Dans cette livraison du Sarkophage, Paul Ariès, dans son éditorial, pose cette grave question : Comment pourrions-nous répéter qu’il y a urgence à agir, que le capitalisme est sans issue, que les seuils d’irréversibilité environnementaux, psychiques et politiques se rapprochent, tout en remettant à plus tard la construction d’un projet alternatif ?
Michel Caillat dénonce « l’imposture olympique » : « Le sport et l’olympisme font l’objet de croyances, de commentaire, d’adoration ou de rejet, mais nullement de connaissance. Or le sport entendu comme pratique physique compétitive, codifiée et institutionnalisée (à ne pas confondre avec toute activité physique) n’est pas un simple divertissement, neutre et anodin, mais un fait social total aux multiples implications politiques, idéologiques, économiques et culturelles. » L’universalité du sport est un leurre. Le sport ne fait que masquer les contradictions et les conflits de la société.
Poursuivant la réflexion de Paul Ariès, Bertrand Méheust se demande pourquoi la gauche a perdu l’irrationnel. Il fut un temps, en effet, « où les phares du socialisme étaient des compagnons de route du mesmérisme, de l’hypnotisme et des sciences psychiques. »
Angélique del Rey http://www.legrandsoir.info/Angeliq... analyse le concept de compétences, mis au service du capitalisme. Le culte de la performance, demande-t-elle, ne serait-il que l’autre nom de la crétinisation de masse ? « Côté éducation, beaucoup de ministères invitent les enseignants à passer des savoirs aux compétences, quand ils n’imposent pas une évaluation par compétences, devenue la pierre de touche de l’efficacité des systèmes scolaires. Le terme de compétence, explique l’auteur, ne signifie pas « être compétent ». La société de la connaissance exige des individus « qu’ils sachent oublier ce qu’ils savent, savent faire et sont, afin de s’adapter. » En outre, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, « la planification des systèmes éducatifs se base sur l’idée d’une éducation source de croissance pour les États. » Dès l’école élémentaire, l’enfant est un petit entrepreneur de lui-même. « Le moi est une sorte d’entreprise investissant sur des compétences. » L’homme du néocapitalisme sera « semblable à un petit ordinateur, capable de changer des données sur son disque dur [ce n’est pas un hasard si les partis politiques parlent désormais de " logiciel " et non plus de " programme " , BG], puis de les effacer ; en bref, un homme modulaire, dont le devenir soi-même implique l’oubli de soi. »
Concernant « l’écologie républicaine », Albano Cordeiro observe que « beaucoup de tâches de gestion des gouvernements des États-nations ont aujourd’hui complètement changé d’échelle. D’où la nécessité d’imaginer une gouvernance mondiale dite "multi-niveaux" , où chaque niveau aurait son instance de suivi, de régulation et de décision. »
Marion Paoletti décortique la décentralisation de Sarkozy et de l’UMP : « Le fait que la décentralisation ait jusqu’à présent été pensée comme l’affaire des élus locaux plus que des citoyens est une conséquence du trait majeur du système politique français : le cumul vertical des mandats. […] La réforme à venir sera faite « par l’UMP et pour l’UMP. »
Philippe Pignarre interroge l’avenir de l’anticapitalisme : « S’il est bien désormais un sentiment largement répandu, c’est que le capitalisme n’est plus synonyme de progrès. La conviction que " nos enfants vivront moins bien que nous " l’emporte chez tous les salariés. » Pour survivre, estime Pignarre, le capitalisme devra « s’attaquer à la démocratie. » Il propose de « se tourner vers le futur, de poursuivre l’ouverture de l’anticapitalisme à l’écologisme radical, celui des objecteurs de croissance - aujourd’hui en rupture violente avec l’orientation pro-capitalisme vert préconisée par Cohn-Bendit. »
Rémy Herrera dresse un bilan sévère des deux mandats de Lula : il n’a pas rompu avec le néo-libéralisme, « les possédants ont gardé le leadership, au prix d’une séparation des pouvoirs renouvelée qui leur réservait un contrôle direct sur les appareils clés de l’État. » Lula a réussi à « changer la vie des plus misérables sans toucher aux causes de leur misère - c’est-à -dire en gardant intactes les structures du capitalisme national et les liens qui attachent cette formation sociale périphérique au centre du système mondial. » Le voeu des classes dominantes est exaucé : reproduire les inégalités sociales, gigantesques, sans confrontation de classe ni risque de convulsion ou de chaos.
Quelle économie de la musique voulons-nous, interrogent François Mauger et Charlotte Dudignac ? Il y avait 100000 disquaires indépendants en France dans les années 80, quelques centaines aujourd’hui. Cela aurait été évité si les disquaires avaient bénéficié comme les libraires, du prix unique du disque. La situation sera catastrophique lorsque les " agitateurs culturels " (Fnac, Virgin) auront déserté le champ de ruines. A noter que 25% des musiciens vivent sous le seuil de pauvreté.
Christian Jacquiau revient sur la faillite (sarkozyste pour la France) du système capitaliste. Sarkozy amuse la galerie en s’appuyant sur ses amis de la grande distribution, comme Leclerc qui, indirectement, a inspiré le Rapport Attali.
Une analyse sémantique intéressante de Laurant Paillard du mot " réforme " : « C’est à bon droit que l’UMP utilise ce terme, mais elle l’utilise dans son sens premier et religieux qui signifie " rendre à sa forme première ou rétablir " et s’appliquait à la restauration de l’ordre ancien dans la religion. Le sophisme consiste à glisser subrepticement du vocabulaire religieux dans le registre politique, afin de détruire le sens politique du mot se référant à la libération. » Il faut donc dire : « La droite a réformé le sens du mot réforme pour réformer le capitalisme, à savoir le restaurer dans ses formes les plus archaïques et les plus ouvertement violentes. »
Alessi Dell’Umbria revient sur le procès consécutif aux incidents de Villiers-le-Bel de 2007. Pour la première fois dans l’histoire récente de la République, des gens ont été arrêtés sur la base d’une dénonciation rétribuée. Ce fut donc à la fois « Vichy et Las Vegas ». Ce procès sera un « pur procès politique. Ce qui sera jugé ne sera pas la participation effective (pourquoi ces quatre-là et pas quatre autres ?) à des faits, « mais l’existence même de ces faits. »
Axel Othelet conclut son article " Pourquoi les relations humaines vont-elles si mal ? " par ce sombre avertissement : « Les déliaisons sociales dans le monde du travail en rapport avec la pulsion de mort collective construite par l’humain sur son environnement méritent examen. Sans doute nous n’améliorerons pas l’un sans l’autre. »
Laurent Paillard revient sur l’alliance des forces de gauche (PC, NPA, PG, Verts alternatifs) dans la région Limousin lors des dernières régionales. Près de 20% des électeurs ont voté pour cette gauche. Une force résolument de gauche, estime Paillard, pénalise davantage l’UMP que le PS.
A propos du livre Années 70, Lilian Mathieu suggère un retour vers le futur : Il est important de rappeler, contre la vaste entreprise de culpabilisation menée par les idéologues contemporains, que ce ne sont pas les supposés laxisme ou relâchement des moeurs issus de la critique anti-autoritaire soixante-huitarde qui sont les responsables de nos maux. C’est au contraire la disqualification des idéaux égalitaires et libertaires de Mai qui, via l’exaltation de l’esprit prédateur libéral et du tout-répressif, fait actuellement le plus grand mal à notre vivre-ensemble. »
Le Sarkophage dresses un bilan très précis de la crise grecque. Je relève simplement ceci : « Selon les comptes du Trésor grec, les fonctionnaires et les ouvriers déclarent plus de revenus que les professions libérales, ou encore que les dirigeants de banque ! La quasi-totalité des grandes entreprises déclarent leurs profits dans des pays à fiscalité avantageuse (comme Chypre) ou les cachent dans des paradis fiscaux. L’Église orthodoxe continue à bénéficier d’exorbitantes exonérations fiscales sur le patrimoine et l’immobilier. »
Le Sarkophage se méfie des écoquartiers pour remplacer la ville productiviste, « une fausse bonne solution ».
Xavier Lacarce s’en prend à « l’hyperrugby ». Dans un article historique fourni, il note en particulier le moment ou ce sport a basculé vers le professionnalisme en 1995.
Comme tout le monde, et à juste titre, Le Sarkophage règle son compte à Michel Onfray, à son livre sur Freud, du moins : « Onfray est un parfait exemple du mode opératoire qui consiste à affirmer que les choses existent puisqu’on les a énoncées. […] La psychanalyse est un instrument indispensable pour faire face au déni de l’humain. Elle nous est nécessaire pour sortir d’un processus de régression qui nous ramène au stade le plus primaire du narcissisme, celui de l’auto-érotisme, de la non-distinction entre intérieur et extérieur, dans lequel Onfray veut s’enfermer. »