-il incomplet, puisque nous n’évoquons pas les dossiers bien connus des retraites, des privatisations, de la décentralisation, ainsi que d’autres en ce moment moins débattus dans la presse comme ceux de la réforme de la politique agricole commune ou de la politique environnementale. Le risque est grand qu’à la faveur de la tension internationale et du consensus national qui règne autour de la position de la France dans la crise irakienne, ne s’aggravent les attaques contre les chômeurs, les précaires, les salariés , les étrangers, les exclus, qui constituent le fonds commun des politiques ministérielles du gouvernement du " consensuel " M. Raffarin. Il est temps pour les mouvements sociaux de coordonner leurs réflexions et leurs résistance pour bloquer le déploiement de cette politique qui va directement contre les intérêts des couches populaires et des catégories les plus démunies de la population.

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L’idée de mettre en place un « réseau d’alerte sur les inégalités » a été retenue par une vingtaine de militant(e)s associatifs et syndicaux en 1995-1996 quand le premier Ministre Juppé décidait lui-même la création d’un « observatoire de la pauvreté ». Il leur paraissait que la pauvreté grandissante des uns n’était que le complément de l’enrichissement grandissant des catégories sociales privilégiées ; il fallait donc « observer » également la richesse. Aux militant(e)s de Cerc-Association et de Points-Cardinaux, puis de la CGT-Finances, du SNUI et de l’Appel des économistes contre la pensée unique, sont venus se joindre d’autres militants syndicaux (CFDT Banque de France, etc) et associatifs (Agir ensemble contre le Chômage, Droit au Logement, Droits devant, etc).

Lors du « mouvement des chômeurs » de 1997-1998, le R.A.I. a pu apporter ses réflexions et propositions aux quatre organisations principalement engagées (AC, APEIS, MNCP, CGT Chômeurs)

Au cours de ces quelques années d’existence, le R.A.I. a également rédigé un « manifeste sur la fiscalité » ; il a animé quelques débats publics, sur la fiscalité, sur le revenu minimum d’existence, sur la situation des précaires et l’évolution des conditions d’emploi. Avec le mensuel Alternatives Economiques, le R.A.I. est à l’initiative du Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté (BIP40*) qui doit permettre de disposer d’informations sur les évolutions des pauvretés, des précarités et des inégalités.

Pour contacter le réseau d’alerte sur les inégalités :

Droit au Logement, 8 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris (01 42 78 22 00)


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