Voici le message reçu ce dimanche, 20 novembre, d’un ami d’Alep :
« Tuerie : Ce dimanche matin, comme chaque jour, pluie d’obus de mortiers tirés par les terroristes d’Alep-Est sur nos quartiers. MAIS aujourd’hui, ils ont atteint une école au quartier Forkane : 10 enfants tués et de très nombreux blessés. Les médias occidentaux vont-ils rapporter ce crime de guerre ? Les gouvernements vont-ils s’indigner et protester ?
[…]
Depuis un an, les médias occidentaux diffusent des informations mensongères ou exagérées (ce qui revient au même) sur ce qui se passe à Alep-Est. Comme par exemple l’annonce de la destruction par les raids aériens du « dernier hôpital - the last hospital » d’Alep, annonce qui a été reprise chaque deux semaines, une dizaine de fois au total. C’est comme si ce « dernier hôpital » ressuscitait à chaque fois... Nabil Antaki. ».
Que répondre à cette question ? Sinon qu’en effet, la veille de cette « tuerie » [1], « The Guardian » s’est une fois de plus payé la tête de ses lecteurs en accusant le « régime » syrien et la Russie d’avoir détruit ce même dernier hôpital [2].
Et que penser de ce qu’a osé proposer l’envoyé spécial de l’ONU Staffan de Mistura, pour prétendument sauver cette ville meurtrie ? Une proposition dévoilée par M. Walid al-Mouallem, Vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères et des Expatriés, lors d’une conférence de presse tenue ce même 20 novembre à Damas, suite à la visite de l’émissaire de paix d’une instance internationale qui n’a pas fini de nous écœurer, sans plus jamais nous surprendre [NdT].
* * *
DÉCLARATION DE M. WALID AL-MOUALLEM
Désolé pour mon retard, c’est encore une fois de la faute de M. de Mistura [dit sur le ton de la plaisanterie, NdT].
Ce matin, nous avons eu des discussions avec l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU et sa délégation. Nous nous attendions, mes collègues et moi, à ce qu’il nous informe de la date fixée pour la poursuite du dialogue entre Syriens ; ce qui ne fut pas le cas. Il s’est focalisé sur ce qu’il a qualifié d’« idées personnelles concernant l’est d’Alep ».
Nous lui avons répondu que, vu la situation, nous étions d’accord sur la nécessité que les terroristes sortent des quartiers est de la ville quel que soit leur nombre, qu’il était absolument inconcevable que 275 000 de nos concitoyens restent pris en otage par 5000, 6000 ou 7000 hommes armés [de Mistura les avait chiffrés à 900 au maximum ; NdT, [3]], qu’aucun gouvernement au monde n’autoriserait cela, et que plus vite ils sortiraient d’Alep en sachant que nous leur garantissions le choix de leur destination, plus vite ils atténueraient les souffrances endurées par les nôtres à l’Est d’Alep.
Mais il nous a parlé d’« administration locale » déjà présente à l’est d’Alep, [idées donc partagées par le président Hollande lorsque, le 19 octobre 2016, il encensait un fameux Comité local de terroristes, selon lui « démocratiquement élu » par la population des quartiers est d’Alep, tout en donnant un coup de pouce aux « Casques blancs », candidats au prix Nobel de la forfaiture ; NdT, [4]].
Nous lui avons répondu que nous rejetions son idée, globalement et dans tous ses détails.
Est-il concevable que les Nations Unies en arrivent à ainsi récompenser des terroristes qui continuent à tirer leurs obus, au hasard, sur les quartiers ouest d’Alep, lesquels obus ont coûté des milliers de vies et de blessés ? Aujourd’hui même, ils ont ciblé l’école élémentaire du quartier Forkane, ôtant la vie à dix de ses élèves [blessant et estropiant nombre d’entre eux, non sans s’attaquer à d’autres régions du pays ; NdT, [5][6]] ? Est-il concevable que nous les récompensions ?
Ils ont aussi bombardé le Palais de Justice, la Faculté de droit et, me dit-on, l’hôpital Al-Bassel… Ces terroristes ne souffrent d’aucun interdit moral !
Nous avons catégoriquement refusé cette idée d’« administration autonome », car c’est une atteinte à notre souveraineté nationale et une récompense offerte au terrorisme et moi, je ne conçois pas que les Nations Unies agissent de la sorte.
Ce refus étant définitif, nous avons rappelé que, concernant l’évacuation des malades et des blessés des quartiers est d’Alep, nous avions offert trois chances de trêves successives et, qu’à notre grand regret, les terroristes ne les ont pas laissés sortir, alors que des ambulances les attendaient aux points de passage via des couloirs sécurisés délimités à cet effet. Des couloirs malheureusement devenus dangereux parce que frappés de leur pluie de mortiers empêchant la sortie des civils, malgré les préparatifs du gouvernorat d’Alep visant à assurer leur réception en toute sécurité.
Les terroristes ont eu plus d’une chance de s’en sortir, mais ils n’en ont pas profité. Et voilà que vous entendez les habitants manifester autour des entrepôts d’aliments qu’ils gardent ou vendent au marché noir à la population des quartiers est d’Alep. À savoir que même les convois d’aide humanitaire ont été bloqués par leurs tirs de mortiers.
Je crois donc qu’il est du devoir de l’État syrien de sauver ces citoyens pris en otage par ces terroristes. C’est pourquoi, nous avons proposé à de Mistura un autre projet disant que ceux des nôtres qui souhaiteraient ne pas quitter ces quartiers est d’Alep pouvaient y rester en toute sécurité, que les éléments armés pouvaient en faire autant après avoir régularisé leur situation, et que la route était ouverte aux éléments armés qui souhaiteraient se diriger vers Idleb ou la Turquie.
En effet, les terroristes doivent sortir de ces quartiers et les institutions régaliennes de l’Est d’Alep ne peuvent rester dans une telle anormalité comparativement aux régions où la situation a été réglée par les « réconciliations », la dernière en date ayant libéré Al-Moadamiyé [région de Damas ; NdT]. Il n’est plus possible de déroger à cette règle !
Nous avons dit à de Mistura : « Vous parlez de cessez-le feu. Avez-vous pris contact avec les États qui parrainent ces groupes armés ? Vous-ont-ils donné des garanties qu’il sera respecté ? Il a répondu qu’il ne disposait pas de telles garanties.
Par conséquent, ne voulant pas abuser de votre temps, je dis que nous n’avons rien appris qui puisse aider à la poursuite du dialogue entre Syriens. Peut-être attend-il la nouvelle administration des États-Unis ou le nouveau Secrétaire général de l’ONU. Dans tous les cas, nous sommes prêts parce que nous croyons que la solution politique est à la base de la solution de la crise syrienne.
Vous pouvez me poser vos questions.
Russia Today : On parle d’un probable congrès de l’opposition syrienne de l’intérieur en présence de quelques personnalités de l’opposition à l’étranger, lequel congrès aurait lieu à Damas. Quel est le rôle de l’État syrien dans ce cadre, étant donné que les idées et solutions avancées par de Mistura sont sans rapport avec ce vous proposez pour l’est d’Alep et ailleurs ?
M. Al-Mouallem : En Syrie, nous avons foi en l’Organisation des Nations Unies, mais en une ONU qui respecte sa propre charte, une ONU qui respecte la souveraineté de ses États membres. Quant à ce qui se dit à propos d’un Congrès de l’opposition, nous sommes favorables à toute rencontre entre Syriens pour discuter de l’avenir de la Syrie, loin de toute ingérence étrangère. S’ils souhaitent se réunir en Syrie, ils sont les bienvenus. S’ils préfèrent se réunir à Genève, il en sera de même.
Al-Fadaiya (TV syrienne) : Permettez que je vous interroge sur un sujet qui intéresse tous les Syriens. Il s’agit des opérations menées par les Forces Démocratiques Syriennes [FDS : en majorité kurdes, NdT] couvertes par l’aviation de ladite Coalition internationale [menée essentiellement par les USA et la France, NdT] pour ce qui est annoncé comme la libération de Raqqa, ainsi que des récentes déclarations de la Turquie à ce sujet. Bien que les opérations soient en cours et que la Turquie soit rendue aux portes d’Al-Bab, nous n’avons entendu aucun commentaire de l’État syrien sur ce qui se passe !?
M. Al-Mouallem : Concernant Raqqa, les Américains se sont mis d’accord avec les FDS pour qu’elles avancent dans la campagne nord de cette ville afin de l’assiéger, mais en même temps, ils se sont mis d’accord avec les Turcs sur qui devrait la gérer à l’avenir. Je parle ici de la rencontre entre les chefs d’État major des armées des USA et de la Turquie, dans le sens où l’Américain utilise l’élément kurde dans une première étape et, une fois Raqqa assiégée, compte passer à la deuxième étape avec la collaboration de la Turquie ; les deux éléments kurde et turc étant rejetés par les habitants de Raqqa qui sont des arabes syriens.
C’est pourquoi je dis que l’Américain n’est pas sérieux, que le Kurde est incapable de libérer Raqqa, vu ses capacités, et que l’avancée turque en territoire syrien est une invasion, que ce soit à Al-Bab ou à Jarablus. Mais tout le territoire syrien sera libéré. Actuellement, nous avons affaire aux « instruments » du Turc, tels les autoproclamés Armée Syrienne Libre [ASL], le groupe Nour el-Dine al-Zenki, etc.
AFP : D’après ce que j’ai compris, votre rencontre avec M. de Mistura fut très négative, ce qui signifie que la guerre va continuer. Concernant les groupes armés présents à Alep, dans quel but le gouvernement syrien les poussent-ils vers Idleb ? Pourquoi Idleb ? Serait-ce pour en faire un État séparé, ou quoi d’autre ?
M. Al-Mouallem : Je n’ai pas dit que ces pourparlers ont été inutiles. Nous avons toujours œuvré dans le sens d’une solution politique. Que nos avis divergent sur ce sujet est chose normale. Par ailleurs, nous ne poussons pas ces gens vers Idleb. Le gouvernorat d’Idleb est limitrophe de la Turquie et c’est là que se trouvent leurs quartiers généraux, leur logistique et leur réservoir humain. En tout cas, s’ils choisissaient une autre destination, nous ne les empêcherions pas.
Al-Mayadeen : Jusqu’à quel point existe-t-il une coordination entre les armées syrienne et irakienne pour empêcher les terroristes présents à Mossoul de se rendre en Syrie, alors que nous avons beaucoup entendu parler d’une stratégie américaine fondée sur des couloirs de passage aménagés dans ce but, que nous savons qu’un grand nombre d’entre eux sont déjà rendus à Abou-Kamal et à Raqqa, d’où sont expédiés des éléments armés, notamment des enfants, vers Mossoul ? Ensuite, il paraitrait que l’opération turque baptisée « Bouclier de l’Euphrate » arrivée aux abords de la ville d’Al-Bab [2 à 3 kms, NdT] aurait dépassé les limites d’une entente non déclarée entre la Russie et la Turquie. Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que les Turcs n’avanceront pas vers Alep ou, en tout cas, qu’ils n’influeront pas sur les combats en cours dans cette ville ?
M. Al-Mouallem : Je n’ai pas entendu parler de ces ententes secrètes, alors que nous coopérons étroitement avec nos amis russes dans les domaines politique et militaire. Je ne sais donc pas si une telle entente existe. En revanche, je sais que la partie russe condamne toute violation de la souveraineté syrienne, ce que M. Lavrov a confirmé récemment.
Concernant Mossoul, il est évidemment très dangereux que des éléments armés puissent passer en Syrie, parce que ceux-là ne laisseront jamais l’Irak en paix. Ils y retourneront. D’ailleurs, c’est de Syrie qu’ils sont partis pour envahir l’Irak. Il existe donc des intérêts partagés entre les deux armées irakienne et syrienne.
Il est possible que certains éléments puissent continuer à s’infiltrer en Syrie et nous savons parfaitement que les plans américains ne consistent pas à éliminer Daech, mais à le contenir, puisqu’ils continuent de croire qu’il menace le pouvoir syrien à Damas, témoins en sont ces deux dernières longues années de prétendues frappes aériennes qui n’auraient pas réussi à l’éradiquer.
Quoi qu’il en soit, certains changements au niveau mondial s’accélèrent et nous espérons que Raqqa sera libérée. Ceci dit, celui qui lit attentivement le déroulement des combats du « Hachd al-Chaabi » [Unités de mobilisation populaire] à Tal-Afar, en Irak, réalise que le but est d’empêcher les éléments de Daech de venir en Syrie. Je profite de cette occasion pour leur dire que nous saluons leur courage ainsi que le courage de l’Armée irakienne et que leur combat est le nôtre.
BBC : Pensez-vous que l’arrivée d’une nouvelle administration américaine aura des effets positifs sur la résolution de la crise syrienne dans les prochains mois, soit par la mise à exécution de l’accord russo-américain qui n’a pas été concrétisé, soit par un nouvel accord ?
M. Al-Mouallem : Concernant la nouvelle administration américaine, nous sommes pour l’option choisie par le peuple américain. Il est prématuré de dire ce que sera la politique étrangère des États-Unis. Nous savons tous qu’existent différents groupes de pression et de conseillers, mais nous espérons qu’ils réviseront la stratégie de leur pays à l’égard de la Syrie.
Est-ce que la stratégie de l’administration sortante a été bénéfique pour le peuple américain, alors qu’elle a dépensé des millions de dollars pour entraîner et armer des éléments qualifiés d’« opposition syrienne modérée », lesquels ont fini par rejoindre les rangs d’Al-Nosra ? Toute personne raisonnable dirait que cette politique fut une succession d’erreurs, qu’il est impératif de corriger.
Cette correction passe par un dialogue entre Moscou et Washington ; la Russie étant un acteur majeur grandement concerné par la lutte contre le terrorisme, respectueuse du droit international et de la souveraineté des États. Quant aux modalités de leur future entente, l’avenir nous le dira.
Press TV : Étant donné que les forces armées turques s’approchent d’Al-Bab et que les forces syriennes sont rendues au sud de cette ville, y a-t-il une coopération entre les deux armées pour éviter une confrontation non calculée ?
M. Al-Mouallem : J’affirme qu’il n’existe aucune relation ou coordination entre nous et la Turquie en ce qui concerne cette invasion de notre territoire. Nous considérons les groupes armés, derrière lesquels elle se dissimule, pour ce qu’ils sont : des terroristes qu’il faut traiter avec fermeté. Désormais, plus personne n’ignore le soutien de la Turquie aux factions armées en Syrie.
Al-Watan (Syrie) : De Mistura est arrivé à Damas sur fond de déclarations publiées auparavant par le quotidien The Guardian [8]. En bref, il fait un parallèle entre l’Irak et la Syrie en parlant de processus politique inclusif des sunnites en Syrie, pour conforter sa vision confessionnelle du futur État syrien, et met en garde contre un risque accru du terrorisme « si Assad remportait une victoire militaire totale ». Ensuite, étant donné que les terroristes ont utilisé des substances chimiques toxiques contre la population et les soldats à Alep, usage pour lequel vous avez officiellement demandé à l’ONU l’envoi d’une commission d’enquête sur le terrain, pensez-vous que cette commission se déplacera cette fois-ci, contrairement aux fois précédentes ?
M. Al-Mouallem : Nos expériences passées ont démontré que nous ne devons pas attendre grand-chose de ces commissions. Quant à de Mistura, il aurait formulé ses opinions personnelles alors que nous, en Syrie, refusons absolument ces considérations et restons fiers de la cohésion nationale entre les différentes composantes du peuple syrien. Je crois qu’il a reçu le message.
SANA : Pensez-vous qu’avec Trump à la présidence des USA, Washington cessera effectivement de soutenir le terrorisme ?
M. Al-Mouallem : J’ai déjà dit qu’il était prématuré de répondre à cette question à partir de slogans d’une campagne électorale et que toute personne sensée qui réviserait la politique de l’administration sortante devrait corriger ses erreurs. Ce que nous attendons de la future administration est non seulement qu’elle cesse de soutenir les groupes armés, mais aussi quelle freine les États régionaux notoirement connus pour cela.
Al-Manar : Le retour des forces de l’UNDOF [Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement] au Golan syrien occupé paraît hors contexte. Comment l’expliquez-vous ?
M. Al-Mouallem : Le centre de commandement de cette force était basé à Nabeh al- Faouar, laquelle localité est redevenue sure. Pour revenir, l’ONU a dû obtenir du Qatar et d’Israël, en particulier, des garanties assurant qu’elle ne sera plus ciblée, puisqu’il est de notoriété publique que le Qatar et Israël soutiennent les groupes armés sévissant dans la région. Nous n’y voyons aucune signification politique. Ce n’est qu’un retour à la normale. C’est pourquoi, nous coopérerons avec l’UNDOF.
Al-arabi : Vous nous avez habitués à vos blagues diplomatiques, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, mis à part votre entrée en matière sur votre retard dû à de Mistura. Ma question est : pensez-vous que le train égypto-syrien est arrivé à la destination espérée ?
M. Al-Mouallem : Franchement, lorsque mes collègues m’ont informé du décès de ces dix enfants dans leur école à Alep, mon esprit blagueur m’a abandonné. Quelle est leur faute ? Sinon, je vous avais préparé une bonne blague, mais le cœur n’y est pas.
Quant à votre question, le discours égyptien a certainement évolué dans le bon sens, mais n’est pas encore arrivé à la destination où nous l’attendions et où nous l’attendons toujours, pour la bonne raison que quand la Syrie et l’Égypte marchent ensemble, la nation arabe va bien. Il n’est pas possible que le grand peuple égyptien et son armée se contentent d’observer ce qui se passe en Syrie, comme il n’est pas possible que la Syrie ne sympathise pas avec l’armée égyptienne, qui lutte contre le terrorisme au Sinaï. C’est pourquoi nous espérons. Plus qu’un petit bond et les choses reviendront à la normale.
Agence Tasnim : Concernant l’éventuel congrès de l’opposition à Damas, le gouvernement syrien s’est-il engagé à ne pas incarcérer l’un quelconque des congressistes, d’autant plus que le chef du « Comité national de coordination », Hassan Abdel-Azim, a déclaré que s’il obtenait cette garantie, le congrès se tiendrait dans la capitale ?
M. Al-Mouallem : Hassan Abdel-Azim entre et sort de Syrie, se réunit avec les gens de Riyad, s’épanche sur Al-Mayadeen ou ailleurs, en racontant tout et n’importe quoi. Il n’a pas été arrêté par le gouvernement syrien. N’est-ce pas là la meilleure des garanties ?
Sawt al-Arab : Il est clair que la Turquie est déçue par les récentes déclarations américaines concernant la Syrie, objet probable de son ressentiment parce qu’elle considérerait qu’elle est à l’origine du problème qui menace ses frontières sud, en plus du fait qu’elle doit héberger trois millions de Syriens. Pensez-vous que nous allons assister à un revirement, vu que M. Poutine a déclaré que la Russie fera tout ce qui est en son pouvoir pour assurer l’équilibre stratégique des forces ? Et avez-vous prévu de quoi ramener ces réfugiés de Turquie vers la Syrie ?
M. Al-Mouallem : Si deux alliés comme la Turquie et les USA se chamaillent à cause de la crise syrienne, alors que tout le monde est au courant du rôle de chacun dans sa création, que sommes-nous censés faire ? Que la Turquie soit déçue ou satisfaite ne nous concerne pas.
Quant aux réfugiés, je ne sais pas si votre chiffre est précis. En tout cas, nous souhaiterons la bienvenue à tout citoyen syrien qui souhaite revenir, même s’il est sorti illégalement du pays. C’est certain.
NBN : Alors que les États-Unis exigent l’arrêt des opérations à Alep et lancent des avertissements, que signifie l’idée d’une « administration autonome » proposée par de Mistura ?
M. Al-Mouallem : Il y a actuellement deux batailles : l’une à Mossoul, l’autre à Alep. La bataille de Mossoul suscite un consensus international, la bataille d’Alep suscite l’hystérie occidentale. Pourquoi ? Parce qu’ils veulent sauver le Front Al-Nosra qu’ils ont mis sur la liste des organisations terroristes, mais qu’ils jugent toujours utile pour menacer Damas. Sauver Al-Nosra est d’ailleurs la raison fondamentale de la dérobade des USA de l’accord passé avec la Russie. D’où l’idée de recourir à ladite « administration locale », laquelle a été imaginée par les éléments armés dans le but de gérer l’aide alimentaire arrivée à l’est d’Alep, qu’ils stockent avant de la vendre dix fois son prix aux citoyens devenus leurs otages.
Concernant les avertissements venus des USA, je ne suis pas militaire, mais sachez que la décision de libérer totalement Alep est prise et qu’elle est définitive.
Al-Ikhbariya : Que signifie cette escalade militaire et médiatique contre Alep ? Pourquoi l’ONU a-t-elle été absente alors qu’elle devait surveiller les couloirs humanitaires prévus pour la sortie volontaire des civils, tandis que de Mistura s’est proposé pour accompagner « physiquement » les éléments armés désireux de quitter les quartiers est d’Alep ? Voyez-vous une certaine synchronisation entre sa visite et cette aggravation de la situation ?
M. Al-Mouallem : Soyons honnête, je ne vois pas de synchronisation entre ces deux faits, puisque nous avons fixé la date de cette visite. En revanche, si les groupes armés ont exploité sa venue, ce serait une preuve supplémentaire de leur refus de toute solution politique.
Quant à la situation à Alep, elle est vraiment tragique. Une tragédie qui doit cesser. Nous espérons que ce sera pour bientôt.
As-Safir : Suite à votre entrevue avec de Mistura, avez-vous l’impression qu’il n’y aura pas de solution politique avant la rencontre entre les deux administrations américaine et russe, ou bien conservez-vous l’espoir que quelque chose de positif arrive pendant cette période transitoire de la présidence d’Obama ? Enfin, en tant que ministre syrien des Affaires étrangères avant et pendant la crise, quel message lui adresseriez-vous ?
M. Al-Mouallem : Question message, je ne peux pas lui adresser ce que je pense, les relations sont coupées entre lui et nous. Par contre, ce que j’ai compris de l’entrevue avec de Mistura est qu’il va se diriger vers New York pour une réunion avec le nouveau Secrétaire général de l’ONU et certains membres proches du président élu, Donald Trump, avant de se forger une idée concernant les pourparlers du dialogue entre Syriens.
Souriyana : En ce qui concerne la Syrie, certains considèrent que la relation entre la Turquie et la Russie n’est pas claire. Voudriez-vous nous donner votre point de vue ? D’autre part, le Hachd al-Chaabi a affirmé qu’il se dirigerait vers la Syrie, une fois qu’il aura libéré Mossoul, à la demande du gouvernement syrien. Le gouvernement a-t-il exprimé officiellement cette demande ou bien se prépare-t-il à le faire ?
M. Al-Mouallem : Je vois que la relation entre la Turquie et la Russie est fondée sur l’économie. Je vois que la Russie est un État ami qui respecte notre souveraineté et nous aide incontestablement dans notre lutte contre le terrorisme, alors que la Turquie est un État envahisseur qui soutient les terroristes et porte atteinte à notre souveraineté.
TV libanaise ? : Maintenant que les relations syro-libanaises vont vers le mieux, quel plafond pensez-vous qu’elles puissent atteindre depuis l’élection du Président Michel Aoun ?
M. Al-Mouallem : Cela dépend du versant libanais. Nous n’avons pas de plafond et sommes ouverts à nos frères libanais autant qu’ils sont ouverts envers nous.
DAMAS, 20 novembre 2016
Source : video Al-Ikhbariya [TV Syrie]
Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal