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Mexique : où est passé Francisco de Asà­s Manuel ?

Le 20 avril dernier, Francisco de Asà­s Manuel, responsable des « biens communaux » du village nahua de Santa Marà­a Ostula, sur la côte pacifique du Michoacán, a été enlevé par des individus lourdement armés. En février, deux autres membres de cette communauté ont subi le même sort. On est toujours sans nouvelles. Enfin, depuis le mois d’août 2009, 8 habitants de Santa Marà­a Ostula ont été assassinés. Pourquoi tant de violence contre une population qui ne demande qu’à vivre en paix ?

Le 29 juin dernier, 3000 personnes ont envahi mille hectares de terrains communaux, qui leur avaient été volés dans les années 1960 par des « petits propriétaires », qui les avaient clôturés, et installé des gardes armés. L’immobilisme complice de l’administration devant les démarches des comuneros, et le meurtre commis en 2008 contre le professeur Diego Ramà­rez, les ont décidés à s’organiser autrement. Ils ont créé une police communautaire, formée de jeunes gens des villages concernés, encadrés par les anciens, non rémunérés et révocables en cas de comportement irresponsable. Le 29 juin, cette garde communale a tenu en échec les tueurs envoyés par les pseudo-propriétaires, des individus liés aux dirigeants politiques et aux narco-trafiquants.

L’histoire du Mexique est une longue suite d’usurpation des territoires de ses habitants par les colons espagnols et leurs descendants. Un vol accompagné de massacres, mais aussi de la résistance, tantôt pacifique, tantôt armée, de ces millions de peones, indigènes ou « métis », pour qui l’accès à la terre et la dignité sont demeurés fondamentaux.

Après la révolution de 1910-17, menée au cri de « Tierra y Libertad », ces droits ont été bafoués. Les gouvernements successifs ont écrasé brutalement les revendications des populations, à la ville comme à la campagne, qui réclamaient la fin de la grande propriété et des innombrables abus qui l’accompagnent.

Dans les années 1960 et 70, pendant ce que l’on appelle la « guerre sale », le pouvoir a torturé et tué des milliers d’opposants, fait disparaître des centaines d’entre eux. Les corps étaient jetés dans la mer, depuis des avions militaires. L’impunité dont ont bénéficié les auteurs et les commanditaires de la guerra sucia est totale.

Aujourd’hui, il s’agit pour les dirigeants politiques de continuer à vider les campagnes de leur population traditionnelle, jugée non rentable (elle pratique surtout une agriculture d’auto-suffisance alimentaire, consomme peu et ne travaille pas pour le marché), pour y imposer l’agriculture industrielle, tournée vers la rentabilité et l’exportation. Il s’agit aussi de lancer les grands programmes du « développement », rebaptisé « durable », afin de permettre aux multinationales, dans leur course effrénée aux profits, de produire des agro-carburants, d’exploiter le sous-sol, construire des barrages...

La stratégie des gouvernements mexicains consiste maintenant à « sous-traiter » la répression et la violence. Pour cela, ils utilisent des groupes parapoliciers et paramilitaires, que l’on paie en leur offrant la propriété de terres arrachées aux communautés, en favorisant la multiplication des trafics (drogue, armes, opérations immobilières et blanchiment d’argent). La militarisation de régions indigènes et paysannes, sous couvert de « guerre à la drogue », vise essentiellement à couvrir cette politique de privatisation.

Alors que l’on proclame la nécessité de « protéger la planète », les populations indigènes, installées sur des territoires qu’elles respectent et valorisent, représentent un mode de pensée et de vie alternative éprouvée, face à un capitalisme industriel qui mène l’humanité entière à la catastrophe.

L’escalade actuelle du gouvernement mexicain contre ces communautés et les résistances populaires dans le pays, d’une extrême gravité, nous concerne tous. C’est pourquoi nous avons publié sur mediapart l’appel du CNI, qui dénonce également l’attaque menée le 27 avril contre une caravane de solidarité avec la municipalité autonome de San Juan Copala, dans l’Oaxaca, faisant deux morts, une Mexicaine et un jeune Finlandais. Et qui rappelle, bien sûr, les harcèlements paramilitaires contre les communautés zapatistes au Chiapas.

La réapparition immédiate de Francisco de Asà­s Manuel, de Javier Martinez Robles et Gerardo Vera Orcino, est-ce trop demander au gouvernement du Michoacán de Leonel Godoy, ou à celui de la république fédérale, dirigé par Felipe Calderón ? Pour ce qui est du démantèlement des groupes paramilitaires, ce serait certainement vouloir la lune.

Jean-Pierre Petit-Gras

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