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Le foulard d’Ilham

Qui se souvient encore de la tenue ou de la coiffure de Ségolène Royal lors des débats télévisés ou des meetings des dernières présidentielles ?

Probablement peu de monde et certainement pas Jean-Paul Huchon, ni Xavier Bertrand, ni même Martine Aubry et encore moins M.G.Buffet, car ni la féminité de Ségolène Royal ni son rapport à son corps ne fixent notre attention outre mesure. Ce qui compte tout autant pour ses fans que pour ses adversaires c’est son programme politique. Cette femme, se demande-t-on alors, est-elle l’incarnation du socialisme ou une simple propagandiste du néo-conservatisme social démocrate ?

Si la pensée de Ségolène Royal occulte son corps, le foulard d’Ilham Moussaïd tend à occulter la pensée et même l’être de cette candidate du NPA. Ce petit bout de tissu couvrant les cheveux, tombé entre les mains de tous ces chantres haineux de la démesure, semble s’étirer au point de se transformer en linceul ensevelissant le droit à la différence, à l’expression et peut être même à l’existence. Si la symbolique de ce fichu s’apparente au religieux, elle couvre en réalité un champ beaucoup plus large. Le foulard d’Ilham est en réalité un jeu de miroirs polysémique renvoyant à obscurantisme, clan, oppression, bougnoule, banlieue, verlan, étranger, voleurs etc...

Lorsqu’on y regarde de plus près, ce qui est mis en cause n’est en fait que la présence des nord-africains en tant qu’ethnie et en tant que culture sur le sol de l’Hexagone ! Pourquoi alors, au lieu de tourner autour du pot et de se cacher derrière l’excuse de la laïcité et de la liberté de la femme, ne serait-il pas plus simple et plus honnête de dire que les français d’origine maghrébine sont personae non gratae... Il faut être bien candide pour croire que la droite française se soucie de l’émancipation de la femme arabo-musulmane ! La vraie question est la suivante : quel est le meilleur moyen de se débarrasser de tous ces beurs infestent le pays ?

On reproche au NPA d’enfourcher l’irrationnel !

La politique de l’émotionnel serait-elle en France un droit exclusif de la droite ?! En a-t-elle déposé la marque ?

Tant mieux alors pour Olivier Besancenot s’il parvient a stimuler et à récupérer les voix de la banlieue en encensant une candidate enfoulardée. Mr.Sarkozy n’a-t-il pas fustigé cette même banlieue et joué sur les cordes sensibles de l’islamophobie pour happer la majorité des voix de l’extrême droite ? La manoeuvre a si bien réussi que l’UMP récidive avec cette campagne anti-foulard juste avant les régionales. Le parti prétendument socialiste lui emboîte le pas et nous joue la même sérénade. Tout ce beau monde (FN,UMP,PS,MODEM) se déchire, chacun faisant de son mieux pour susciter la peur et exacerber la haine.

Avec l’embrigadement de l’outil médiatique, le débat d’idées est mort de sa belle mort, du moins dans le cadre électoral. La subjectivité délirante serait-elle la chasse gardée de la droite ?

La gauche doit-elle se cantonner dans son discours classique et laisser à tous ces démagogues bien pensants l’exclusivité de se jouer des sentiments des électeurs ?
Le NPA a, lui au moins, le mérite et la moralité de refuser de dresser les français les uns contre les autres. Il a aussi le courage de se mettre à contre courant de l’islamophobie ambiante.

La démarche du NPA se détache de plus en plus de la gauche classique. Elle nous fait un peu penser à ce qui se fait en Bolivie. Elle nous rappelle les revendications des mouvements indigènes, appelant à rééquilibrer un pouvoir depuis toujours aux mains des élites blanches. Si les indigènes boliviens ont toujours vécu sur leur sol, les maghrébins en France ne sont que les indigènes des anciennes colonies "importés" en masse dans l’après guerre. Leurs descendants continuent, malgré les apparences, à être traités en tant que tels. Oui, le foulard d’Ilham Moussaïd est un symbole. Il est le symbole d’une fraction de la classe travailleuse mais aussi celui d’une ethnie et d’une culture. Les rapports de classes ne sont pas, comme semble le croire la gauche traditionnelle, simplement économiques, il sont aussi ethniques et épistémiques.

Dans son livre, La Stratégie du Choc, Naomi Klein souligne qu’une guerre, un coup d’état, une catastrophe naturelle, une attaque terroriste provoquent un traumatisme collectif aliénant. Cet état de choc plonge pour un moment la société dans un effroi tel qu’elle se laisse docilement manipuler par n’importe quel prétendu protecteur. Un tel phénomène psychologique va inspirer l’économiste ultra-libéral Milton Friedman qui conseille aux hommes politiques d’imposer immédiatement après une crise les réformes économiques douloureuses avant que les gens n’aient eu le temps de se ressaisir. Il qualifiait cette méthode de « traitement de choc ». Cette stratégie a fini par constituer la clef de voute de la politique des puissances occidentales. Le film de l’effondrement spectaculaire des tours jumelles, retransmis en boucle, associé au visage hirsute de Ben Laden n’a pour dessein que de susciter et entretenir l’épouvante. Cette catastrophe grandiose parce que sur médiatisée, sera instrumentalisée par l’état étasunien qui profitera du traumatisme pour attaquer et coloniser illégalement l’Afghanistan et l’Irak et pour promulguer toute une panoplie de lois liberticides à l’intérieur de ses frontières. Les exemples ne manquent pas. Tout dernièrement, profitant de l’état de choc provoqué par le tremblement de terre en Haïti, toute une armada de l’armée étasunienne a investi ce pays catastrophé en l’espace de quelques heures.

L’état français a lui aussi besoin de recourir à cette stratégie du choc pour faire passer des lois anti-sociales et liberticides. Mais il ne dispose malheureusement pas d’icônes monstres telles que celle du world-trade-center en feu ou celle diabolique d’un Ben Laden. Pour faire peur aux français, il lui faut se contenter... du foulard d’Ilham.

Fethi GHARBI

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