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Le FMI poursuit sa route en Ukraine (2ème partie)

Après avoir bloqué son programme en novembre 2009 suite à la décision du gouvernement d’augmenter le salaire minimum, le FMI revient à la charge et impulse la réforme des retraites

Au cours de cette série, Le FMI poursuit sa route en Ukraine, l’histoire tumultueuse du FMI en Ukraine est analysée depuis le déclenchement de la crise de 2007/2008 jusqu’au plan d’endettement approuvé au forceps par le gouvernement non élu à l’issue du mouvement insurrectionnel de fin 2013 - début 2014.

Dès le début de la crise, en novembre 2008, l’Ukraine figure parmi les premiers pays européen à tomber dans la nasse du FMI, peu après l’Islande, la Géorgie et la Hongrie. Bien après avoir rejoint le FMI en septembre 1992, recommence alors une histoire de souveraineté violée, de politiques imposées et d’asservissement néocolonial. Des sommes astronomiques sont prêtées pour assurer les remboursements des anciennes dettes et en préparer de futures. Et par dessus tout, pour ne rien changer à une politique qui échoue depuis plus de trente ans, le poussiéreux « Consensus de Washington » est appliqué, aux risques et périls d’une population appauvrie, en échange d’un endettement massif sous couvert de « sauvetage ».

En 2011, le FMI obtient le relèvement de l’âge de départ à la retraite

Après la formation en février 2010 du nouveau gouvernement pro-russe, on observe un rapprochement entre le nouveau président ukrainien Viktor Ianoukovitch |1| et le FMI. Un prêt de 15,4 milliards de dollars réparti sur 29 mois est approuvé par l’institution en juillet 2010 |2| et cette fois-ci Standard and Poor’s relève sa note pour l’Ukraine (elle la rebaissera à « CCC », note proche de la cessation de paiement, après les violences survenues sur la Place Maïden). En contrepartie de ce prêt, l’Ukraine s’engage à réduire son déficit à 5,5 % du PIB en 2010 et à 3,5% en 2011 |3| (l’Ukraine y parviendra en atteignant 5,8% du PIB en 2010 et 2,8% en 2011), réformer la fonction publique et mettre enfin à exécution la hausse importante des tarifs du gaz fourni par la compagnie nationale Naftogaz. Par ailleurs, une demande importante du Fonds sera finalement approuvée le 8 juillet 2011 par le Parlement ukrainien : l’âge de départ à la retraite pour les femmes augmente progressivement de six mois par an et passe de 55 à 60 ans. Pour les hommes employés dans la fonction publique, le départ à la retraite passe de 60 à 62 ans par tranche de six mois par an. De plus, le nombre d’années de cotisation requis pour obtenir une pension complète minimum sera progressivement porté de 20 à 30 ans pour les femmes et de 25 à 35 ans pour les hommes. Comme pour fêter la nouvelle année, la loi entre en vigueur le 1er janvier 2012, tel un cadeau empoisonné du FMI. L’austérité pratiquée par le gouvernement « pro-russe » de Ianoukovitch ne diffère pas tant des autres pays européen plus proches de Bruxelles.

Cette régression, très violente dans un pays où l’espérance de vie est de 66 ans pour les hommes en 2011 |4|, va dans la droite ligne de ce que réclame de nombreuses institutions, telle la Banque mondiale qui signale dans un rapport :

« Relever de l’âge de la retraite et aider les gens à travailler plus longtemps, aussi longtemps qu’ils en sont capable et en bonne santé, pourrait aider à rendre les régimes de retraite plus viables financièrement et fournir un revenu minimum vieillesse. » |5|

En 2013, l’Ukraine délaisse le FMI au profit de la Russie

Le FMI, après avoir versé près de 3,4 milliards de dollars en deux versements, dont le dernier remonte à décembre 2010, semblait être parvenu à ses fins pour faire passer ses lois comme avec l’approbation de celle augmentant l’âge de départ à la retraite |6|. Mais début 2011, il bloque à nouveau son déboursement face au refus de Ianoukovitch de mettre en œuvre les réformes d’austérité exigées, notamment sur les prix du gaz. L’Ukraine n’est toujours pas rentrée dans le rang et les négociations se poursuivent avec l’institution de Bretton Woods. Les missions du FMI sont régulièrement ajournées, comme celle du 29 août au 5 septembre 2012 reportée à la deuxième quinzaine de janvier. L’Agence de notation Moody’s abaisse alors sa notation financière de l’Ukraine au niveau B3, « très spéculatif ». Après les élections législatives ukrainiennes du 28 octobre 2012, la mission du FMI prévue du 7 au 17 décembre 2012 pour négocier un nouveau programme ’stand- by’ avec de nouvelles conditions, est elle aussi ajournée. Le premier ministre de l’époque, Nikolai Azarov, prétend que l’Ukraine peut se passer des financements du FMI grâce à une série de mesures et l’aide de la Banque nationale. Finalement, en décembre 2013, l’Ukraine se tourne vers la Russie avec qui elle signe un contrat de 15 milliards de dollars (près de 11 milliards d’euros), dont elle reçoit une première tranche de trois milliards de dollars (2,2 milliards d’euros) le 24 décembre. En fait, par cet accord, la Russie achète 15 milliards de dollars de dette ukrainienne (des d’obligations ’eurobonds’ de 2 ans émises par l’Ukraine), ce qui permet au pays d’éviter la cessation de paiement. La Russie accorde par ailleurs un rabais de 30 % sur le prix des livraisons de gaz russe, ce qui représente entre deux et trois milliards d’euros par an d’économie. Moscou s’apprêtait à verser une nouvelle tranche de deux milliards quand la situation s’est embrasée à Kiev.

Jérôme Duval

Lire la partie 1 : Le FMI activement présent en Ukraine depuis 1994 ne veut pas entendre parler de hausse de salaire

»» http://cadtm.org/Apres-avoir-bloque-son-programme

Notes

|1| Le 7 février 2010, Viktor Ianoukovitch remporte 48,53 % des voix contre 45,88 % pour Ioulia Tymochenko au deuxième tour des élections.

|2| Lire la lettre d’intention : http://www.imf.org/external/np/loi/2010/ukr/121010.pdf

|3| Rapport Ukraine. Public Financial Management Performance Report 2011. The International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank 2012. https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/11898/707990ESW00Off070053B0PFMPReportENG.pdf?sequence=1

|4| Espérance de vie à la naissance : http://www.ined.fr/fr/pop_chiffres/pays_developpes/esperance_vie_naissance/ et Banque Mondiale : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.DYN.LE00.MA.IN

|5| Raising retirement ages and supporting people to work longer, as long as they are able and healthy, could help pension systems be more financially sustainable and provide for basic old-age income. Rapport Banque Mondiale 2014, “The Inverting Pyramid : Pension Systems Facing Demographic Challenges in Europe and Central Asia.”. Significant Pension Reforms Urged in Emerging Europe and Central Asia, 21 février 2014 : http://www.worldbank.org/en/news/feature/2014/02/21/changing-demographics-call-for-urgent-pension-reforms-in-europe-and-central-asia

|6| Voir la partie 1 de la série Le FMI poursuit sa route en Ukraine :http://cadtm.org/Le-FMI-activement-present-en


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Un futur présent, l’après-capitalisme, de Jean Sève
Michel PEYRET
Une façon de dépasser le capitalisme Le livre de référence L’essai de l’historien Jean Sève intitulé Un futur présent, l’après-capitalisme (La Dispute, 2006). Ce livre propose une interprétation du mouvement historique actuel dans le sens du dépassement possible du capitalisme. Il énonce ce qu’il envisage comme des preuves de l’existence actuelle de « futurs présents » qui seraient autant de moyens de ce dépassement du capitalisme déjà à l’oeuvre dans le réel. Sur la question (…)
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Il n’y a pas de pays musulman plus intégriste que l’Arabie Saoudite (...) et pourtant c’est à la fois un ami et un pays important pour les Etats-Unis. (...) Nous ne devons nous opposer à l’intégrisme que dans la mesure exacte où nos intérêts nationaux l’exigent.

James Baker
Ministre des Affaires Etrangères des Etats-Unis, 1996

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