Pas de remontée pour des évaluations qui nous descendent !
Une fois encore, le dispositif d’évaluation nationale pour le premier degré, tel qu’il est imposé par le ministère dans les écoles, aura généré nombre de réactions hostiles de parents, d’enseignants et d’universitaires, largement reprises dans les médias. L’opposition à ces évaluations, fédérée autour de l’appel des 200 maîtres, aura été évoquée à chaque traitement de ce sujet dans la presse. On ne peut que s’en réjouir. Il faut dire que nous avons été grandement aidés par la brutale décision de l’Inspection Académique de Limoges de retirer de sa classe un enseignant ne respectant pas à la lettre le protocole de passation des épreuves. Mais là encore, notre mobilisation a payé puisque ce collègue a finalement été autorisé à reprendre ses cours la semaine suivante sans subir la moindre sanction.
Nous avions invité les enseignants à agir en leur âme et conscience par les modalités qui leur semblaient les plus appropriées : boycott, autre utilisation des livrets, passation des seuls items travaillés en classe, autre mode de notation. Mais l’essentiel est à venir avec la non communication des résultats à l’administration, et ce pour trois raisons majeures.
Tout d’abord, c’est uniquement face à l’opposition rencontrée que le ministère déclare qu’il « ne ferme pas la porte dès lors qu’il sera démontré qu’une autre formule est meilleure" et qu’ « une réflexion pourra s’engager à partir des critiques constructives ». A n’en pas douter, le respect des procédures de saisie comme de remontée serait utilisé par les communicants du ministère pour faire croire que tout s’est bien passé.
Ensuite, la transmission accrédite l’idée que tout désormais devra être recensé au niveau national sans garantie de l’utilisation qui en sera faite, tout comme pour le trop délicat fichage élèves-familles du logiciel base-élèves imposé aux directeurs. Cette vision technocratique doit nous interpeller tant notre système tend vers la déshumanisation de son organisation.
Enfin, à l’heure de la suppression de la carte scolaire et des discours sur le salaire au mérite, chacun mesure combien la constitution de telles données chiffrées pourrait servir à l’élaboration de classements d’écoles et autres palmarès repris dans la presse. Il y a le précédent du magazine Le Point (en 2006) qui avait obtenu au tribunal les « chiffres secrets » des violences dans le secondaire sans que le ministère ait pu l’en empêcher. L’an dernier est apparu le classement des évaluations nationales par académie largement commenté dans les journaux régionaux. Et n’allez pas croire comme il est dit que cela serve à ajuster les moyens aux besoins puisque des académies en difficulté comme la Guadeloupe et la Martinique perdront tout de même des postes à la rentrée prochaine ! Alors, veut-on voir fleurir des informations de ce type qui mettraient immanquablement les écoles publiques et leurs enseignants en concurrence ?
Au moment où beaucoup se plaignent de leur impuissance à se faire entendre du ministère, voilà une occasion à ne pas rater d’imposer au ministre la reconstruction d’un autre dispositif d’évaluation, diagnostique cette fois-ci, capable de nous aider à mieux comprendre les difficultés constatées, élaboré en concertation avec les professionnels. Ainsi sera-t-il enfin, comme initialement prétendu, au service des élèves, des enseignants et des parents.
Sylvain Grandserre
Porte-parole de l’appel des 200 maîtres
le 1er février 2010
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